Je hais les surnoms. Déjà qu’on n’a pas choisi son prénom et qu’on met parfois du temps à s’y habituer, voilà qu’il faut se coltiner un autre nom, encore différent et vaguement inspiré du premier, choisi par des gens qui semblent être réellement animés par des intentions dégueulasses. Comment justifier sans cela qu’on puisse rebaptiser quelqu’un Totor ? La question est vite répondue.
Louise - Loulou, Louloute, Lou
Imaginez un peu l’horreur : vous vous appelez Louise, vous n’avez rien demandé à personne et, comme une traînée de poudre, l’habitude de vous interpeller par le son « Loulou » se répand chez vos amis et vos collègues. Peu à peu, vous voilà déshumanisée, rampant plus bas que terre. Votre conjoint vous quitte, vos enfants ne veulent plus vous parler et Cofidis vous rappelle toutes les demi-heures. Imaginez un peu.
Sophie - Soso, Sof', Fifi
Il faudrait que je choisisse l’un de ces trois surnoms abominables pour pouvoir le démolir, mais cela sous-entendrait que je suis capable d’en trouver un pire que les autres : « Soso » ou comment transformer une personne en modèle de voiture inventé ; « Sof' » ou comment donner l’impression à tout le monde que Sophie est en fait un rasta blanc ; « Fifi » ou comment infantiliser quelqu’un jusqu’à lui ôter toute capacité de jugement. Non, il est impossible de trancher.
Lisa - Lili, Zaz, Lisou, Lison
Qu’on ne vienne pas me dire que « Lison » c’est mignon. Ca ressemble à « bison », ça ressemble à « tison » et surtout ça ne ressemble à rien. Quant aux adeptes de la lilification des Lisa, je ne vous tire pas mon chapeau, messieurs.
Thomas - Toto, Tom Tom, Tomichou, Tomounet
Pour avoir vécu cet enfer tout au long de mes 32 années de vie, je peux vous le dire : arrêtez de surnommer les Thomas « Toto ». Evitez toute référence à Tom Tom et Nana et surtout, vraiment surtout, ne rallongez pas le prénom pour rajouter des suffixes mignonets qui donnent aux Thomas de tous les pays – et nous sommes nombreux – une irrépressible envie de vider la boîte de Nembutal.
Jean-François - J.F., Jeff
Jean-François est forcément atlantiste, car sa seule chance de pouvoir choper dans la vie, c’est de se faire surnommer Jeff. Avec ses initiales façon Kennedy et sa calvitie façon Yves, J-F (ou Jeff’) essaie comme il le peut de tirer son épingle du jeu dans cette vie qui l’a cantonné à occuper un second rôle au volant d’une Mazda de fonction dont il se sert pour aller vendre des polices d’assurance à domicile.
Bertrand - Béber, Trantran
Répétez avec moi (et copiez-le cent fois au mur si vous le souhaitez) : tout prénom exposant son porteur à être surnommée « Béber » (Bertrand, Bernard, Albert…) est interdit d’usage par la Déclaration nationale des prénoms de l’Homme et du citoyen. Tout contrevenant s’expose à être surnommé Dodolf pendant 2 décennies.
Natacha - Nat', Natach', Natouchka
Le problème de Natacha, c’est qu’elle va subir des jeux de mots sur sa chatte. L’autre problème, c’est qu’elle va être confondue avec les Nathalie puisque tout le monde l’appellera Nat’, qu’elle fera l’objet de chants intempestifs de Christophe Maé de la part de ceux qui l’appelleront Natach’ et qu’elle sera également la cible des grands-mères qui puent de la gueule et la surnommeront Natouchka pour faire croire qu’elles sont russes. Evitez ça à vos enfants.
Paul - Paulo, Poulou, Popol
Le cas de Paul est très intéressant, car c’est un prénom dont les surnoms ne sont pas des diminutifs mais des augmentatifs. On perdra donc plus de temps à appeler Paul une fois qu’on l’aura affublé d’un surnom horrible qu’avant cette attribution, et l’absence évidente de tout sens pratique à la désignation d’un surnom en révèle le caractère profondément pervers. Pas vrai Popol ?
Emmanuel - Manu, Manolo
Outre le danger inhérent au fait de prénommer son gosse comme le Président de la République le plus détesté de France – et même en mettant de côté la proximité sémantique d’Emmanuel avec le prénom d’un autre grand haï, à savoir Manuel Valls – on façonnera par ce prénom le caractère de son futur enfant à la serpe flamenca. Que pourra faire un type que l’on surnomme Manu et Manolo sinon se laisser pousser les cheveux, les attacher en catogan et se mettre à jouer du death metal flamenco ? Rien.
Vincent - Vinz, Vince, Vin
Sitôt insérés dans la vie sociale d’une classe de collège, les Vincent, petits enfants sages jusqu’alors, se retrouvent affublés de surnoms qui les transforment invariablement en petits dealers de drogue. Vous n’allez pas réussir à me convaincre qu’il existe en France une seule personne surnommée « Vinze », « Vince » ou « Vin » qui ne deale pas de la drogue. Vous n’y arriverez pas.
Victor - Vic', Totor
De la victoire à la victime. Né sous les lauriers d’un prénom triomphant, voilà notre Victor transformé en Totor. Et Totor pleure plus souvent qu’à son tour quand on lui donne des coupes de pied. Il aimerait s’en remettre à la maîtresse ou, mieux encore, à sa maman, mais Totor a malheureusement 28 ans et donc il va devoir se débrouiller seul comme un grand.
Frédéric - Fred, Fredo, Freddie
Si Frédéric est expert-comptable, Fred, son double nocturne, n’hésite pas à accumuler les kilomètres au compteur de sa Mitsubishi tunée dont il se sert pour rejoindre L’Excalibur où il exerce sa vraie passion en faisant le DJ tous les jeudis pour la ladies night.
Catherine - Cath, Cathoche, Cathy, Cathoune
Cela dit, je doute que vous ayez envisagé ne serait-ce qu’un moment d’appeler votre fille Catherine.
Charlotte - Charlie, Chacha, Carlotta, Charlotte aux fraises
Chacha : ce n’est pas un surnom, c’est une danse. Passer sa vie entière à être surnommée comme une danse exotique, en alternance avec un forçat au visage oblong qui disparaît dans la foule, le nom d’un distributeur de ciné art & essai et un dessert trop gras. Non, sans rire, c’est pas une vie, ça.
David - Davidou, Dave, Davy
J’ai connu un type qui s’appelait vraiment Davy. Vraiment. C’était son prénom. Son vrai prénom. Davy. Il se faisait surnommer Dave. Personne ne veut avoir une vie comme celle-là. Les David n’ont rien demandé.
Il faut impérativement y penser avant de passer à l’Etat civil.