Entre les fantasmes de chacun et les trucs faux sur les prisons au cinéma, on finit par ne plus vraiment savoir ce que c’est vraiment, le milieu carcéral en France. A moins d’y bosser, d’y être emprisonné ou de mater tous les docu dispos sur le sujet, la plupart des gens ignorent comment ça se passe en prison. Du coup on s’est renseigné pour répondre aux questions que tout le monde se pose sur cet endroit où personne n’a envie de mettre les pieds. Petit spoiler : vous n’aurez toujours pas envie d’y aller.
C'est quoi la différence entre "maison d'arrêt" et "centre de détention"
Pour la faire simple, la maison d’arrêt, c’est pour les courtes peines et ceux qui font de la détention provisoire. La détention provisoire, c’est quand t’as pas encore été jugé mais que t’es emprisonné parce que l’enquête est encore en cours ou que t’as déjà reconnu que t’étais coupable (en gros). Les centres de détention, eux, sont là pour les prisonniers aux peines plus longues. Généralement, quand on voit des prisons surchargées, ça concerne surtout les maisons d’arrêt qui brassent pas mal de monde.
Comment on répartit les prisonniers ?
Déjà, il faut savoir que les prisons ont plusieurs quartiers (regroupés en un seul centre ou non) :
Le quartier centre de détention, où les prisonniers sont pris en charge pour apprendre à se réinsérer dans la société.
Le quartier maison centrale, où on trouve les détenus avec des peines très longues ou des prisonniers dangereux. Là, le niveau de sécurité est plus élevé qu’ailleurs.
Les quartiers semi-liberté et peines aménagées, où les détenus sont encore plus préparés à la réinsertions et à leur sortie de prison. Généralement, ils bossent à l’extérieur la journée et rentrent au centre de détention en fin de journée.
Après, pour la répartition des prisonniers au sein des cellules, ça dépend un peu de l’administration qui essaie de faire le tri entre les personnalités etc. pour éviter de mélanger des détenus dangereux avec des détenus plus fragiles. Mais comme on peut s’en douter, il y a souvent des ratés à ce niveau-là.
Pourquoi on est parmi les pires prisons d'Europe ?
Quand l’Europe enquête sur ses prisons, la France fait toujours partie des mauvais élèves alors qu’on est censé être un grand pays. Notre premier problème, c’est qu’on a trop de détenus par rapport aux places disponibles : environ 64.405 prisonniers pour 60000 places en 2021. C’est mieux que dans les années 2000, mais toujours pourri par rapport à d’autres pays. Ensuite, on a des prisons vieilles de plus de 100 ans et totalement insalubres qu’on continue à utiliser, comme celle des Baumettes à Marseille qu’on a mis trop longtemps à rénover. Et puis on est mauvais en réinsertion et nos taux de récidives sont beaucoup trop élevés. Tout ça fait un joli cocktail qui nous fait passer pour des gros pignoufs aux yeux de l’Europe.
Est-ce qu'il y a beaucoup de meurtres en prison ?
La prison est un endroit dangereux, c’est un secret pour personne, mais il y a un peu moins d’homicides que ce qu’on imagine. Entre 2011 et 2018, on en a comptabilisé « seulement » 11 (avec des gros guillemets oui). Par contre, au niveau des agressions, là c’est la catastrophe, avec plus de 8000 agressions physiques recensées par an (et sûrement beaucoup d’autres passées inaperçues qui n’ont pas été comptabilisées). Ça donne pas tellement envie d’y poser ses valises.
Les gardiens subissent des violences eux aussi ?
La réponse est oui. Ils sont même souvent pris pour cible puisqu’on recense environ 4000 agressions sur des gardiens par an, et plusieurs prises d’otage chaque année. On comprend que le job ait du mal à attirer des candidats.
Combien de visites peuvent recevoir les prisonniers chaque semaine ?
Les prévenus (ceux dont la condamnation n’est pas encore prononcée ou pas encore définitive, s’ils ont fait appel par exemple) ont droit à au moins 3 visites par semaine. Les condamnés, eux, à au moins 1 visite hebdomadaire. Et les visites au parloir durent en général entre 45 minutes et une heure, soit un temps plutôt court quand on passe le reste de ses journées enfermé dans une cellule. Après, c’est sûr que la prison c’est pas une partie de plaisir, on était au courant.
Quelle est la fréquence des promenades ?
Ça dépend des prisons. A Fleury, par exemple, c’est une fois par jour pendant deux heures, et pas question de faire des aller-retour avec la cellule parce qu’on y a oublié un truc. C’est pas énorme, et en plus la promenade est considérée comme le moment de tous les dangers puisqu’une bonne partie des détenus se retrouvent en même temps dans la cour. Du coup, pour les nouveaux arrivants pas habitués à la prison, c’est compliqué.
Est-ce qu'ils ont le droit d'avoir un portable ?
A force de voir plein de vidéos prises par les prisonniers on finit par se poser la question, mais la réponse est non. C’est totalement interdit et sanctionné si quelqu’un se fait prendre. Ça n’empêche pas les détenus de s’en procurer soit par les parloirs, soit par dessus les murs de la cour de promenade, lancés par des mecs depuis l’extérieur. On finit toujours par se débrouiller pour avoir ce qu’on veut en prison.
Les prisonniers sont vraiment logés, nourris, blanchis ?
Ça, c’est l’argument préféré des gens d’extrême droite qui pensent que la prison est un Club Med entièrement payé par le contribuable. Dans la réalité, l’administration pénitentiaire ne fournit que le minimum (2 repas dégueu, une collation pas ouf et un kit d’hygiène sommaire) et le reste est à la charge des détenus. Ils achètent leurs produits à la cantine, paient leur lessive, louent la télé 15 euros par mois et le frigo 7 euros par mois. S’ils veulent téléphoner, là aussi ils doivent raquer environ 70 balles par mois pour 20 minutes d’appels quotidien. Ça fait cher le forfait. En bref, la prison c’est pas un hôtel gratuit super cool, sinon tout le monde voudrait y aller.
On se suicide vraiment beaucoup en prison ?
Oui, et la France est encore dans les mauvais élèves européens sur ce point-là. En 2020, il y a eu 119 suicides en prison chez nous, soit 6 fois plus qu’en population générale. En cause, les conditions de détentions pourries dont on a déjà parlé, la violence, le bruit constant, le manque des proches et aussi une difficulté à consulter un psy (il faut parfois des mois d’attente dans les maisons d’arrêt pour avoir un rdv). Tout ça accumulé fait que, forcément, certains finissent par craquer. Il serait peut-être temps de changer notre système carcéral.
Maintenant vous pouvez déprimer encore plus avec les chiffres sur les prisons françaises ou vous rassurer en vous disant qu’on n’est pas encore au niveau des pires prisons secrètes de l’Histoire.
Sources : Ooreka, Vie-publique, Le Figaro, Franceinfo, Rue89, Justice.gouv, Service-public, Oip.