Le cinéma de science-fiction compte de nombreux genres bien spécifiques, mais rarement l'actualité des sorties n'aura permis un tel grand écart : alors que le trailer du nouvel opus de Star Wars enflammait les réseaux sociaux à coups de sabre laser et de batailles intergalactiques, Ridley Scott sortait tranquillement Seul sur Mars avec l'ambition affichée de coller au mieux à la réalité. Il n'est pas le premier à se frotter aux exigences des plus férus de rigueur scientifique, au point que le genre a un nom, "hard science-fiction" ou plus simplement "hard-science", le meilleur moyen de faire le point sur les connaissances scientifiques à un moment donné de l'Histoire du cinéma.
- Gravity
On a tellement vu de films dans l'espace qu'on en a oublié que le principal ennemi, c'est le vide. Un film catastrophe dans lequel le méchant est l'absence d'attraction terrestre, c'est une vraie bonne idée.
Là où le film s'est quand même trompé : Le bruit dans l'espace. C'est l'une des premières questions qui ont été posées à Cuaron lors de la présentation du film à Paris, et il s'en est excusé en expliquant que si il avait fait de l'espace un monde du silence, le film aurait été sacrément pénible. Et c'est sûrement vrai. Sinon, une armée de nerds s'est donné pour mission de lister les incohérences du films sur Wikipedia. - Destination... Lune ! 1950
Pour ne pas perdre le spectateur de 1950, les producteurs ont choisi d'insérer un petit dessin animé de Woody Woodpecker qui explique comment, physiquement, on peut faire décoller une fusée vers la Lune. Près de 20 ans avant d'envoyer le premier homme sur la Lune, ça n'avait rien d'évident. Destination... Lune! devient même une référence pour Brian de Palma qui a cherché le même réalisme pour Mission to Mars.
Là où le film s'est quand même trompé : des dialogues étranges du genre :
-"la fusée est finie. Quand est-ce qu'on peut la faire décoller ?"
-"Dans 17h."
-"Ok." - La Conquête de l'Espace 1955
Le film est l'adaptation d'un essai publié 6 ans plus tôt et a initialement été pensé comme un documentaire. Et puis, de fil en aiguille, on s'est orienté vers une fiction, pour toucher davantage de public.Là où le film s'est quand même trompé : Non, on ne clope pas dans une station spatiale. Et on ne fume pas la pipe non plus !
- Seul sur Mars
Comme à la grande époque de la SF américaine, le cinéma semble justifier l'octroi de crédit à la recherche scientifique. La NASA surfe sans vergogne sur la sortie du film, évoquant le réalisme apporté sur la terminologie, le calendrier de la mission (2030, date à laquelle l'agence espère envoyer une mission habitée sur la planète rouge) mais également sur la manière de gérer les relations publiques en cas de coup dur. La Nasa a été consultée sur tous ces aspects, et semble en être très fière.
Là où le film s'est quand même trompé : le coucher de soleil aurait dû être bleu, et pas rouge, il ne devrait pas y avoir de montagnes dans le décor à proximité du lieu d'atterrissage et la tempête qu'on voit dans la bande annonce n'a pas lieu d'être. Les scientifiques sont sans pitié. - Contact
Si le film mise sur un discours poétique (certains diront "moralisateur"), Contact est habillé d'une lourde écorce de réalisme qui rend le film passionnant mais qui le condamne à vieillir plus vite que l'oeuvre de Méliès. La lourdeur du protocole technique, médiatique et même politique y est évoqué et surtout, on ne comprend rien à ce que nous veut cette civilisation extraterrestre, ce qui est totalement vraisemblable.
Là où le film s'est quand même trompé : des bricoles, du genre "on ne peut pas utiliser de talkie ou de portable près d'un radiotéléscope" ou "si on calcule la distance parcourue par les ondes d'une chanson d'il y a 40 ans, on ne peut pas avoir fait pile un aller-retour à 26 années-lumières de chez nous", mais c'est vraiment pour emmerder les scénaristes. - Le Mystère Andromède
On ne conteste pas le côté "hard" du projet, Robert Wise s'évertuant à nous montrer comment un groupe de scientifiques tente de contenir un virus avec des protocoles assez carrés. C'est plus l'aspect "SF" qui fait défaut, puisque seule l'origine extraterrestre de l'infection fait référence à une situation encore au delà de notre réalité. En tout cas, on est dans un mille-feuille scientifique, et c'est crédible.
Là où le film s'est quand même trompé : On n'est pas spécialiste, mais est-ce qu'on prévoit encore des procédures d'autodestruction pour les labos de recherche ?
- Moon
D'abord, gagnons un temps précieux, ce film est un chef d'oeuvre, si vous ne l'avez pas vu (on ne va pas vous blamer, le film n'est jamais vraiment sorti dans les salles françaises), débrouillez-vous pour le choper. Ensuite, le choix d'une exploitation minière sur la Lune, ça peut paraître incongru, mais notre personnage principal collecte de l'hélium 3, rarissime sur Terre mais abondant sur le satellite naturel. Et d'après les calculs, cette source d'énergie pourrait satisfaire les besoins terriens pendant un siècle (le temps de mettre la main sur un autre filon).
Là où le film s'est quand même trompé : des broutilles : l'absence de décalage quand Sam appelle sa fille (il devrait y avoir un "lag" d'environ 3 secondes) et on voit de temps à autre la Terre depuis l'exploitation : la Lune ne tourne pas, soit on voit le Terre tout le temps, soit on ne la voit jamais, mais la Terre ne "se lève" pas chaque matin lunaire.
- L'Etoile du Silence
Parmi les nombreux films des années 1960 qui ont vu en Vénus une "planète soeur" de la Terre, il faut compter avec cette production du bloc soviétique qui s'efforce ne nous expliquer, avec une voix-off, les préparatifs du périple. Le film est une adaptation de Stanislas Law, habitué du genre, puisqu'il a également inspiré Solaris et Ikarie XB-1.
Là où le film s'est quand même trompé : en introduisant une civilisation vénusienne maîtrisant l'électricité comme personne. - Silent Running
Un film de SF typique des années 1970 (donc "post-hippie") où l'homme, devenu fou, a perdu contact avec Mère Nature. On est à bord d'un transporteur spatial qui conserve à son bord des échantillons de plantes, incapable de pousser sur une Terre ravagée par (on imagine) une merde nucléaire. Mais un jour, on demande au botaniste de tout cramer.
Là où le film s'est quand même trompé : penser qu'on peut demander l'arrêt d'un programme environnemental dans une société post-atomique, c'est mal connaître le lobby écolo.
- Europa Report
Europa est l'une des Lunes de Jupiter. C'est en perçant la glace à sa surface que l'équipage de cette mission spatiale espère trouver des sources potentielles de vie. Réaliste dans son thème, le film l'est également dans sa réalisation, avec des caméras embarquées et des plans qui semblent contraints par les conditions propres au vide spatial.
Là où le film s'est quand même trompé : en oubliant la gravité de Europa (les mecs gambadent comme sur Terre).
Et vous, vous ne supportez pas d'entendre du bruit dans l'espace ?
Source : 35mm, Tor.com, France Culture