Il existe au cinéma un certain nombre de fêtes absolument mémorables, depuis celles de Kusturica dans Chat noir, chat blanc jusqu’à l’ouverture récente du Belgica dans le film éponyme, depuis la scène d’ouverture de La grande belleza jusqu’à la danse, sur Lykke Li, d’Adèle dans La vie d’Adèle. On y est, on s’y sent. Mais que ce soit par carence cinématographique, par mauvais goût, par flemme ou parce que le scénario le voulait comme ça, il y a vraiment des fêtes au cinéma où on ne voudrait sous aucun prétexte mettre les pieds. Même si c’est gratuit. Même si y’a du champ’.
Scarface
Regardez, non mais regardez les mecs autour. Ils ont l’air au bord de l’évanouissement tellement ils se font chier. Personne ne se parle, les mecs dansent en ondulant ridiculement, les filles ont l’air de subir leurs robes affreuses, les gens à table ne se disent jamais plus d’un mot, regardez-moi ce mec en costard bleu avec sa cravate marron et l’autre à cheveux frisés qui tape dans ses mains sous coke en arrière-plan. Et puis la musique… Et puis les lumières… Avec qui on se serait amusé, exactement ? Tu m’étonnes qu’ils prennent tous de la coke.
Cocktail
Non mais qui a envie de passer une soirée à regarder des barmen faire les greluches ridicules en agitant ses bras serrés contre le comptoir ? QUI ? DENONCEZ-VOUS.
L'ange exterminateur
Oui, je sais bien que c’est une dénonciation de la bourgeoisie et d’ailleurs personne ne pourra la quitter, cette soirée. Mais regardez un peu ces tiges guindées dans leurs costards affreux qui regardent leur montre en subissant le piano. Ils bâillent comme des cons et font la gueule. Tu me fous là-dedans, je fais tous les placards à la recherche d’une corde.
Coyote Girls
Oulalalalalalala. L’enfer sur terre. Des types des années 2000 dans une réalisation des années 80. Je donnerais pas un centime pour les voir danser. Ils ne sont même pas en rythme, la musique est naze, les gens ont l’air d’une tristesse infinie, surtout celle qui hurle « yeah » devant le faux John Travolta. Une vision post-moderne des dangers de l’alcool qui donne envie de lire Spinoza en flamand plutôt que de sortir boire un verre.
Lunes de fiel
Le doublage en allemand n’aide pas, mais qui a décidé d’inviter toutes les vieilles de la croisière et de filer du speed à Emmanuelle Seigner ? Pourquoi seule la moitié des convives est déguisée ? Qu’est-ce que c’est que ces déguisements de merde, d’ailleurs ? Pourquoi y’a-t-il un orchestre puisque manifestement c’est un disque qui passe ? Pourquoi est-ce que tout le monde saute ? Que de questions sans réponse.
Batman Forever
Tout a l’air nul, y’a pas un bruit. Pourquoi dès lors, cette journaliste s’évertue-t-elle à hurler ?
Le Péril Jeune
Tu passais une soirée peinard avec tes potes, et tout à coup tu te tapes un monologue de Jackie Berroyer qui t’oblige à le suivre dans un endroit infesté de weed avec des milliers de hippies qui parlent de lumière éternelle et de Katmandou dans des odeurs d’encens exacerbées par la cithare. Comment en est-on arrivés là ?
Blue Velvet
C’est vrai que, généralement, on a moins un sentiment de fête quand on est obligé de la faire. De là à se retrouver coincé avec des psychopathes défoncés et une grosse dondon qui fait la potiche en ramenant les bières pour se faire moins insulter, c’est quand même pas de bol. En plus, Dean Stockwell monopolise le micro après avoir imposé le moment karaoké. A cette heure-ci, il doit plus y avoir de métro pour rentrer, faut attendre.
On connaît la chanson
A la fin d’On connaît la chanson, Sabine Azéma et Pierre Arditi invitent des amis pour leur pendaison de crémaillère. Bien que tout le monde soit potentiellement antipathique dans le film, on s’est attaché aux personnages. Alors comment une fête avec que des gens qu’on aime bien peut-elle s’avérer aussi barbante ? L’extrait entier n’existe pas en ligne, mais regardez ces quelques secondes de dialogues feutrés, de petits groupes et d’ennui pour vous en faire une idée.
Ghost World
Des rires de greluche, des lumières tamisées, une déco à chier, probablement pas d’alcool… Enid et Rebecca débattent du niveau de nullité de la fête :
– C’est tellement nul que c’est presque bien.
– C’est tellement nul que ça va redevenir nul, t’inquiète.
Par contre, en vrai, devant la première scène de fête de Belgica, j’ai eu l’impression d’être ivre au cinéma tellement c’était bien fait.