Y’a plus de saison gnagnagnagnagna, les gens ne se parlent plus gnagnagnagnagnagna, on fabrique des dégénérés gnagnagnagnagna, moi de mon temps gnagnagnagnagna… On entend ça tout le temps, tous les jours, dans la bouche de personnes indignées devant le monde qui part à vau-l’eau. Mais vous savez quoi ? Ces mecs auraient eux-mêmes indigné leurs brillants aînés qu’ils admirent tant : depuis la nuit des temps, les gens se plaignent que le monde change.
"Les jeunes, c'est plus ce que c'était..."
« Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l’autorité et n’ont aucun respect pour l’âge. À notre époque, les enfants sont des tyrans. »
Cette citation apocryphe est attribuée par Platon à Socrate. Elle date donc de 400 ans avant JC. C’est vous dire que les jeunes, ça fait un moment que c’est plus ce que c’était.
"Les mecs deviennent des femmelettes"
Au XVI°, avec l’arrivée des armes à feu, les hommes avaient apparemment perdu leur virilité déjà bien entachée par cette histoire d’épées et de pourpoints. La décadence de la virilité n’est pas l’apanage de Zemmour, puisque Montaigne l’évoque dans ses Essais : « (L’homme) doit être véhément et brusque, non pas délicat, il ne faut pas que l’enfant devienne un joli garçon. »
Les politiques, tous pourris
Le mythe des 200 familles date du XIX°. En réalité, cette idée de l’élite corrompue est vieille comme la démocratie moderne. En 1869, un journaliste écrit : « les 20 milliards de valeurs mobilières sont à la discrétion de 200 nababs, qui n’y ont pas engagé 200 millions. L’antiquité ne fournit pas d’exemple d’oligarchie aussi concentrée. » Ces 200 familles ont nourri l’imaginaire complotiste et l’idée d’une corruption au sommet de l’Etat qui a été utilisée ensuite par l’extrême-droite depuis Poujade et jusqu’à aujourd’hui.
"Les nouvelles technologies, c'est le danger et le bordel"
Leon X, lors de la création de l’imprimerie, a voulu la contrôler. Dans sa bulle Inter Sollicitudines (1515), il explique que l’imprimerie est à la fois une chance et un grand danger et que tout ouvrage imprimé doit d’abord être validé par un évêque. Remplacez imprimerie par Internet et vous aurez la même chose.
"Non mais on peut pas bosser moins, sinon l'économie va s'effondrer"
1860, on bosse encore 14 heures par jour et il serait question de passer la journée à 12 heures. Une déclaration parmi d’autres d’un patron de forge au préfet de l’Isère de l’époque : « Si nous ramenons la journée de travail à douze heures, la partie ne sera plus tenable. Nous serons obligés de transporter nos industries vers l’étranger, où la main-d’œuvre est plus raisonnable ». Hahahahahah.
"Les étrangers nous envahissent et volent notre travail"
En Grèce antique, le métèque était un étranger qui avait quelques droits (pas beaucoup). Certains ont eu le malheur de devenir riches ; que s’est-il passé, dès lors ? Eh bien la figure du métèque riche est devenue un objet de risée et de mépris que l’on retrouvait dans les comédies. Un peu comme avec les Juifs au début du XX°.
"Les barbares sont à nos portes, il faut protéger notre identité"
« Le peuple des Huns (…) est d’une nature on ne peut plus sauvage. (…) Cette race d’hommes indomptables et habiles au combat ne vit que pour voler les biens des autres ; pillant et assassinant, elle attaqua ses voisins de proche en proche jusqu’à ce qu’elle arrive au pays des Alains, les Massagètes d’autrefois. » Ca date de l’an 300. Mais franchement, j’imagine que c’était justifié, hein.
"Le niveau baisse"
Une petite citation qu’Anatole France attribuait à un commentateur de l’antiquité : « Pour se consoler de ton absence, Virgile, ils ont trois poètes : Commodien, Prudence et Fortunat qui naquirent tous trois en des jours ténébreux où l’on ne savait plus ni la prosodie ni la grammaire. »
Bref, imaginez un peu à quel point le niveau a baissé depuis ce temps-là.
C’est pas près de changer.