Marcher dans la rue en criant des trucs très fort qu’on ne comprend pas toujours, c’est aussi aller au devant de ce genre de personnages. Parce que, qu’il y ait 10 000 personnes ou 1 million dans le cortège, eux, vous êtes sûr de les croiser en ce moment, alors que les manifestations contre la réforme des retraites se multiplient.
Celle qui demande toutes les deux minutes "putaaaaaain mais combien on est ?"
En essayant de se mettre sur la pointe des pieds pour voir la taille du cortège devant et derrière. Etre là c’est bien, mais sentir qu’on fait partie intégrante avec ses petits pieds et son poing levé d’un évènement historique, c’est encore mieux. Généralement, cette personne surestime à quelques millions près le nombre de personnes réellement présentes. Voir grand, c’est important.
Celui qui veut "juste rentrer chez lui en voiture"
Et qui a visiblement oublié qu’il y avait une manif monstre prévue dans son quartier. Alors il alterne entre « c’est pas possible » et « je fais comment, moi ? ». Après avoir klaxonné 2-3 fois pour partir la tête haute, il fait demi-tour en faisant ronfler le moteur et en marmonnant un truc que personne n’a vraiment entendu. Le plus simple c’est de descendre de ta caisse et de rejoindre la foule, Bernard.
Celle qui cherche toujours quelqu'un dans le cortège
Et qui a donc donné rendez-vous à un pote en plein milieu. Elle lève la main et elle dit « tu me vois là ? », « et là ? ». Quand ils se retrouveront sur la fin de la manif après s’être cherché 3 heures, ils concluront que « c’était quand même un moment vachement fort et qu’il fallait en être ».
Suivi par celui qui gueule surtout parce qu'il n'y a pas de réseau
Organiser un truc, c’est bien, mais il serait question de mettre les moyens bordel ! On est au 21eme siècle et la liberté d’expression, elle passe d’abord par pouvoir faire savoir qu’on y est et live-tweeter l’évènement. Sinon ça sert à quoi de faire des selfies ?
Celui qui veut lancer une chanson mais ça ne marche jamais
« Je suis… ». Raté. « Je suis… ». Re raté. On a bien un début de « liberté » mais aucune suite avec « d’expression ». Il n’est pas invisible bien entendu, mais il lui manque un truc. C’est le même qui se sent un peu humilié lorsque son voisin de cortège avec sa grosse voix arrive à lancer un chant en gueulant une seule phrase.
Celui qui trouve que "c'est mal organisé" et qu'"il aurait pas fait comme ça"
C’est le même que celui qui parle à sa télé pendant un match de foot pour discuter les choix de l’entraîneur. Là, il n’aurait pas pris ce parcours-là et trouve que les slogans ne sont pas assez percutants. L’avantage, c’est qu’une manifestation, c’est que c’est grand et qu’on peut vite le semer.
Celui qui fait TOUTES les manifs
Etre ensemble, tout le temps si possible, c’est génial. Surtout quand tu te sens un peu seul. On voit donc qu’il a révisé cette manif avant de venir, pas un slogan ne lui échappe. Mais il choisit pourtant ses moments pour chanter, il sait rationaliser ses efforts et il a donc souvent logiquement une petit gourde avec lui. Il sait qu’une bonne manif, c’est un effort de 5 à 10 kilomètres, alors il gère.
Celui qui a 8 ans, qui a mal aux pieds, qui a faim et soif
Alors qu’il n’est visiblement parti que depuis 5 minutes. On avait hésité avant de l’emmener, les premiers pas nous confirment que c’était pas l’idée du siècle. Redis encore une seule fois « on arrive bientôt ? », et c’est privé de Mario Kart jusqu’à lundi.
Celui qui est sur le côté, qui applaudit et dit "bravo ! bravo"
On ne sait pas trop pourquoi il ne marche pas avec les autres, mais en tout cas, il est d’accord. Des fois, il fait un signe du pouce pour montrer que « tout ça, c’est super ». C’est le même qu’on retrouve souvent sur le bord des routes du Tour de France. C’est ça son truc, voir la vie qui passe devant lui et contempler. C’est déjà pas mal.
Celui qui va a contre sens en ayant l'air agacé
Il ne défile pas, « oh non merci ». Il est juste là au mauvais moment. Alors pour montrer sa désapprobation, il pousse son caddie de courses en vociférant de très ostentatoires « Pardon ! Merci ». Pour se donner de la force, il lâche de longs et virulents soupirs.
Celui qui collectionne les stickers révolutionnaires
Mais révolutionnaires au sens premier de « révolution ». Sur son sac à dos, des autocollants « ACAB », un poing levé, et un magnifique cercle rouge CGT. Sur sa tête, une barbe jamais taillée, et des cheveux particulièrement emmêlés, ramenés en un tonitruant chignon. Son objectif : être vu comme le protestataire du groupe, n’importe où il va.
Le responsable barbeuk
Punaise Jean-mi, on avait dit 12 barquettes de chipos pour 6 de merguez, pas l’inverse ! T’es complètement maboule ou quoi ???
Le styliste
Manifesté, oui. Mais avec style. Il sait toujours comment porter dignement les couleurs de la CGT, tout en adoptant une tenue facile pour se déplacer. Oui, le mec qui s’est dessiné une faucille et un marteau sur les joues, c’est lui.
Celui qui s'est trompé de manifs
Ah ? C’est pas aujourd’hui le mouvement pour la libération des chariots enchaînés dans les supermarchés ? Au temps pour moi !
Celui qui n'est pas passé à autre chose
Fred… Les gilets jaunes, c’est so 2018. Faut vivre avec son temps, d’accord ?
Celui qui trouve toujours le meilleur slogan
Et qui a l’honneur de finir dans un de nos tops dédiés aux meilleures pancartes vues en manifs ! Petit veinard.
Celui qui s'ambiance salement sur les gros sons des manifs
Il connaît toutes les chansons par cœur, il sait faire rimer « Macron » avec « explosion, bouffon, et démission » comme personne, et il a la faculté d’avancer tout en se déhanchant. Il a l’air heureux d’être là, et personne ne pourra l’empêcher de prendre son pied derrière cette vieille enceinte rouillée.
Le mec paré à tout obstacle
Il a un casque sur la tête contre les coups éventuels, et des lunettes de plongée pour faire des gros fuck au gaz lacrymogène. Un génie de la manif. Le Camille Lacourt des flots de protestataires.
Regardez bien autour de vous, normalement vous les verrez.