Salut mes petites farandoles. Comme vous le savez la langue française est pleine de trouvailles cocasses et autres découvertes insolites. Aujourd’hui on passe un coup de loupe sur les expressions qui ont le bon goût de nous caler un petit mot souvent issu de l’ancien français et qu’on ne retrouvera nulle part ailleurs. Vous allez voir c’est presque aussi désopilant que gondolant.

Au fur et à mesure

On utilise cette expression tout le temps et pourtant je vous mets au défi d’utiliser le mot « fur » dans un autre contexte. En effet « fur » vient de « forum » antique donc la fonction commerciale a donné le sens des « affaires qui se font au marché ». En ancien français on disait donc « fuer » pour « prix, taux ». Par la suite l’expression « au fur de » a donné le sens « à proportion de » plus proche de son acceptation contemporaine.

Le truc drôle c’est qu’en y rajoutant « et à mesure » on en a fait une expression pléonasme même si aujourd’hui plus personne ne connait le sens originel de « fur ».

Une manière pas du tout bonne d’utiliser cette expression : « Ils se marièrent et fur et à mesure beaucoup d’enfants ».

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For intérieur

Croyez-le z’ou non, mais le for et le fur on la même lointaine étymologie : « forum ». Si vous vous souvenez bien (et j’espère que vous vous souvenez bien parce que c’était le point juste au dessus), « fur » vient de l’aspect plus commercial du forum antique tandis que « for » tire son origine de l’aspect juridique.

Le « for extérieur » (plus du tout utilisé aujourd’hui) désignait ainsi en XVIIe siècle un tribunal ecclésiastique. Le for intérieur a désigné plutôt la conscience individuelle (par opposition avec le jugement extérieur du tribunal).

Une manière pas du tout bonne d’utiliser cette expression : « A la plage j’aime bien construire des chateaux for intérieur, et vous ? »

Peu ou prou

Vestige de l’ancien français « prou » qui voulait dire « beaucoup », ce n’est plus que dans cette expression désuète que l’on peut encore le croiser aujourd’hui.

Une manière pas du tout bonne d’utiliser cette expression : « j’ai mangé trop de choucroute ce midi, je vais avoir une digestion peu ou prout »

Huis clos

Tout comme « prou », on a certainement oublié l’ancien français « huis » qui voulait dire « porte ». Mais avouez qu’on parle moins souvent de « dégonder un huis » de nos jours. En revanche, vous remarquerez la proximité avec le mot « huissier » puisqu’il désigne le fdp qui pète ta porte pour te piquer des trucs en toute légalité. Huis clos revient donc à parler d’un lieu à porte fermée. A une époque on a même dit « à huis ouvert » pour dire « manifestement » mais plus personne aujourd’hui n’utilise cette expression donc laissez béton (d’ailleurs plus personne ne dit non plus « laissez béton »).

Une manière pas du tout bonne d’utiliser cette expression : « Epuisée dans mon lit, je laissais tranquillement mes yeux se fermer à huis clos »

Aujourd'hui

Adverbe ancien qu’on ne croisera que dans cette expression utilisée au quotidien et qui n’a RIEN A VOIR avec le « huis » croisé plus tôt. Ce qui est drôle c’est que « hui » veut dire « ce jour-même ». Donc aujourd’hui c’est un peu une manière de dire « au jour de ce jour même ». Donc les gens insupportables qui disent « au jour d’aujourd’hui » c’est un peu comme s’ils disaient « au jour du jour de ce jour même ». Autant dire que c’est complètement con.

Une manière pas du tout bonne d’utiliser cette expression : « Bonjour, un Coca une grande frite et un aujourd’hui s’il vous plaît »

D'ores et déjà

En ancien français « ores » voulait dire « maintenant », voilà d’ailleurs ce qui a donné le mot « dorénavant » (contraction de « d’ore en avant ») ou encore « désormais » (contraction de « dés ore mais »).

Une manière pas du tout bonne d’utiliser cette expression : « – Bonjour, comment allez vous ? – D’ores et déjà. – Ah. »

En catimini

ARRETEZ TOUUUUUUUT vous allez hallu du slip. Imaginez un peu un monde où le mot « catimini » viendrait des règles. Des ragnagnas. Des coquelicots.

On vous explique tout : au XIVe siècle on utilise l’expression « faire le catimini » pour dire qu’on agit en cachette (forme qui nous est plus ou moins restée jusqu’à nos jours). Or « catimini » viendrait du grec « katamênia » qui veut dire, je vous le donne en mille : les menstruations. Le lien entretenu avec le sens de cachette viendrait du tabou autour des règles qu’il faut garder cachées. Une autre hypothèse associerait le terme au chat et sa manière furetive d’agir mais je préfère l’hypothèse des ragnouttes.

Une manière pas du tout bonne d’utiliser cette expression : « J’ai mis une catimini-jupe mais mon collant est filé ce qui me plonge dans le désarroi »

A tire-larigot

Autant on peut tirer sur la corde ou tirer une chaussette coincée dans le lave-linge, autant on larigote moins. Et pour cause, dites vous que l’expression viendrait tout bêtement d’une chanson à boire datant du XVe siècle.

« Boire à tire-larigot » renvoie alors au fait de « boire d’un trait » (c’est alors ce que veut dire « tirer »). Larigot quand à lui pourrait renvoyer à la flûte (en allemand) ou à La Rigaud, cloche de la cathédrale de Rouen pesant plus de 10 tonnes et dont les sonneurs avaient besoin de glouglouter pour se donner du coeur à l’ouvrage.

Une manière pas du tout bonne d’utiliser cette expression : « J’ai encore mangé des tire-larigot ce matin au petit déj, ça m’est resté sur le bide »

Et si vous voulez découvrir d’autres expressions qui viennent de l’univers de la picole je ne peux que vous recommander ce livre d’une qualité supérieure et d’un humour révoltant (je dis pas ça parce que je suis une des autrices) :

A la bonne franquette

Elle a beau sembler courante dans nos bouches naïves, la franquette n’apparaît que dans cette expression qui n’a pas perdu de son mordant. On disait au XVIIe siècle « à la franquette » pour parler de franchise (dommage qu’on ne l’utilise plus comme ça aujourd’hui mais bon). Finalement, le sens de l’expression a plutôt pris la voie de la simplicité et du « sans chi-chi ».

Une manière pas du tout bonne d’utiliser cette expression : « Je vais être franquette avec toi, j’aime pas du tout ta blanquette. »

Battre la chamade

On ne se doute pas à quel point nos expressions viennent du jargon militaire. De l’italien « ciamada », le mot renvoie alors à « clameur » ou plus précisément la batterie de tambours par laquelle les assiégés annonçaient qu’ils se rendaient. Finalement, battre la chamade veut dire qu’on capitule.

Une manière pas du tout bonne d’utiliser cette expression : « Vous avez vu le dernier spectacle de Pierre Chamade ? J’adore cet humoriste. »

Chasse à courre

« WHAAAAT mais d’où « courre » c’est pas un mot qu’on utilise en dehors de l’expression « chasse à courre » ? » êtes-vous certainement en train de vous dire. Eh bien d’une certaine façon, vous avez raison de vous interloquer (se qui ne veut pas du tout dire qu’on s’échange nos loques) car « courre » est bien l’ancienne version de « courir ».

Attention, pas « courrer » mais bien « courre », verbe à l’infinitif qui signifiait « poursuivre un chevreuil » et dont le terme est resté uniquement dans cette expression typique de la vénérie (rien à voir avec la science des gens vénèr, « vénérie » est une autre manière de parler de chasse à courre).

Une manière pas du tout bonne d’utiliser cette expression : « Qui est ce qui a encore oublié de tirer la chasse à courre ? y’en a partout c’est dégueulasse ! »

Au grand dam

Quand le mot « dam » apparaît dans les Serments de Strasbourg en 842 il veut dire « préjudice » (d’où on tire également « damnation », « condamné », ou encore « dommage ») mais on ne le trouvera désormais plus que dans cette expression.

Une manière pas du tout bonne d’utiliser cette expression : « kan je vai vouar un défilé de la mode andiré les filles top modél c que des au gran dam ma parole »

Allez bisous et avant qu’on se quitte, je vous recommande vivement ce formidable ouvrage d’Alain Rey dont ce top est inspiré à 99%, vous verrez vous en connaîtrez un rayon sur la langue française (d’ailleurs vous découvrirez que « connaître un rayon » ne veut pas forcément dire ce que vous croyez) :