Les questions existentielles sur la langue française, sa grammaire, ses irrégularités et ses conjugaisons loufoques pourraient constituer à elles seules des dizaines d’encyclopédies. On n’est pas là pour vous assommer de mots, donc on a simplement sélectionné quelques interrogations, pour la grande majorité expliquée dans l’ouvrage Les pourquoi du français – 100 questions (légitimes) que vous vous posez sur la langue française de Julien Soulié, pour vous aider à lever ces mystères. Merci Julien.

Pourquoi on rajoute un "s" à la deuxième personne du singulier ?

Déjà, même si « s » exprime souvent un pluriel, ce n’est pas une généralité pour autant. De nombreux mots singuliers français se terminent également par cette lettre, comme « un bois », « un puits » ou « du temps ». Ensuite, comme dans la majorité des cas, le « s » à la seconde personne du singulier est… Un héritage du latin ! D’ailleurs, en vieux français comme en latin, ces « s » se prononçaient !

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Et pourquoi le "S" disparaît à l'impératif pour certains verbes ?

Ici, deux héritages : le latin, d’abord, dans lequel l’impératif ne prenait pas de « s », comme dans n, « ama » (aime), « lege » (lis), ou « audi » (écoute). Ensuite, le vieux français, celui du Moyen-âge. À l’époque, les verbes à l’impératif se terminent généralement par un « y », comme dans » voy », « connoy », ou « fuy ».

Pourquoi "l'imparfait" s'appelle "l'imparfait" ?

En latin, il existe un temps du passé appelé « parfait », qui correspond aussi bien à « je lisais » qu’à « j’ai lu ». Le plus-que-parfait, lui, correspond à « j’avais lu ». Dans les deux derniers cas, l’action est terminée, faite, « parfaite ». À l’inverse, dans « je lisais », on ne sait pas vraiment si l’action est totalement faite, bornée, puisqu’on peut dire « je lisais nuit et jour » : elle est donc imparfaite, ce qui donne… L’imparfait.

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Pourquoi le verbe "aller" est si compliqué ?

« Aller » mais « je vais », « j’irais », « j’allais ». Clairement un verbe aussi indécis que mon ex. L’un des deux verbes les plus irréguliers de la langue française (avec « être »), est en fait consituté sur la base de trois verbes latins différents : « ire » (« j’irais »), « vadere » (« errer, marcher »), et la racine « all » qui pourrait être une évolution de « ambulare » (« marcher, se promener »). Un joyeux bordel, qui explique sa complexité ! C’est l’évolution des langues, appelé « supplétisme verbal » par les plus littéraires d’entre nous.

Pourquoi on dit "tu bois" mais "vous buvez" ?

Ou encore, « tu meurs » mais « vous mourez » ? Cette alternance de radical entre singulier et pluriel est dû à « l’influence de l’accent tonique latin sur l’évolution phonétique des mots français ». Pour mourir, par exemple, on dit moris/moritis, mais l’accent n’est pas au même endroit : móris, mais morítis. L’accentuation du « o » étant forte dans móris, elle a progressivement effacé la prononciation du « i », ce qui a fini par donner par diphtongue « muers » puis « meurs ». À l’inverse, dans « moritis », comme il n’est pas accentué, il s’est maintenu en se fermant.

Pourquoi "appeler" gagne une "l" quand j'appelle ?

En latin, les deux premières formes plurielles (nous, vous) étaient accentuées sur l’avant-dernière syllabe : appellámus, appellátis, appelláre. Cette accentuation mange presque la syllabe précédente, rendant le « è » de « pel » très faible. C’est pour cette raison qu’aujourd’hui, on prononce casiment « « app’lez », «app’lons ». À l’inverse, les autres formes sont accentuées sur le « e » : appéllo, appéllas, appéllat, appéllant, ce qui a conduit au maintien du « e », puis à j’appelle, tu appelles, il appelle, ils appellent.

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Pourquoi "j'absous" a perdu son "d" ?

Alors qu’il reste présent dans « je couds », par exemple ? Tout comme dissoudre ou résoudre, absoudre repose sur la racine latine « solv » (absolvere). En ancien français, la syllabe non accentuée « ve » disparaît, ce qui donne « absolre ». Or, si vous les prononcez vite en les répétant, vous verrez par vous-même : le « lr » se transforme naturellement en « ldr » : un « d » apparaît. L’apparition d’une consonne non-étymologique porte un nom : c’est une « épenthèse ». Comme si ce n’était pas assez compliqué, elle ne se produit qu’à l’infinitif, ce qui fait évoluer le verbe en assoldre, puis assoudre, et enfin absoudre. Pour le reste de la conjugaison, rien de tout ça : il n’y a pas de « d », ni oral ni écrit !

Pourquoi "envoyer" devient "enverrai" au futur ?

Si on se réfère à l’ancien français, on trouve « envoierai » ou « envoyerai », qui trouve certainement son influence dans le verbe « voir ». À l’époque, il sonnait en « voi », « j’envoi », ce qui rendait logique de conjuguer le futur en « je verrai », « j’enverrai ».

Si la conjugaison n’est pas votre dada, vous pouvez toujours lire les questions qu’on se pose sur les dictionnaires.