Il est presque impossible de ne pas avoir entendu parler du livre de Camille Kouchner La Familia grande, dans lequel elle dénonce les agressions sexuelles dont son frère a été victime et commise par leur beau-père d’alors : Olivier Duhamel. Ces révélations monstrueuses lèvent le voile, enfin, sur un tabou qui n’a que trop duré : l’inceste.
Tout d’abord l’inceste c’est quoi ? Le Larousse qualifie d’incestueux « toute relation sexuelle entre deux individus liés par un degré de parenté entraînant la prohibition du mariage ». Les viols et agressions sexuelles sont alors commis par une personne ayant l’ascendant, soit un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce, ou le conjoint/concubin d’une de ces personnes.
On compte 6,7 millions de victimes de l'inceste en France, soit 10% des Français
Une personne sur 10. Dans une classe de 30 élèves, 3 sont potentiellement victimes d’inceste mais vous pouvez transposer ce chiffre partout, dans votre cercle d’amis, dans votre espace de travail etc. Ce chiffre est le résultat d’un sondage mené sur internet par l’association Face à l’inceste afin de faciliter le témoignage des personnes concernées. Mais de fait, ce chiffre pourrait bien être encore plus important. Et attention, on ne parle « que » d’inceste, il n’intègre pas toutes les agressions pédo-criminelles. Ça donne le vertige tout d’un coup, pas vrai ?
Un tiers des Français connaissent au moins une victime d’inceste dans leur entourage
Regardez autour de vous. Si à votre connaissance, personne n’a été victime d’inceste, c’est qu’il y a certainement erreur. Alors attention hein, inutile d’y aller avec ses gros sabots en demandant à tout va, qui a subi des agressions sexuelles dans son enfance. Ce sont des témoignages difficiles, n’extorquez pas l’information, soyez avant tout attentifs.
Une peine réduite à 10 ans pour les violeurs incestueux quand ils parviennent à prouver que l'enfant n'a pas manifesté son "non-consentement"
Aaaah cette charmante histoire du non-consentement quand on parle de viol sur mineur dans la cellule familiale… Un mineur qui aura le courage de témoigner se verra ainsi toujours poser la question du consentement. En effet les relations incestueuses consenties entre deux personnes et au dessus de la majorité sexuelle (fixée à 15 ans en France) sont autorisées (le mariage est en revanche interdit). Donc, juridiquement l’agresseur a tout intérêt à plaider l’absence de non-consentement de la victime pour voir sa peine annulée (si la victime est majeure) ou abaissée de 20 à 10 ans de prison pour « agression sexuelle sur mineur ».
Par ailleurs, une atteinte sexuelle menée sur mineur âgé de plus de 15 ans (dont on ne parvient pas à prouver le « non-consentement ») sera punie de 2 ans de prison et 30 000e d’amende. Autant dire : WALLOU.
La notion de non-consentement dans les relations incestueuses pose évidemment problème parce qu’un enfant n’est pas en mesure d’exprimer son refus surtout face à une personne adulte, surtout quand cette personne fait partie de la cellule familiale.
La peine maximale pour un viol incestueux est de 20 ans
Pour cela, il faut que la victime ait moins de 15 ans au moment des faits.
Mais, quand il n’y a pas eu viol, mais agression sexuelle (donc sans pénétration), la peine descend à 7 ans et 75 000 euros d’amende. Oui, c’est bien trop peu.
Le délai de prescription est de 20 ans après la majorité de la victime
En gros, les victimes d’agression sexuelle ont jusqu’à 38 ans pour se manifester. Après, leurs plaintes ne pourront plus aboutir.
Toutefois, depuis la loi Schiappa du 6 août 2018, ce délai a été repoussé à 30 ans après la majorité du mineur victime de viol. Soit à 48 ans. Mais cela ne concerne que les viols et non les « délits sexuels » (tout ce qui peut être fait en dehors de la pénétration…).
Alors on pourrait se dire que c’est quand même une bonne évolution, mais en réalité ce que demandent les associations c’est tout simplement de lever le délai de prescription.
Dans 96 % des cas, les incesteurs sont des hommes
A ce sujet on vous recommande le podcast de Charlotte Pudlowski sur Louie Media « Ou peut-être une nuit » qui montre comme le patriarcat perpétue le viol et l’inceste dans la cellule familiale (merci d’écouter ce podcast qui déconstruit cette idée de manière un tout petit peu plus exhaustive).
Le 2 septembre 1986 : date du premier témoignage d'inceste à la télévision
Un an après avoir créé l’association SOS Inceste, Eve Thomas prend la parole sur Antenne 2 dans le cadre de l’émission Les Dossiers de l’écran pour dénoncer le viol perpétré par son père. C’est le début du commencement du début du commencement de la libération de la parole sur l’inceste. Une parole qui n’a cessé de s’exprimer mais qui n’est réellement entendue que depuis peu…
Le hashtag #metooinceste a récolté plus de 80 000 témoignages en à peine deux jours
On est sur une forme de début de tsunami. Encore une fois, ce n’est pas tant que les victimes d’inceste ne s’exprimaient pas avant (quoi que tout est fait socialement pour les faire taire) mais l’accumulation de témoignages commence à en faire un problème de société désormais incontournable.
Les associations et organismes à contacter pour témoigner d’un inceste sont nombreux, on vous les redonne ici :
Et on n’oublie pas le numéro d’urgence destiné aux enfants victimes de maltraitant : 119 ainsi que leur site.
On vous recommande par ailleurs vivement le podcast de Louie Media « Ou peut-être une nuit » qui est aussi poignant qu’instructif, Charlotte Pudlowski y explore en 6 épisodes les mécanismes de l’inceste qui enferment encore les victimes dans une spirale du silence. Absolument indispensable à écouter.
Source : Sénat, Le Monde, Service Public, Parole en marche