En regardant Breaking Bad et the Wire, on pensait avoir mis la main sur les barons de la drogues les plus dingues de la fiction. Mais il a suffi d'apprendre l'arrestation récente de Joaquin Guzman Loera, le plus gros narcotrafiquant de la planète, pour se rendre compte que ces séries sont loin de tenir la comparaison avec la faune qui anime le business de stupéfiants en Amérique Latine. Parce qu'avant de se faire choper, Guzman "el Chapo" a eu affaire avec pas mal de tarés aux surnoms rigolos et à l'espérance de vie réduite. Petite visite du LinkedIn du bonhomme :
- Héctor "El Güero" Palma : son premier employeur
Dans les années 1970, Guzman trouve un boulot d'étudiant classique au Mexique : transporter de la drogue de la Sierra Madre vers les zones urbaines à la frontière avec les États-Unis. El Güero lui a appris la rigueur et l'exigence, un retard de livraison = une balle dans la tête. C'est propre, c'est carré. - Félix "El Padrino" Gallardo : le parrain
Grâce à son bon travail, Guzman est présenté à Miguel Ángel Félix Gallardo, le parrain de Mexico, pour qui il est d'abord chauffeur. Est-ce sa capacité à faire de bons créneaux ou la qualité de ses changements de files, toujours est-il que notre jeune Guzman se voit confier la logistique des livraisons de la Colombie au Mexique, par terre, mer et air. Beaucoup de responsabilités qu'il assume dans la bonne humeur. - Enrique "Kiki" Camarena Salazar : l'agent de la DEA
Enrique est un agent en infiltration qui permet en 1984 de démanteler une exploitation de marijuana massive baptisée "Rancho Búfalo". Mais l'agent se fait choper, torturer puis descendre en 1985. A Washington, la pilule ne passe pas, et les autorités mexicaines sont sommées de réagir. La conséquence est l'arrestation de Gallardo, "El Padrino", qui permet à Guzman de prendre part à la guerre de succession. - Ramón "Patrón" Arellano Félix : le premier rival
Après l'arrestation de Gallardo, c'est un peu la kermesse dans cette organisation jusqu'ici bien rodée. Les frères Arellano Félix, du cartel de Tijuana, prennent les commandes et font le ménage dans l'équipe. Ramón descend le bras droit de Guzman venu pour parlementer et déclenche une vraie guerre de cartels où tous les coups sont permis : assassinats de membres de la famille, décapitation et envoi de la tête dans une boite, comme à la télé. - Juan Jesús Posadas Ocampo : la victime collatérale
La guerre contre le clan des frangins Arellano fait rage. En 1993, ces derniers décident d'envoyer leur meilleurs hommes, 20 moustachus bien énervés, pour en finir une bonne fois pour toutes. Le 24 mai, nos compères débarquent en jeep à l'aéroport de Guadalajara et ouvrent le feu sur une voiture dans laquelle Guzman est supposé se trouver. Erreur, ils flinguent en fait Juan Jesús Posadas Ocampo, Cardinal et Archevêque de Guadalajara, ainsi que 6 autres personnes. Guzman qui était bien là s'échappe en taxi, mais cet accident signe le début de la fin pour lui : se retrouver mêlé de près ou de loin à la mort d'un homme d'Église est quelque chose d'impardonnable au Mexique et il va bientôt en faire les frais. - Arturo Guzman "el Pollo" Loera : le frère providentiel
Suite à la mort du cardinal, Guzman commence à faire la une des journaux, une presse dont il se passerait volontiers. Il décide de calmer le jeu en fuyant au Guatemala avec sa petite amie, mais se fait arrêter à la frontière. Guzman en prison, c'est son frangin Arturo dit "El Pollo" qui prend le relais et tient la baraque. Il sera arrêté en 2001 alors que la police recherche son frère évadé. El Chapo et El Pollo ne recroiseront jamais puisqu'Arturo sera assassiné en prison en 2004 par un membre d'un cartel ennemi. - Francisco "el Chito" Camberos Rivera : le gardien de prison
En prison depuis 1993, Guzman purgeait sa peine tranquillou quand les États-Unis décidèrent de réclamer son extradition pour blanchiment d'argent et (surtout) pour importation de drogues sur leur territoire. Sentant que ses perspectives d'avenir se réduiraient nettement s'il était envoyé aux States, Guzman décida de s'évader. Pour ça, il acheta à peu près tout le personnel de la prison, y compris le directeur. En tout, 78 personnes auraient participé de près ou de loin à son évasion, et notamment le gardien Francisco "el Chito" Camberos Rivera qui lui ouvrit la porte, le planqua dans un panier de linge sale et le conduisit hors de la prison. On estime que cette évasion coûta 2,5 millions de dollars à Guzman. El Chito est depuis passé de l'autre côté des barreaux. - Osiel "El Mata Amigos" Cárdenas : le numéro un déchu
Guzman sorti de prison, plus grand-chose ne s'oppose à son ascension, et son organisation joue les premiers rôles dans le trafic de stupéfiants entre la Colombie et les États-Unis. Mais il faudra qu'il attende 2003 et l'arrestation de Osiel Cardenas, le patron du Cartel du Golfe, pour devenir l’incontestable numéro un de la drogue dans le coin. - Ignacio "Nacho" Coronel Villarreal : l'associé créatif
Pour faire fonctionner une boutique, il faut savoir s'entourer. Si Ignacio n'avait plus rien à prouver en matière de transfert de tonnes de cocaïne par des bateaux de pêche, c'est surtout pour sa maîtrise du marché de la méthamphétamine qu'il sera surnommé le "Crystal King". Grâce à lui, Guzman organise les liaisons avec la Chine, la Thailande et l'Inde pour se procurer les produits chimiques nécessaires et s'emparer du marché. - Alfredo Beltrán "El Mochomo" Leyva : le bras droit trahi
Bras droit proche de Guzman, El Mochomo était impliqué sérieusement dans les affaires jusqu'à ce que ça parte un peu en sucette. El Chapo n'étant plus satisfait d'Alfredo, il est probable qu'il l'ait balancé aux flics. En représailles, les frangins Beltran Leyva firent assassiner Edgar, le fils de Guzman, ouvrant les vannes à une guerre des gangs qui fit près de 200 morts.
La morale de cette histoire : pour réussir dans la vie, faites-vous des contacts.