Monter un film, c’est cher. Et parmi les gros budgets, il y a évidemment celui de l’acteur principal qui demande une blinde pour cabotiner tranquille. La tradition des réalisateurs-acteurs ne date pas d’hier : elle permet de faire des économies substantielles et, surtout, d’obtenir le rendu auquel on aspirait parce que hein, bon, expliquer à quelqu’un ce qu’il doit faire, c’est pénible. Et puis comme ça, on monopolise la gloire.
Woody Allen
Top et l’on cherche un type hyper angoissé qui passe son temps à marmonner son mal-être et ses problèmes avec les femmes en essuyant ses lunettes et en enchaînant les punchlines. Pour le jouer, Woody Allen ne s’est pas fait chier, au départ : il s’est choisi lui-même. Le champion toutes catégories de l’auto-mise en scène. Ça lui a plutôt souri.
Guillaume Canet
Quand il faut pas tourner Cluzet, Canet se met en scène lui-même. Dans son premier film, Mon idole, une sorte de satire un peu ratée avec Berléand en producteur dégueulasse, il s’est pas emmerdé à chercher quelqu’un pour jouer son rôle de chauffeur de salle propulsé créateur de concept télévisuel. Sans doute que ça coûtait moins cher.
Clint Eastwood
On connait surtout Clint Eastwood pour sa période bleue, initiée plus ou moins avec Mystic River, et dans laquelle il tourne tout en bleu nuit pour se donner un genre. Et il apparaît plus souvent qu’à son tour dans ces films réalisés au cours des années 2000, notamment dans Gran Torino. Mais avant ça, Eastwood a mis en scène des dizaines de films où il jouait le rôle principal : Play Misty for me, L’homme des hautes plaines, Le retour de l’inspecteur Harry, Impitoyable, Sur la route de Madison… Un peu mégalo le mec.
Alain Delon
Delon a réalisé deux films : Pour la peau d’un flic et Le Battant. Il joue le rôle principal dans chacun d’entre eux. On ne va pas se mentir : ce ne sont pas des chefs d’oeuvre, loin s’en faut. Il y avait une vanne qui circulait à l’époque tellement les films réalisés par Delon étaient des déclarations d’amour à lui-même façon Kanye West : « Alain Delon présente : Pour les couilles de la peau d’un flic, un film d’Alain Delon, avec Alain Delon, sur un scénario d’Alain Delon et Alain Delon… Bref du personal branling.
George Clooney
Au sommet de sa hype, George Clooney s’est mis à réaliser des films de gauche. Dans Confessions d’un homme dangereux, il s’est donné un petit rôle. Dans Goodnight and Good Luck, il a pris le rôle principal. Il a à nouveau préféré se donner un petit rôle dans Jeux de Dupe, puis le principal dans Les Marches du pouvoir et Monument Men. Le mec hésite.
Ben Affleck
Dans son premier film en tant que réalisateur, Gone Baby Gone, Ben Affleck a dirigé son frère, Casey (sisi la famille). Dans le suivant, The Town, il s’est gardé le premier rôle au chaud parce que sisi la famille d’accord, mais on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Et il faut croire qu’il y a pris goût puisqu’il a recommencé l’opération dans Argo et Live by night, qui n’ont pas eu exactement le même succès faut reconnaître.
Maiwenn
Après avoir mis sa propre vie en scène dans Pardonnez-moi, Maïwenn s’est donné un rôle pas plus ni moins important que ses comparses dans son deuxième film, Le bal des actrices, où chacune, de Balibar à Viard, joue son propre rôle. Elle a un peu rétropédalé dans Polisse où elle se content d’être observatrice de la brigade des mineurs. Et puis elle s’est totalement effacé de Mon roi. On peut pas tout faire.
Xavier Dolan
J’ai tué ma mère, Les Amours imaginaires, Tom à la ferme et bientôt Matthias et Maxime : autant de films de Dolan où il joue le rôle principal. Lawrence anyways, Mommy et Juste la fin du monde échappe à l’égo-trip réalisateur acteur ; ce sont sans doute ses meilleurs films. De là à y voir un lien de cause à effet…
Yvan Attal
Yvan Attal aussi a un besoin cathartique de réaliser des films sur sa vie. Après Ma femme est une actrice, où il se filme, lui, avec Charlotte Gainsbourg (sa femme), il a recommencé l’opération dans Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. Dans Do Not Disturb, remake de Humpday, il se retrouve à coucher avec son meilleur pote François Cluzet. Et rebelote dans Ils sont partout, où il se file le premier rôle. Il a enfin accepté de déléguer pour la réalisation du Brio.
Matthieu Amalric
Depuis 2010, Amalric joue dans tous ses films. Dans Tournée, c’est lui le promoteur de la troupe burlesque ; dans La chambre bleue, adapté de Simenon, il joue l’amant accusé de meurtre ; dans Barbara, il se meta-met en scène en tant que réalisateur cherchant à tourner un film sur Barbara. Ce n’était pas le cas, avant. Il a dû en avoir marre de voir des gens jouer des rôles qu’il aurait mieux tenus.
Nanni Moretti
Je vous mets au défi de trouver un film de Nani Moretti où il ne joue pas. Le mec a même réussi à se déguiser en Berlusconi pour Le Caïman. Chapeau.
Polanski
Pendant toute la première partie de sa vie de réalisateur, Polanski comptait sur lui-même. Il joue notamment le rôle principal dans Le bal des vampires et Le locataire. Plutôt avec bonheur, parce que sa tête fait à la fois rire et peur, ce qui était un peu ce qu’il cherchait à produire.
Charité bien ordonnée commence par soi-même.