Robin des bois, c’est une légende. Mais elle est basée sur une figure historique, celle du bandit au grand coeur. Slate a publié récemment un article revenant sur Bandits, le bouquin très célèbre d’Hobsbawm qui fait le portrait des représentants de ce que l’historien communiste nomme le banditisme social. Elles sont nombreuses – et très souvent politiques.
Louis Mandrin
Ce contrebandier du Dauphiné, qui a vécu entre 1725 et 1755, est souvent considéré comme le Robin des bois français. Condamné à la pendaison en 1753 suite à une rixe mortelle, Mandrin prend la fuite et déclare la guerre à la Ferme générale, qui prélève des taxes sur la production et les marchandises. Il commence par vendre des marchandises de contrebande à la Ferme, offre des cadeaux aux pauvres gens, libère les prisonniers détenus pour des questions fiscales et s’entoure d’eux pour mener des actions de contrebande. Vu qu’en gros il ne s’en prend qu’au Trésor public, pour faire simple, il est ultra-populaire et reçoit même le soutien de certains intellectuels, comme Voltaire. Bref, comme ils n’en peuvent plus, les Fermiers généraux pénètrent illégalement sur le territoire du Duché de Savoie où Mandrin réside et l’arrêtent. Roué de coups et assassiné, il meurt à 30 ans mais sa légende ne fait que commencer. Entre comptines, livres, récits apocryphes, films… Mandrin est un personnage ultra-populaire, y compris aujourd’hui chez les gilets jaunes.
Zelim Khan
Sujet du Daghestan, pas loin de la Géorgie, Zelim Khan était un bandit et activiste politique qui s’est opposé à l’oppression tsariste au début du XX° siècle. Poursuivi par l’armée tsariste, il réussit le prodige, en décembre 1912, de se tirer d’un siège en envoyant la note suivante au commandant des armées ennemies : « Dites au chef du district que je me rendrai quand il me montrera un télégramme signé du tsar, par lequel il s’engage à retirer les amendes infligées aux innocents et à amnistier ceux qui sont détenus et exilés à cause de moi. Sinon, dites au prince Karavlov qu’aujourd’hui même, avant minuit, je m’échapperai de cette grotte, et que rien ni personne ne m’en empêchera. Jusque-là, j’attendrai sa réponse. » Puis Khan tue plein de soldats et s’en tire. Il devient dès lors un héros pour le peuple du Daghestan.
La controverse Jesse James
Les bandits étaient également parfois de bons communicants. C’est le cas de Jesse James qui, toute sa vie, a contribué à façonner sa légende en documentant ses actions (de préférence en se donnant le beau rôle). Entre la guerre de Sécession et le début du XX° siècle, Jesse James, bandit de l’Etat esclavagiste du Missouri, s’est toujours posé comme un pourfendeur du conservatisme et de l’oppression de l’Etat. Sauf qu’en fait, bah, le fric il le gardait pour lui. Jesse James et son frère, Franck, s’attaquent à tous les symboles de la modernité – les diligences, les trains – qui sont considérés par la population rurale comme des éléments exogènes envahissants qui viennent chambouler l’ordre des choses. Ca ne vous rappelle rien ?
Les haïdouks
Sous l’Empire ottoman, les haïdouks formaient des figures de bandits au grand coeur qui défiaient l’empire oppresseur en Europe du Sud-Ouest. Connus pour leur propension à voler aux riches pour donner aux pauvres, ils attiraient de nombreux candidats qui voyaient dans la possibilité de devenir haïdouk un genre d’élévation sociale. On pouvait gagner de l’argent et porter un bel ami, tout en s’opposant aux forces d’occupation. Il existait des haïdouks saisonniers, qui rejoignaient les rebelles en été et travaillaient les champs le reste du temps ; les Haïdouks s’attaquaient aux marchands turcs dans les Balkans et pratiquaient la contrebande. Ils s’en prenaient aussi aux administrations fiscales.
Les Betyar
« Betyar », c’est un mot hongrois issu du turc signifiant : « homme célibataire sans métier » (en gros, sale chômeur, on dirait aujourd’hui). Mais les betyars ne regardaient pas Motus toute la journée : ils volaient plus volontiers aux riches pour donner aux pauvres dans la grande plaine hongroise. Ils vivaient dans les bois et rançonnaient les seigneurs tout en apportant leur aide aux paysans. Leur existence a donné lieu à des dizaines de chansons vantant leurs mérites.
Juraj Janosik
Janosik est l’un des plus célèbres betyars, même si son territoire de chasse couvrait davantage la Pologne et la Slovaquie. Figure rapprochée tout à la fois de Robin des bois et de Jeanne d’Arc, il tombe dans la briganderie en 1711 et devient le chef de sa bande. Celle-ci s’attaque régulièrement à des autorités morales, des marchands, des pasteurs corrompus, des officiers militaires. Le butin est toujours redistribué aux paysans. Arrêté en 1713, il est condamné à mort. Ce n’est qu’à compter du XIX° siècle que la légende de Janosik a commencé à se répandre dans les nationalistes slovaques. Elle a également gagné la Pologne où le jour du bon larron s’appelle Janosik.
Jóska Sobri
Autre betyar, Joska Sobri a sévi en Transdanubie dans les années 1830. Arrêté avant cela, il était parvenu à s’échapper de prison en séduisant les servantes de la prison grâce à sa grande beauté. Condamné à se cacher dans les bois, il prend la tête d’une armée de brigands qui dépouille des marchands et des propriétaires terriens, en se gardant bien de s’en prendre aux pauvres. Il met la main sur le trésor du chapitre des chanoines de Gyor et vole dans le même temps tous les biens du régisseur du château où est caché le trésor. Mais il rend des couverts en argent à la famille pour ne pas la laisser sur la paille. Finalement assiégé, Sobri se suicide avant d’être pris, se félicitant une dernière fois de n’avoir jamais tué personne – à part lui.
Sándor Rózsa
Bandit connu dans tout le pays, Rozsa obtient à 35 ans l’immunité du gouvernement provisoire de la Révolution hongroise et rejoint les rangs de l’armée nationaliste. Mais l’échec de la révolution le condamne à une nouvelle vie marginale. Sa légende est contemporaine de sa vie : Sandor Rozsa serait ainsi imperméables aux balles, n’aurait jamais tué personne, n’aurait agi que pour aider les pauvres et le peuple hongrois… Et en plus de ça, il avait une jolie moustache.
Rob Hooth
Il serait, d’après certains historiens, celui qui a inspiré l’histoire de Robin Hood – Robin des bois. Robertus Fitzhooth est né sous le règne d’Edouard II. Alors que le peuple est frappé de famine dans les années 1320, Robertus refuse de rejoindre l’armée royale qui s’apprête à envahir l’Ecosse. En revanche, il s’enrôle dans une armée rebelle visant à éloigner Edouard du trône. Mais la rébellion est écrasée et Robertus n’a d’autre choix que de se planquer. Au final, il s’habille d’une tunique verte et vit dans les bois, une épée à la main. Les archives du shérif montrent alors qu’il aurait à plusieurs reprises commis de petits vols – dont il aurait reversé l’argent aux pauvres – et ne s’en prend qu’aux autorités. Il serait mort en 1347.
Zhang Liang
Tous les ans, la province côtière du Fujian, en Chine, rend hommage à un de ses représentants les plus célèbres, Zhuang Liang. Ce bandit du XVI° siècle était en effet connu pour piller les terres des riches propriétaires afin d’en donner le fruit aux pauvres. Il est aujourd’hui au coeur de la fête du nouvel an lunaire, au cours de laquelle une statue en or à son effigie est promenée dans la boue. Ouh la gadoue.
Robin déboires, c’est le même mais à qui il arrive que des merdes.
Sources : Slate.fr, Wikipédia, National Geographic