Quand on parle de nos prisons actuelles, on dit souvent qu’elles sont moyenâgeuses et pour cause, les conditions de détentions actuelles ont de quoi faire frémir… Mais tout ça c’est pas très sympa pour le Moyen Âge qui n’a rien demandé. Le concept de prison lui-même en temps qu’enfermement voit surtout le jour avec la Révolution Française où la liberté est alors considérée comme une valeur suprême et donc la prison, comme une sanction idéale. On a ainsi tenté de glaner quelques informations sur les conditions de détention au Moyen Âge, l’exercice n’est pas évident puisqu’il existe peu de registres relatant des conditions de geôle comme l’explique l’historienne Julie Claustre. Mais nous remercions l’historien Pierre Prétou pour son aide !
Il existe des prisons ouvertes et des prisons fermées
Eh oui ! Aujourd’hui on ne connait que les prisons fermées en France (de nombreux pays montrent un autre exemple de prisons ouvertes mais c’est pas encore pour chez nous). Au Moyen Âge on a deux acceptations de la prison : la prison fermée telle qu’on la conçoit plus ou moins aujourd’hui mais qui n’est appliquée que très rarement et pour les grands criminels le plus souvent condamnés à mort ; la prison ouverte, quant à elle, est aussi appelée prison « courtoise », ses murs ne sont que les frontières de la ville (en gros le prisonnier est libre mais doit répondre aux convocations de l’autorité judiciaire). La prison ouverte ou fermée servait principalement de traitement préventif.
La prison n’est donc pas uniquement acceptée comme un enfermement. C’est surtout un moyen d’empêcher le condamné à accéder à sa propre « résidence ».
La prison est utilisée à titre préventif
En fait il faut bien comprendre que la prison médiévale n’est conçue qu’en attente du procès (contrairement à aujourd’hui où elle est considérée comme une peine), c’est donc une détention préventive. Il faudra attendre la fin du Moyen Âge pour que la « peine de prison » visant à purger les fautes de l’accusé voit le jour. Elle est même inspirée de l’expérience monastique, c’est à dire le fait de se retirer du monde pour s’évader spirituellement (d’ailleurs après la Révolution Française, les biens du clergé serviront de premier réseau de prisons).
La prisons coûte cher
De ce fait, rares sont les juridictions qui en ont les moyens, ce qui explique que c’est souvent au prisonnier de payer ses repas, les conditions vétustes, les évasions… Et donc en toute logique la prison frappe surtout les moins nantis et les sans honneur car n’ayant aucune garantie de sociabilité ou de patrimoine à faire valoir, on les enferme plus volontiers. Partant, une fois incarcérés en attente d’un procès, ils échappent moins facilement à la rigueur de justice.
Le pouvoir judiciaire est disséminé
Durant la féodalité (entre le Xe et le XIIe siècle), le pouvoir n’appartient pas à une seule entité, disons que c’est un peu le bazar. Ce sont les seigneurs, les évêques, les abbés et les rois qui exercent la justice à qui mieux mieux. Du coup, chacun possède sa propre prison et les conditions varient d’une structure à l’autre mais on y laissait rarement une bonne note Airbnb.
La hiérarchie des crimes est une idée plutôt moderne, en tout cas elle n'était pas la même au Moyen Âge
Par exemple et à notre grande surprise, les meurtres sont davantage pardonnés. On considère que les meurtriers ont agi le plus souvent pour protéger leur honneur. En revanche, les voleurs sont considérés comme des prisonniers malhonnêtes qui agissent dans l’ombre et sont donc moins bien pardonnés. Quant au crime ultime au Moyen Âge on le nomme « enormia« , c’est un crime qui offense Dieu lui-même et qui peut être lié à la religion, une sexualité déviante, ou un suicide. Ce sont des crimes irrémissibles, c’est à dire impardonnables.
Les peines de prisons varient d'un crime à l'autre
Et si les exemples de tortures médiévales sont fleuris, le plupart du temps quand on veut donner la mort, on pend (c’est ce qu’explique dans cette vidéo l’historien Pierre Prétou ). A Paris, les pendaisons se passent aux Halles et les corps sont ensuite exposés aux portes de Paris sur le gibet de Montfaucon (à deux pas de l’actuelle place du colonel Fabien).
A partir de 1351, les vagabonds étaient condamnés l'emprisonnement
Selon la revue Liberté politique, c’est à partir de cette année-là que la mendicité est condamnée par la loi, les vagabonds arrêtés doivent ainsi passer trois jours en geôle. Mais le prisonnier pouvait demander une alternative, par exemple en payant une amende (ce qu’ils étaient bien rarement capables de faire).
Contrairement aux idées reçues, les oubliettes ne seraient pas vraiment une invention du Moyen Âge
Si l’expression semble exister depuis le XIVe siècle, il semblerait toutefois que ce qu’on désignait comme des oubliettes n’étaient que des caves où l’on entreposait la nourriture au frais. Et les os trouvés dans ces espaces étaient en fait des restes de nourriture et non des os humains. Certes elles ont pu servir occasionnellement de cachot mais c’était pas du tout fait pour ça au départ.
Et pour être ultra calé sur la question, deux ouvrages à vous mettre sous le coude : Enfermements. Le cloître et la prison (VIe-XVIIIe siècle), sous la direction d’Isabelle Heullant-Donat, Julie Claustre et Élisabeth Lusset etSurveiller et punir de Michel Foucault.
Sources : cloître de prison, Vivre au Moyen Âge, Liberté politique, « La prison de « desconfort ». Remarques sur la prison et la peine à la fin du Moyen Âge » de Julie Claustre, Criminocorpus, Wikipédia « Les oubliettes »