Passer le permis de conduire en Chine, c’est rigolo : on apprend d’abord à garer sa voiture depuis douze positions de départ différentes, avant de passer quelques semaines à faire des slaloms entre des poteaux au volant d’une Jetta bousillée avec les pneus qui crissent façon Starsky et Hutch. Vient alors le jour de l’examen, et si votre bouille ne déplait pas trop à l’examinateur (et si vous l’invitez à déjeuner), vous avez votre précieux petit papier. A cet instant, vous n’avez encore jamais conduit sur une vraie route (bah oui, c’est interdit si on n’a pas le permis, non ?). Et si vous avez eu le code, c’était sans doute un coup de bol : la traduction instantanée des questions en anglais « powered by Google™ » ressemblait à un best-of de Bergson réécrit par Yoda. Pas d’inquiétude : en fait, dans la vraie vie, vous avez juste besoin de savoir ça :
- Passé 20h00, le feu tricolore se change en priorité à droite
Un peu comme Cendrillon. Faites donc attention à l’heure, si vous ne voulez pas que votre carrosse rutilant ne soit transformé en citrouille écrasée par le 15 tonnes qui arrive de la droite pied au plancher et le walkman sur les oreilles. Il est passé au rouge, bah oui. Il pouvait pas savoir qu’il y aurait un fou qui passerait au vert sans regarder. - Sur l’autoroute, la vitesse minimale est de 5 kilomètres à l’heure
Bienfait du communisme, en Chine, tout le monde utilise l’autoroute : les voitures évidemment, mais aussi les piétons, les vélomoteurs et les charrettes à âne, qui se trouvent en général sur la voie de gauche pour que l’animal puisse brouter. Évaluer les distances de sécurité demande donc un peu de pratique. En revanche, vous pouvez sans crainte vous arrêter pour faire pisser le gamin, ou faire une petite marche arrière si vous avez raté votre sortie. - On ne boit pas au volant
Il est globalement toléré de conduire très vite et très mal, mais on ne plaisante pas avec l’alcool au volant. Tolérance 0 ! Si vous avez eu le malheur de boire une petite bière et de rencontrer un improbable membre de la maréchaussée, c’est 15 jours de gnouf et l’expulsion du pays. En cas de soirée arrosée, le local appelle un taxi et lui demande de reconduire son véhicule jusqu’à son domicile. Lisez le paragraphe suivant avant de faire de même. - Il est recommandé de laisser un périmètre de sécurité d’une dizaine de mètres de rayon autour des taxis
Le chauffeur de taxi chinois est de prime abord jovial et accueillant. Mais il est également fier et ombrageux. Il n’a jamais peur, même à 110 kilomètres heure en ville dans une poubelle sans freins. Le clope dans la main gauche, la CB dans la main droite, l’avertisseur sonore en mode continu, il prend les virages sur deux roues sans verser une goutte de sueur. Et il travaille, lui. Il n’a pas le temps de s’occuper de broutilles telles que le clignotant ou le rétroviseur. Ne le doublez pas. Ne l’insultez pas. Respectez son éthique de travail et sa sensibilité de mâle dominant. - Comme vous, la chaussée n’est pas parfaite
A ce titre, souvenez-vous des paroles du très respecté Confucius : « si tu ne vois pas le trou dans la route, et si tu ne vois pas la route depuis le trou, alors le trou est la route et la route est le trou ». Timide avantage, vous pouvez plaider l’erreur involontaire si vous avez emprunté par mégarde une voie de chemin de fer. - Le piéton est insouciant et optimiste
Dans un pays où le respect de l’individu et le savoir-vivre restent des notions très vagues, le piéton, le sourire aux lèvres et la fleur au fusil, traverse sans regarder, en dehors des clous et au vert, intimement convaincu que le conducteur du 4x4 démesuré qui déboule dans l’avenue aura la délicatesse de l’éviter. Moi je dis, être aussi philosophe face à la mort, chapeau. - Vous n’avez pas la priorité
Le fait d’avoir ou non la priorité dépend de nombreux facteurs, au nombre desquels la taille comparée des véhicules, la vitesse à laquelle ils s’engagent dans l’intersection, l’importance de l’ ego des conducteurs impliqués, le degré d’urgence de leur déplacement, le sexe du conducteur (plus respectueuses de la vie, peut-être parce qu’elles la donne, les femmes ont tendance à mieux relativiser l’importance d’arracher le droit de passer en tête au risque de finir dispersé façon puzzle)… Facteurs qu’il n’est pas aisé d’évaluer en quelques secondes. Choose life, wait. - Reculer, c’est céder. Céder, c’est péché
Dans toute situation où le trafic ralentit, le conducteur chinois s’appliquera à forcer le passage au maximum, jusqu’à ce que son véhicule et ceux de deux ou trois collègues bloquent totalement et irrémédiablement la rue. Une fois ce point d’équilibre atteint, leur dignité leur interdisant de faire machine arrière, persuadés de leur bon droit, ils attendront paisiblement l’arrivée de l’agent préposé à la circulation dont les instructions leur permettront de débloquer le passage sans perdre la face. Si vous vous retrouvez dans ce cas de figure, coupez le moteur, appelez le bureau pour annoncer une heure de retard, et sortez votre iPad. Vous avez tout le temps de battre votre record à Fruit Ninja. - La visibilité est essentielle pour votre sécurité
La vôtre, hein, pas celle des autres. De nuit, restez donc pleins phares quoi qu’il arrive. Et portez des lunettes de soleil, puisque les autres en font autant. - Klaxonnez
En fait, cela devrait être la première règle. Peut-être la seule, tant elle est primordiale. Klaxonne pour prévenir. Klaxonne sans prévenir. Klaxonne si tu as eu peur, si tu es en colère, si tu es content. Klaxonne s’il pleut, s’il fait beau, s’il neige. Klaxonne si tu aimes le riz sauté, les cravates roses ou l’équipe nationale de ping-pong. Bref, klaxonne, just do it. - (bonus) Faites gaffe à la police, elle ne plaisante pas avec la sécurité routière
Ainsi, si vous conduisez sans permis et sans bras, vous risquez une amende de 59 euros. Ca ne rigole pas.
Et vous, vous avez acheté une Geely ou une Changan récemment?