A une époque pas si lointaine, quand la notion "d'album" avait encore un sens à case de contrainte technique et d'une durée limitée du vinyle, il y avait deux écoles : les artistes qui prenaient soin de couvrir chaque cm² de la toile en conservant une certaine intensité tout au long des 45 minutes allouées, et ceux qui remplissent pour remplir. Nous ne parlerons pas de ces derniers ici pour mettre à l'honneur les méthodes qui marchent pour finir un album proprement et s'assurer que la dernière impression est la bonne, par une petite playlist dominicale
, bien aidés en cela par l'excellente liste de Khamsou sur Sens Critique.
- Bob Marley - Redemption Song, la ballade inattendue
Présente sur Uprising sorti en 1980, Redemption Song surprend les fans qui ne s'attendaient pas à une ballade guitare/voix. Preuve que Bob Marley était habile en dehors des codes du reggae et qu'il savait terminer ses albums d'une bien belle manière. Dans un autre genre, Nine Inch Nails utilise la même méthode pour conclure The Downward Spiral avec le poignant "Hurt". Mano Negra termine Patchanka par Salga la Luna, guitare et voix, rien de plus.
- Jimi Hendrix - Bold as Love, le final qui donne son nom à l'album
Jimi Hendrix donne l'impression que les 12 merveilles précédant "Bold as Love" n'étaient qu'un lever de rideau. Justice baptise le dernière piste du nom de son deuxième album, Audio Video Disco, comme si le mystère tombait enfin.
- The Smashing Pumpkins - Farewell and Goodnight, le final qui dit au revoir
Pas facile de terminer la somme parfaite qu'est Mellon Collie and the Infinite Sadness, c'est pourtant ce que fait à merveille Farewell and Goodnight, tout en simplicité et en grâce. I Should Coco de Supergrass se termine par "Time to Go" et The Man Comes Around de Johnny Cash, même s'il n'est pas vraiment un album, se conclue idéalement par "We'll Meet Again"
- Pink Floyd - Shine on you Crazy Diamonds, le retour au point de départ
Wish You Were Here, 1975, la plus belle période des Pink Floyd et un album qui se clôt avec la reprise du premier titre, "Shine on you Crazy Diamonds". Même ficelle quelques années plus tard avec The Wall. Ou comment boucler la boucle. Gainsbourg fait de même sur Melody Nelson avec Cargo Culte et les rockeurs de Terrorvision vont même plus loin, les derniers mots de How to make Friends and Influence People sont les mêmes que ceux qui ouvrent la galette.
- Metallica - Call of Ktulu, l'instrumental-générique de fin
Pour terminer leur deuxième album, Ride the Lightning (1984), les Four Horsemen osent le morceau instrumental, et ils ont bien fait. Ghinzu conclue MirrorMirror avec "Interstellar Orgy" qui semble tout droit sorti du cerveau torturé de Vangelis. On attend presque de voir les crédits défiler sous nos yeux.
- Pavement - Infinite Spark, le final épique
Oui, même Pavement, quasi-propriétaire du lo-fi dans l'Histoire, conclue Brighten the Corners en fanfare. Les brillants écossais de Baby Chaos ont pour chacun de leurs deux albums, conclu avec le même souffle, "Superpowered" s'ouvrant avec le même rythme martial à la caisse claire.
- Stupeflip - Annexion de la Région Sud, le final-concept
Stupeflip a fini à ce jour 3 albums, par "Annexion de la région Sud", "Région Est" et "Ouest Region Inquisitors", à chaque fois des pistes longues et torturées. Le prochain album évoquera forcément le Nord, et on pourra dire que King Ju aura fini un cycle, il sera temps de passer à autre chose.
- The Beatles - A Day in the Life, le morceau mystère
Quand on a écrit un des plus grands albums de rock de tous les temps, il ne faut pas se merder sur le finale. Les Beatles balance donc, à la fin de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, un tube psychédélique de toute beauté, et sans forcer. Virtuellement 160 musiciens sur la partie orchestrale, un accord final légendaire ("l'accord le plus surcoté de l'Histoire de la Musique") et plusieurs morceaux dans le morceau, comme un album concentré après la représentation du Sgt. Pepper's Lonely Heart Club Band.
- Queens of the Stone Age - Mosquito Song, quand y'en a plus y'en a encore
Le morceau caché, grand classique des fins d'albums mais si souvent on reste sur sa faim. Puis arrive le Mosquito Song dans les dernière minutes de Songs for the Deaf et on se dit que ces mecs sont des génies. (Et puis après ils rebalancent une reprise barrées des Kinks, et on se dit que ce sont des zinzins.)
- Joy Division - Decades, le vrai final
Closer, album mortifère sorti en 1980 ne se termine pas sur une note joyeuse mais sur un Decades aux paroles funestes qu'on ne peut s'empêcher de mettre en relation avec le suicide de Curtis.
- King Crimson - Starless, le chef d'oeuvre
Beaucoup de gens pensent que le line-up sur cet album est parfait, et on est d'accord. King Crimson livre son meilleur album et ne fera jamais mieux par la suite. Pour preuve les 12 minutes de "Starless", meilleur morceau de l'album. On peut en dire autant de "Alone in Kyoto" à la fin de Talkie Walkie, le chef d'oeuvre de Air.
- Above the Law - The Last Song, le final qui dit son nom
Les pionniers du rap west-coast ont le mérite d'être honnêtes : leur premier album Livin' Like Hustlers se conclut pas une chanson qui s'appelle "la dernière chanson". Ok, au moins c'est clair. Pour sa part, dEUS prévient à la fin de Pocket Revolution que "Nothing Really Ends". Bien évidemment, "The End" sur l'album The Doors entre dans cette catégorie.
Et vous, vous écoutez vos albums jusqu'au bout?
Source photo : Vinnylanni