Il y a des films qui sortent dans la plus grande confidentialité, et puis il y a ceux qui soulèvent des foules, font hurler, pleurer, vomir leurs spectateurs tant les propos et les scènes filmées y sont abjectes, choquantes. Ah ça c’est sûr que ça fait parler un film, mais pas toujours pour les bonnes raisons. On regarde ça main dans la main (oui je vous tiens tous la main mentalement en ce moment même).
Orange Mécanique de Stanley Kubrick (1971)
Ce petit chef d’œuvre d’anticipation de Kubrick a longtemps été invisible. En Angleterre, le film est retiré des salles après 61 semaines d’exploitation, à la demande… du réalisateur lui-même. On reproche au film de faire l’apologie de la violence gratuite, et le réalisateur de Lolita reçoit des menaces de mort concernant sa famille par courrier. Surtout, des petits malins n’ont rien trouvé de mieux que de reproduire dans la vraie vie les transgressions commises à l’écran. Il faudra attendre l’année 1996 pour enfin voir le film à la télé française, et 2000, juste après la mort du cinéaste, pour voir le film autorisé en Grande-Bretagne.
La grande bouffe (1973)
Quatre légendes du cinéma dans la fleur de l’âge prennent une décision de la plus haute importance : un suicide collectif au terme d’une bouffe orgiaque, au milieu de nombreuses prostituées. A travers son banquet fatal, Marco Ferreri souhaite dénoncer les travers de la société de consommation. Evidemment, ça ne plait pas au public cannois, qui supporte mal de voir son reflet tristement singé à l’écran. La critique française s’indigne comme rarement, trouvant cette bouffonnerie obscène et scatologique. En même temps, les scènes de pets, de dégueulis et de masturbation, ça ne pouvait pas vraiment plaire à Télérama. Ingrid Bergman, présidente du jury juge le film « sordide » et « vulgaire ». A la sortie de la projection, les acteurs eux-mêmes se font secouer, une femme dit à Andréa Ferréol « Madame, j’ai honte d’être française ».
Baise-moi (2000)
Adapté du livre de Virginie Despentes, le film sort d’abord en salles en étant interdit aux moins de 16 ans. Mais suite à la fronde de l’association religieuse Promouvoir, qui ne goûte que moyennement les scènes de sexe non simulées (on y reviendra sur ces vieux loustics), le film se retrouve classé X. Ce qui équivaut à un retrait des salles, puisque cette catégorie n’est plus projetée sur grand écran depuis un moment en France. Chez nos voisins, l’accueil ne sera pas plus favorable : le film est amputé de sa scène de viol en Angleterre et il est tout bonnement interdit en Ontario, au Canada.
L'âge d'or (1930)
Relatant la romance entre deux amants qui s’affranchissent des conventions bourgeoises de leur époque, le film de Bunuel suscite rapidement l’ire de la critique, qui le juge antipatriotique, antihumaniste et antichrétien. Cinq jours après sa projection au Studio 28, une cinquantaine de militants d’extrême droite de la Ligue antisémitique déboule dans le cinéma pour entonner en cœur « Morts aux juifs ! », fumigènes et boules puantes à la main. En même temps, les années 1930, c’est pas forcément une leçon d’humanité hein.
La dernière tentation du Christ (1988)
D’abord mal reçu aux Etats-Unis, c’est en France que le film de Scorsese va provoquer les pires réactions, notamment au sein des catholiques traditionalistes. Trois attentats sont perpétrés dans des salles de l’Hexagone (à l’Espace Saint-Michel, au Gaumont Opéra et dans une salle de Bezançon) provoquant même la mort d’un spectateur. Victime d’extrémistes donc et non du cinéma de Scorcese.
Basic Instinct (1992)
Montrer une femme à la fois bisexuelle et tueuse compulsive, c’est être presque certain de s’attirer les foudres des associations LGBT aux Etats-Unis, qui ont très mal reçu le film de Paul Verhoeven. Sans compter que la scène culte du film relève d’une des plus grandes interrogations de l’histoire du cinéma : culotte or not culotte ? Bon en vrai not culotte bien sûr. Ça n’a d’ailleurs pas trop plus à Sharon Stone qui s’est fait filmer la zone à son insu.
Théorème (1968)
Un mystérieux éphèbe s’invite dans la demeure d’une riche famille d’aristos milanais et couche avec chacun d’entre eux. Une vision très (mais alors très) personnelle du verset biblique « Et le verbe s’est fait chair » par Pasolini, qui fit évidemment jaser en Italie, un avocat romain cherchant même à faire saisir le film pour obscénité. On imagine pas la tronche qu’il a dû tirer quand est sorti Salo ou les 120 journées de Sodome sept ans plus tard.
Martyrs (2008)
Une jeune femme se décide à se venger froidement de son bourreau (un type qui l’a enlevée quinze ans auparavant, alors qu’elle n’était qu’une fillette). Thriller horrifique qui n’y va pas avec le dos de la cuillère, le film de Pascal Laugier va d’abord créer le scandale au Marché du film cannois, avant d’être interdit en salles aux moins de 18 ans. Comme quoi, cette restriction ne concerne pas uniquement les films du premier samedi du mois sur Canal.
Cannibal Holocaust (1980)
Entre les scènes de viol, les atrocités cannibales, les empalements en direct, la censure italienne a été gâtée avec la sortie de Cannibal Holocaust en 1980. Elle a même imposé au réalisateur, Ruggero Deodato, de prouver que ses acteurs n’avaient pas été tués dans la vraie vie, à l’instar d’une tortue massacrée pour les besoins du film. Avec tout ça, on comprend mieux pourquoi le film a été interdit en Allemagne de l’Ouest, en Australie, en Norvège, et dans pas mal d’autres pays du globe.
Mysterious Skin (2004)
Traiter la question du viol des enfants au cinéma n’est jamais facile. Greg Araki (Kaboom) en a fait les frais en 2004, avec la sortie de Mysterious Skin, qu’une association australienne a tout simplement qualifié de « manuel » pour violeurs, militant en faveur de son interdiction pure et simple. Une bonne chose de faite : n’importe quel film avec cet insupportable minet qu’est Joseph-Gordon Levitt devrait être interdit, c’est une question de bon sens.
Non je rigole, ce film est trop bien (comme tous les films de Greg Araki) regardez-le plusieurs fois d’affilée.
Irréversible (2002)
Impossible de passer à côté de ce film scandale qui a traumatisé son public avec deux scènes d’une violence insoutenable : un tabassage à coup d’extincteur et un viol en temps réel suivi de coups de poings et de coups de pieds d’un réalisme difficilement acceptable. Sans surprise, les spectateurs sortent pendant le film, ceux qui restent font parfois des malaises. Globalement tout ceux qui l’ont vu garderont une saveur amère de cette expérience cinématographique. Car, qu’on rejette ce film ou non, c’en est une.
Antichrist (2012)
Comme beaucoup de films de Lars Von Trier, on n’est pas sur des petites comédies légères et rigolotes. Alors qu’un couple fait l’amour, observé par leur enfant, celui-ci tombe dans le vide et meurt. le père psy tente de soigner la dépression de sa femme en l’emmenant dans un chalet à la montagne mais celle-ci commence à péter une durite façon mère Nature et finit par s’auto-exciser (scène très cool, à voir en famille je vous recommande). Le film est tout de même sorti en version intégrale en France, mais interdit aux moins de 16 ans… jusqu’à ce que l’association Promouvoir (= les gros relous du cinoche qui veulent censurer tous les films qui ne leur plaisent pas ou qui vont à l’encontre « des valeurs judéo-chrétiennes dans tous les domaines de la vie sociale ») engage une bataille juridique et fasse interdire le film aux moins de 18 ans.
L'exorciste (1973)
Déjà, quand on fait partie des films maudits avec pas moins de 9 morts au compteur sur le tournage ou juste après, ça sent pas bon. Une véritable malédiction ! Puis, après sa sortie, des spectateurs ont été victimes de vomissements, d’évanouissements. Bref les projections se finissent dans les glaires avec parfois la venue d’ambulanciers. Il a d’abord été interdit aux moins de 18 ans à sa sortie en France mais l’interdiction est descendue à 12 ans en 1990 parce que quand même on va pas se mettre dans un état pareil parce qu’une petite fille tourne sa tête à 360 °. Je vous rappelle qu’on en a vu d’autres avec les numéros de contorsionnistes sur le Grand Cabaret de Patrick Sébastien.
L'interview qui tue ! (2014)
Dans la mesure où le film met en scène le projet de tuer Kim Jong-un, père de la Corée du Nord et peu porté sur l’humour, il était assez évident que cette comédie de Seth Rogen et James Franco allait mal passer. Le président nord-coréen interpelle l’ONU pour qu’elle sévisse contre les deux réalisateurs (mdr, ce mec me fera toujours golri). Sony Pictures, qui détient le groupe Columbia est victime d’une cyber-attaque des Gardiens de la Paix un groupe supposé avoir des liens avec la Corée du Nord. Bref ça sent pas bon. Tellement pas bon que la sortie du film est finalement annulée et passera directement en VOD.
Salo ou les 120 journées de Sodome
On garde le meilleur pour la fin avec ce film dont je ne connais pas une seule personne qui l’a vu sans être un tout petit peu traumatisée. Pier Paolo Pasolini (qu’on a déjà cité dans ce top), poète, écrivain, journaliste, scénariste et réalisateur sur le tard s’attaque à l’œuvre du marquis de Sade en la transposant dans l’Italise fasciste de 1943. Quatre riches notables s’adonnent aux plus immondes sévices sur 18 jeunes garçons et jeunes filles en leur faisant subir des scènes d’humiliation et de torture. Les rumeurs parlent déjà du film avant sa sortie et Pasolini est assassiné, très certainement à cause de ce film et de la dénonciation politique qui en émane. Je vous recommande vivement cette émission de Fabrice Drouelle Affaires Sensibles qui résume bien ce parfum de scandale.
En même temps quand on sait que le film The Dark Knigt a reçu 364 plaintes, moi je ne sais plus où donner de la tête de la controverse.
Source : Sens critique, Melty