On l’a beaucoup répété dans les médias, l’épidémie de Covid-19 est la plus grosse depuis un siècle, parce que oui, le hasard du calendrier veut que cette pandémie arrive tout juste un siècle (et un an) après celle de la grippe espagnole. Mais la grippe espagnole, on ne nous en a pas trop parlé en cours d’Histoire, du coup on la connaît pas trop, nous le grand public. On va donc faire un petit cours de rattrapage pour comprendre ce qu’il s’est passé.
La grippe espagnole, ça va d'avril 1918 au printemps 1919
Elle est apparue à la fin de la Première Guerre mondiale, à un moment où les pays d’Europe n’étaient pas du tout prêts à faire face à ce genre de crise. Et, surtout, à un moment où ces mêmes pays étaient déjà pas mal traumatisés par ce qu’ils venaient de traverser. Il n’y a jamais de « bon moment » pour se prendre une pandémie dans la tronche, mais celui-là était particulièrement mal choisi.
Elle a touché le monde entier
Tout le continent américain, l’Europe de l’Ouest, l’Asie de l’Est et du Sud, l’Océanie et quelques pays d’Afrique ont subi cette pandémie, alors que les transports étaient bien moins développés qu’aujourd’hui. Les déplacements causés par la guerre avaient donné un sacré coup de pouce au virus, et sa forte contagion a fait le reste.
L'origine de la grippe espagnole, c'est les Etats-Unis
C’est là-bas qu’elle est apparue en premier, et c’est parce que les soldats américains ont débarqué en France qu’elle nous a atteints nous aussi. Du coup, en venant nous aider face à l’ennemi, ils nous ont offert un petit cadeau empoisonné. L’Histoire est quand même un peu une pute.
Elle n'est pas du tout "espagnole", cette grippe
C’est probablement l’info que vous connaissez déjà, mais il faut quand même en parler. La raison pour laquelle on a appelé cette épidémie « grippe espagnole » en France et dans d’autres pays d’Europe, c’est qu’en 1918, la presse des pays en guerre appliquait une censure et ne faisait que relayer de la propagande pour garder le pays concentré sur la guerre. Mais l’Espagne n’était pas impliquée dans la Première Guerre mondiale, donc elle communiquait sur la grippe qui touchait sévèrement son pays. Les autres pays d’Europe ont ainsi commenté ce qui se passait chez les Espagnols en « oubliant » de mentionner qu’eux aussi subissaient l’épidémie. C’est plus facile de montrer son voisin du doigt.
La grippe espagnole, c'est entre 25 et 40 millions de morts
C’est tout simplement énorme, d’autant plus que la guerre avait déjà fait entre 10 et 19 millions de mort selon les estimations. En France, il y aurait eu 240.000 morts de cette grippe, plus de 2 millions en Europe, mais c’est en Asie qu’elle a été la plus violente, puisqu’on pense que 18 millions d’Indiens sont morts (soit 6% de leur population à l’époque) et que 4 à 9 millions de Chinois ont subi le même sort. Ça fait quand même bien froid dans le dos.
Près de 500 millions de personnes auraient attrapé cette grippe
Sachant qu’en 1920, il y avait autour de 1,860 milliard d’habitants dans le monde, on comprend l’ampleur du désastre. On estime la mortalité du virus entre 2 et 10%, bien plus qu’une simple grippe saisonnière, donc.
Il y a eu 3 vagues épidémiques
La première a eu lieu au printemps 1918 et ressemblait à une épidémie de grippe saisonnière normale, faisant assez peu de victimes. La deuxième s’est déroulée entre septembre et décembre 1918, et c’est celle qui a fait le plus de victimes dans l’hémisphère Nord, le virus ayant probablement muté entre temps. La troisième vague, un peu moins violente que la deuxième, a eu lieu au début de l’année 1919, jusqu’au printemps, et ce coup-ci c’est l’hémisphère Sud qui a le plus morflé. Ces vagues successives, c’est ce qu’on redoute le plus aujourd’hui avec le Covid-19, mais on peut pas dire qu’on n’a pas eu d’exemple pour nous prévenir.
Les 20-40 ans ont été aussi durement touchés que les populations "à risque"
Pour beaucoup d’épidémies, on voit surtout les nourrissons et les personnes âgées être le plus durement touchés parce qu’ils sont plus fragiles, mais la grippe espagnole a particulièrement frappé les 20-40 ans. Il y a plusieurs explications possibles. Déjà, les soldats ont été sévèrement exposés, mais on pense aussi que les personnes dans cette tranche d’âge n’avaient pas développé de résistance à une précédente souche de grippe à laquelle les plus vieux avaient déjà été exposés avant leur naissance. C’est sûr que c’est moins facile quand notre système immunitaire n’est pas prêt à se battre.
Le virus a probablement une origine aviaire
Oui oui, encore un coup des oiseaux. On imagine que, comme dans d’autres maladies d’origine aviaire, ça s’est passé comme ça : en gros, les oiseaux sont des réservoirs pleins de virus de ce genre, mais ils les transmettent rarement directement à l’homme, parce que leur génétique est trop différente et qu’il faudrait qu’ils soient beaucoup plus souvent en contacts pour qu’il y ait un risque. Par contre, les oiseaux et les porcs, dans les fermes, sont beaucoup plus en contact, et, au bout d’un moment, les virus en réserve dans les oiseaux arrivent à muter et sont transmis aux porcs. Après, l’homme attrape le virus depuis le porc, qui a un système immunitaire assez similaire au sien. Bon, là, c’était la version « à peu près », parce qu’en vrai c’est beaucoup plus technique.
La grippe espagnole de fait pas de flamenco avec des castagnettes en mangeant de la paella
Celui qui vous a dit ça vous a menti.
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Sources : Sciences et Avenir, Le Monde, Wikipédia, santé.lefigaro,