Quand on adapte un bouquin, on ne prend pas tout ce qu’il y a dedans ; il faut bien faire le tri pour faire rentrer 500 pages en 2 heures. D’autant que l’industrie cinématographique n’est pas toujours super chaude pour les scènes de sexe dur ou pour montrer des personnalités censées être héroïques s’adonner à des actions affreuses. Bref, on dénature, on dénature, on crée autre chose : et parfois ça se voit.
Jack Torrence (Shining)
Alors vous allez me dire que la version longue du film le montre en partie, mais dans la version originale de Shining, le personnage de Torrence est très différent de la manière dont il est décrit dans le bouquin, lequel commence par une mise en contexte assez précise sur l’alcoolisme passé de Torrence qui lui a coûté sa place de prof à l’université et l’a conduit à faire des choses affreuses, comme renverser un mec ou encore casser le bras du petit Danny à peu près pour rien. Ces différences pèsent beaucoup sur l’interprétation que l’on peut faire de l’histoire, entre histoire de fantômes ou folie destructrice d’un homme qui effraie son fils et le pousse à imaginer des éléments surnaturels pour mieux digérer la violence de son père.
Sherlock Holmes
Mises à part les deux adaptations de Guy Ritchie, Sherlock Holmes apparaît généralement à l’écran comme un genre de geek qui se pique, joue du violon et dénoue les intrigues depuis son salon. Pourtant, dans les romans, il a fait de la boxe à haut niveau et passe pas mal de son temps à distribuer les uppercuts. Incarné par Peter Cushing ou Basil Rathbone, il s’en tient à la pipe et à la réflexion. Quant au personnage de Watson, il est très régulièrement présenté comme un énorme benêt à la traîne éperdu d’amour pour son pote ; dans les romans, il incarne plus justement un type malin, assez dragueur, courageux mais un peu dépassé par le génie de Sherlock qui ne le méprise pas spécialement.
Tom Ripley (Plein Soleil et Le talentueux Monsieur Ripley)
Dans Plein soleil, l’homosexualité de Tom Ripley n’est jamais évoquée. Dans Le talentueux Monsieur Ripley, elle apparaît en filigrane mais n’est que suggérée. Pourtant, il s’agit dans le roman de Highsmith d’un fait essentiel qui explique la conduite de Ripley, laquelle n’est pas seulement dictée par l’appât du gain et de la vie facile ; Ripley veut devenir Greenleaf, il veut posséder sa vie à défaut de pouvoir le posséder lui.
Forrest Gump
Dans le roman de Winston Groom, Forrest Gump est un vrai con : il fume de la weed h24, est stupide plus que diminué mentalement, adore jouer à la roulette, picoler et ne rien foutre. En réalité, Forrest Gump est une caricature de l’Américain moyen qui n’est jamais sorti de chez lui et n’apprend jamais rien de la vie. A l’inverse, le film de Zemeckis en a fait un personnage plein d’une sagesse très bon sens, maltraité par la vie mais toujours vaillant et gentil ; Zemeckis a aussi choisi quelles aventures porter à l’écran : on ne voit pas Forrest Gump en train de faire du catch ni coucher avec une célèbre actrice. Dans le bouquin, Jenny le quitte ; dans le film, elle meurt : c’est commode. Et surtout, dans le bouquin, Forrest Gump est obèse.
Katniss (Hunger Games)
Dans les bouquins de la saga, Katniss est une petite conne qui saoule tout le monde. Elle est de mauvaise humeur h24 (elle a ses raisons, hein), elle chouine en permanence, elle n’a qu’une envie c’est de mourir, elle est odieuse avec tout le monde et elle fait peur. Alors que dans le film, Jennifer Lawrence campe une sorte d’héroïne badass suffisamment émancipée pour être taxée de féminisme mais pas réellement indépendante ou misanthrope.
Hannibal Lecter
Au départ, Hannibal Lecter devait être campé par Sean Connery, mais celui-ci a refusé en raison du scénario qu’il trouvait infernal. Et ça a du sens, car Hannibal Lecter apparaît dans les bouquins de Thomas Harris comme un type plus jeune que ne l’est Anthony Hopkins dans Le silence des agneaux. Surtout, il est encore plus manipulateur que dans les films et dispose de spécificités physiques qui ont été effacées des films, notamment la présence d’un sixième doigt à la main gauche.
Enfin, dans Hannibal, de Ridley Scott, Clarice essaie sans succès d’arrêter Lecter ; dans le bouquin original, Clarice et Lecter terminent ensemble à l’autre bout du monde. Qu’est-ce qui bouge le cul des andalouses cannibales ? C’est l’amour.
Humbert Humbert (Lolita)
En fait, tous les personnages de Lolita ont subi un petit lifting lors de l’adaptation de Kubrick. D’abord, Humbert est un manipulateur chez Nabokov, qui essaie de droguer la petite pour l’approcher dans son sommeil (et donc potentiellement la violer, on le comprend à demi-mot), alors que dans le film il est ensorcelé par Lolita qui est bien davantage sexualisée que dans le roman. Humbert paraît beaucoup plus faible que dans le bouquin. D’autant plus que le film met très en avant le personnage de Quilty, joué par Peter Sellers, alors que celui-ci n’a qu’un rôle anecdotique dans le livre. Quilty, dont le meurtre enverra Humbert en prison, brille dans le film par son aisance et ses manières ; dès lors, la jalousie qui saisit Humbert devient le fil rouge du film alors qu’elle n’est qu’esquissée dans le bouquin.
James Bond
On connait l’histoire : Ian Fleming ne voulait pas de Sean Connery qu’il trouvait trop vulgaire, avant de se raviser à la vision de Dr. No. Pourtant, le personnage incarné par Connery diffère pas mal de celui imaginé par Ian Fleming, notamment par ses manières beaucoup plus machistes et bestiales. Le Bond de Fleming était un peu précieux, plus proche, d’une certaine manière, de ce pauvre Roger Moore ou de Pierce Brosnan ; un type entouré de livres mais qui aimait l’alcool, les clopes et les femmes. Pas un violent par nature. Dans les bouquins, Bond passe aussi énormément de temps à son bureau à s’emmerder : il lit des dossiers relous et n’attend que de repartir au combat.
Sam Spade (Le faucon maltais)
Immortalisé par Humphrey Bogart dans ce qui donnera le ton du film noir âge d’or, le détective Sam Spade était censé être grand, blond et aux yeux bleus, soit absolument pas comme Bogart. Par ailleurs, Sam Spade a une grande perversité en lui, il aime voir les autres choir et n’a pas spécialement bon coeur ; Bogart incarne un personnage légèrement plus humaniste, près à aider la femme et l’orphelin (enfin surtout la femme) quoique pas dupe des tentatives de séduction dont il fait l’objet.
Gandalf (Le Seigneur des anneaux)
Le Dumbledore de la terre du milieu est un magicien, ce qui signifie qu’il n’a normalement pas de forme humaine. En réalité, Gandalf est un esprit qui choisit de se matérialiser sous la forme d’un vieux sorcier un peu dingo pour être pris au sérieux par les hobbits. Un choix assez audacieux quand même et qui ne fait l’objet d’aucune explication même allusive dans les films de Peter Jackson où il est même sous-entendu que Bilbo et Gandalf se connaissent sous leurs formes respectives depuis des années alors même que Gandalf passait autrefois son temps à se promener sous forme de vent sur la Terre du milieu.
Germinal ? J’ai pas lu ce film.
Source : Cracked