Le cinéma, c’est mieux que la vie, comme disait Truffaut. Et il avait raison. Le cinéma, c’est beaucoup mieux que la vie. Et c’est pour ça que c’est bien. Le cinéma n’est pas là pour refléter l’existence misérable des personnes qui le regardent mais pour les faire voyager, pour les élever. C’est l’apanage de la fiction que de nous sortir un peu de ce que l’on est. Pour autant, le cinéma offre une vision de certains sujets un brin romantique, façon Chateaubriand. Les grands sentiments et l’extrême beauté, c’est sympa, mais arrêtons les frais.

La mort lente et douloureuse

Des violons, des dernières paroles émouvantes, la mention qu’on n’a plus peur de la mort, les gens éplorés, une vraie solidarité. C’est n’imp’. Quand t’as un cancer, tu te tapes la chimio de l’enfer, t’as plus de cheveux et ça fait pas un effet Vin Diesel, et globalement c’est plutôt glauque. Et personne ne joue du violon. Malheureusement rien à voir avec le cinéma, même si on aimerait vraiment bien.

Les bandits magnifiques

Escobar, Capone, Scarface ou Mesrine. Des hommes d’honneur, de la violence, une idée que c’est la seule façon d’exister dans ce monde de merde. En réalité, c’est juste des centaines de morts, du sadisme, le refus de la société au nom d’un individualisme débile, des tous petits QI et de la vulgarité à tout va. Pas de grandeur et décadence, juste de la mesquinerie sans borne. Rien d’enviable.

Le travail de flic

Non, les mecs ne viennent pas en déposant leur plaque et leur gun parce qu’ils sont entravés par des chefs éminemment politiques avant d’aller faire la tournée des bars à putes où ils noient leur solitude dans le whisky. Non, les mecs ne meurent pas sur leur dernière affaire à deux mois de la retraite. Non, les mecs ne sont pas 15 fois plus âgés que leur femme magnifique. Non. Les mecs passent leur temps dans des dossiers chiants avec des collègues chiants qui font des blagues de machine à café et doivent traiter avec une hiérarchie permanente sans aucune marge de manœuvre. Un vrai boulot relou où tu as chaud, dans ton uniforme.

La vie d'espion

Ok James Bond saute de trains en marche et réussit à tuer tout seul 7000 personnes qui auraient tous dû prendre plus de cours de tirs. Mais dans la réalité, c’est juste un travail de fourmis dans un bureau et, sur le terrain, quand on fait de l’intelligence, il ne se passe tout simplement rien. On a peur quand même, mais il ne se passe rien. On est là, on est habillé normalement, on a peur et on essaie de récupérer des informations l’air de rien. Même Le Bureau des légendes romantise le truc.

Le début de l'amour

Les arcs-en-ciel dans le coeur, les musiques joyeuses, la nostalgie avant l’heure, l’impression qu’on ne peut plus se quitter, le tourbillon qui nous enveloppe et les chansons d’amour, c’est très bien au cinéma, mais dans la vie on aime bien quelqu’un et donc on le voit, on passe du temps ensemble mais parfois on en a marre, on ne tombe pas amoureux tout de suite, on se pose des questions, on essaie de comparer son projet de vie à celui de l’autre, on se pose des milliers de questions, rien n’est évident et tout est fragile.

Le casino

Les mecs débarquent sapés comme jamais pour dépenser des milliers de dollars et en gagner douze fois plus au cours de parties de poker absolument démentes ou autour d’une roulette décidément coopérative. La réalité, c’est que les casinos sont plein de touristes gros en short aux machines à sou, qu’on arrive avec un peu d’argent avec toutes les chances de le perdre et qu’on termine ruiné jusqu’au dernier centime à essayer d’économiser un euro par-ci, un euro par-là, pour retourner se confronter au grand frisson de la lose.

Les workaholics

Leurs conjoints se plaignent de toutes ces heures de travail passées au bureau. Ils vivent dans une relative solitude, noyant leur solitude de fait dans un travail acharné, mettant en péril leur mariage, l’avenir de leurs enfants, tout, au nom d’une cause qu’ils n’avaient pourtant pas choisie. Figures tragiques marquées d’anxiété, noyant leur mal-être dans deux somnifères et puis au lit, dépourvues de tout lien social.

En réalité, les mecs qui travaillent trop n’ont rien de tragique. Ils travaillent juste trop et puis le weekend ils font quand même des trucs sans penser tout le temps au travail, ne touchent pas nécessairement aux somnifères et tout le monde part en vacances avec ce fric gagné sans poser aucune question. Une routine comme une autre.

L'alcoolisme

Et on y sombre bien malgré soi pour oublier l’amour ou une difficulté, pour oublier surtout qu’on n’est pas là où l’on voudrait être, où l’on devrait être. Il y a une forme de classe dans cette déglingue étudiée, dans ces vapeurs embrumées de bars figés dans le temps, dans ce whisky que l’on s’envoie pour oublier qu’il coûte cher.

Parlons-en du coup : être alcoolique coûte une blinde. C’est tout son fric qui y passe, jusqu’à ce qu’on se désocialise et qu’on s’envoie de la pelure d’oignon à tout va dans son taudis pas lavé depuis des siècles. On n’est pas beau quand on n’est pas lavé. On perd pied, on devient violent. On grossit, on vieillit, puis on s’assèche et on vieillit encore plus. Ensuite, se référer au point cancer.

La pauvreté

Ah génial, ils sont pauvres mais tellement solidaires ! Le système D ça a tellement de charme ! Et puis ces personnages de cinéma ne pourront pas rester éternellement pauvres, sinon on ne les regarderait pas se débattre ! Quelle bravade ! Quel courage !

Quelle merde surtout. On ne les voit pas les scènes où il faut rajouter de l’eau dans le gel douche parce que la carte est bloquée. On ne la voit pas la culpabilité, la honte, la gêne de devoir taxer des gens autour. On ne les voit pas les enfants mal nourris obèses et plein de boutons.

Morale de l’histoire : le ciné, c’est du cinéma.

Source : Reddit