Dans les cours de gestion, on explique qu'il n'y a pas, en soi, de "meilleures stratégies", et que finalement, la stratégie adoptée se révèle bonne si elle atteint ses objectifs. Mais parfois, il y en a des "pires", ou en tout cas des orientations stratégiques qui sont, de manière évidente, "pas top du tout". Des produits qui ne marchent pas, des décisions prises à la légère, des ratés impressionnants... Petit florilège de choix aventureux et rétrospectivement catastrophiques, nés dans le cerveau d'industriels très respectables. Un peu moins maintenant, du coup.
- Ford lance les "Ford Edsel" (1958)
Le projet Edsel et son lot d'innovation, de grosses bagnoles qui se voulaient futuristes, Henry Ford y croit en 1958, et le baptise même du prénom de son fils unique, mort d'une maladie 15 ans plus tôt. La marque, lancée avec tambours et trompettes, s'effondre finalement deux ans plus tard par une conjonction de facteurs défavorables : finitions désastreuses, contexte économique délicat, défiance des consommateurs... bref, Ford laisse 350 millions de dollars dans le projet, soit à peu près 2,5 milliards aujourd'hui, et Edsel devient synonyme de bide commercial : "ne m'en parle pas, on a frôlé l'Edsel !" - Le flop du Sony Betamax (1975)
La compétition s'annonçait serrée entre les deux formats concurrents qui entendaient démocratiser l'enregistrement vidéo à la maison. Mais alors que les premières VHS de 2h s'apprêtaient à sortir, Betamax met sur le marché des cassettes d'une heure. Quel film peut-on enregistrer sur une heure de bande ? Un "Wallace et Gromit"? Damned, ce n'était pas sorti en 1975... l'échec était programmé, et la VHS a allègrement colonisé nos salons. - Ronald Wayne quitte Apple (1976)
Il a participé financièrement à la fondation de la société Apple en 1976. Doutant de la survie de l'entreprise, il vend ses actions au bout de deux semaines pour la somme faramineuse de... 800$. Aujourd'hui, Apple c'est un capital de 327,6 milliards de dollars. Ronald, si tu nous lis, n'y pense plus, on a tous fait des erreurs. Et lâche cet Ipad. - Ils refusent les Beatles (1961)
Mike Smith et Dick Rowe sont deux détecteurs de talent qui ont du nez. En décembre 1961, les voilà à Liverpool pour se faire une idée d'un petit groupe du coin. Clairement, ces jeunes chevelus sont bons, et les 4 garçons sont invités à une audition un an plus tard. Après avoir écouté 15 chansons, Rowe explique que ça ne l'intéresse pas : ça ressemble trop aux Shadows, et les groupes, c'est plus trop tendance. Bien vu bonhomme. - Mars rejette E.T. (1982)
Universal prépare un nouveau film et demande gentiment au confiseur si ça les ennuie que des M&Ms apparaissent à l'écran. "Ca ne nous intéresse pas" répondent les pontes de Mars. Finalement, ce sont les Reese’s Pieces qui remporteront le jackpot en étant utilisés pour attirer l'extraterrestre dans la maison, devenant du même coup les "bonbons préférés d'E.T.", les M&Ms ne sont les bonbons préférés de personne (ou presque). - Hoover Company vous offre des vacances (1992)
Promo d'enfer en 1992 en Grande Bretagne, avec un billet d'avion gratuit pour tout client achetant pour 100 livres de produits Hoover. Problème, les billets d'avions coûtent bien plus que ce prix, et nombreux sont les voyageurs qui se tournent vers cette solution, quitte à acheter deux ou trois aspirateurs. La marque fait vite face à l'incapacité de tenir ses engagements et à une armée de consommateurs mécontents. La plaisanterie coûte 50 millions de livres à l'enseigne qui sera peu après vendue à une boîte italienne. Chapeau le marketing, beau boulot. - Playstation Network et la sécurité (en cours)
Dernière catastrophe en date (et en cours), on aurait "oublié" de crypter les informations personnelles (téléphone, adresse et informations bancaires) des utilisateurs du Playstation Network. A la première intrusion, c'est la panique, et plusieurs millions de personnes, certainement persuadées que ce n'était pas possible d'être aussi négligent, regrettent d'avoir fait confiance à Sony. Le service ferme durablement ses portes et Microsoft sort le champagne. - Nintendo rate le CD (1989)
Il y a des virages qu'il ne faut pas rater. Nintendo est au sommet du monde avec la Super NES et se marre bien en regardant Sega batailler avec son 32X. Nintendo a l'occasion de porter l'estocade avec un système CD, et la marque contacte Sony pour mettre au point une machine qui va tout casser. Les deux marques ne s'entendent pas, Nintendo fricote avec Philips, autre géant du CD, et finalement laisse tomber ce qui aurait été une Nintendo Playstation. Ce sera la Sony Playstation, et le début d'une nouvelle ère. Il faudra la DS pour s'en remettre, bien plus tard. - La Schlitz, l'anti-Budweiser low cost (1971)
Comment s'inviter dans le jardin du géant américain de la bière ? Par les prix : c'est en tout cas la stratégie d'un cost-killer aux commandes de l'entreprise centenaire au début des années 1970. Des ingrédients moins onéreux, brassés 15 jours au lieu de 40, et voilà une compétitivité restaurée. Au moins jusqu'au moment où les consommateurs remarquent un dépôt répugnant au fond des canettes (en plus du goût immonde). 10 millions de rappels plus tard, c'est établi : la Schlitz est une catastrophe industrielle. - Le "New Coke" fait pshiit (1992)
Quand la nouvelle formule du célèbre soda sort en 1985, peu de monde s'en soucie. Mais la marque décide en 1992 de baptiser son bébé Coca Cola II, et là, c'est l'émeute, les consommateurs intoxiqués au breuvage qui les a vus grandir (et fait grossir) sont dévastés, et la marque, après avoir reçu 400 000 appels ou lettres d'insultes, doit sortir de ses cartons le "Coca-Cola Classic" trois mois plus tard. Le succès du Classic alimente les théoriciens du complot, selon qui tout aurait été orchestré. Privez le peuple de sa petite drogue quotidienne et il mangera dans votre main.
Et vous, vous en voyez d'autres des gros ratés dans le business ?