Le cinéma, ce n’est pas qu’un film projeté et des fauteuils confortables quoique trop rapprochés les uns des autres. C’est aussi une ambiance, un écran qui domine la situation, une obligation à rester assis, des réactions semi-muettes autour, un rituel et puis une bonne sortie pour le dimanche soir. Les réalisateurs tendent à fabriquer leurs films en prenant ces paramètres en compte, d’où une sorte de sensation d’incomplétude quand on se mate un film qui prend place dans l’espace sur un écran de téléphone avec des enceintes crachotantes.
Gravity (2013)
Après avoir eu bien mal à la tête à cause de la 3D en voyant Avatar, on est sorti plutôt content du film d’Alfonso Cuaron, qui avait le mérite de vraiment placer le spectateur au milieu d’une expérience interstellaire. Pour une fois que la 3D servait à quelque chose, on prenait un Doliprane et on disait du bien du film. Le problème c’est que la 3D servait aussi à cacher l’absence absolue de scénario. Donc se mater Gravity à la télé, c’est un peu comme écouter George Clooney et Sandra Bullock discuter de platitudes à une soirée déguisée thème NASA.
Melancholia (2011)
Melancholia de Lars Von Trier interroge la fin du monde et la dépression à grands coups de paraboles visuelles et de plans-séquences déprimants. En vrai, le film est trop bien, mais sa lenteur contemplative nécessite d’y être plongé. Si vous comptiez mater Melancholia sur votre 12 pouces en gardant votre nièce de 4 ans passionnée de discussions sans queue ni tête, nous ne saurions que trop vous le déconseiller.
(Même en gif, c’est moyen)
L'Exorciste (1973)
Le principe d’un film d’horreur, c’est de faire flipper. On ne voit pas les angles morts, on est prêt à sursauter en permanence, la musique envahit l’espace et on retient son souffle. Le principe d’un film d’horreur, c’est de créer une ambiance en dehors de la vie réelle, puisque les monstres et le diable, ça n’existe pas vraiment. L’image de la petite fille qui joue à faire tourner les serviettes avec sa tête est plutôt ridicule, si on excepte tout ce décorum.
Interstellar (2014)
C’est un peu une resucée de Gravity, mais les ambiances de planètes exotiques sont légèrement moins fortes sur une télé à tube cathodique. Alors on peut toujours essayer de comprendre la soupe scientifique esquissée dans le film sur le temps et l’espace, mais on aurait tout aussi bien fait de lire Einstein, Bergson ou Hubert Reeves qui, eux, ne sont pas pratiques à lire dans une salle de ciné.
Drive (2011)
L’objectif même du film de Winding Refn étant de générer une ambiance autour d’un personnage taiseux et de faire des effets de style, la seule manière d’en saisir l’intérêt est de se mettre en condition pour pouvoir l’apprécier. Si vous vous prenez Kavisky sur des enceintes rechargeables, vous risquez de pas être d’accord avec tous ceux qui créent au génie quant à la scène d’ouverture.
Apocalypse now (1979)
Bon c’est pas non plus tout nul à la télé, faut pas exagérer, mais quand même. Le minimum qu’on peut offrir à un film de 3 heures qui se passe dans la tête d’un mec qui devient fou avec des séquences complètement dingues, c’est de pas le voir en 4/3. Ou alors sur vidéoprojecteur, au moins. Sinon c’est juste un film, quoi.
Barry Lyndon (1975)
Sur un truc tout petit, on risque de ne pas saisir tout l’intérêt d’un film tourné entièrement en lumières naturelles, souvent à la bougie, et dans des décors réels pour lui donner la tonalité des toiles de l’époque qu’il dépeint. Surtout quand la télé est réglée en luminosité maximale à cause de ce putain de reflet parce que le store est pété.
(Vitesse LUMIERE)
2001, l'Odyssée de l'espace (1968)
Un Kubrick peut en cacher un autre. Non, vraiment, de manière générale, ne regardez pas de Kubrick à la télé. Pour peu que vous alliez pisser sans mettre pause, vous ne comprendriez rien à ce qu’il vient de faire, Hal.
The place beyond the pines (2013)
Le film s’appelle Au-delà des pins, au Québec. Du coup, ne le regardez pas non plus au Québec. Enfin quand même, Derek Cianfrance est pas un manche, et les scènes de motos dans la campagne américaine méritent mieux que la couleur verte qui déconne de la télé. Eva Mendes aussi. Ryan Gosling aussi.
Autant en emporte le vent (1939)
Le film est trop long pour pouvoir être regardé chez soi avec toutes les tentations alentour. Il faut un minimum s’attacher aux personnages et détester Scarlett. En plus, les couleurs de l’époque passent mal le filtre des écrans LCD et il est plus intéressant de le voir en projection analogique, ou après un traitement spécifique pour projection numérique. Si vous voulez vous gâcher un monument du cinéma, allez-y, prenez le à 700 méga sur un site de torrent et faites-vous bien chier.
Fantasia (1940)
Disney voulait populariser la musique classique. Il s’est lancé dans un projet dantesque et largement critiqué en raison des interprétations choisies pour les différents morceaux. L’animation de l’époque est fantastique et la musique est le personnage principal du film. Par pitié, ne faites pas la bêtise de vous gâcher le film en le regardant chez vous, même sur un home cinema. Il faut du son, du vrai, suffisant pour que vos voisins ne soient pas contents. Et puis un hippopotame qui danse, ça se regarde en GRAND.
Mad Max : fury road (2015)
Vu que le film n’a pour ainsi dire aucun scénario (un aller-retour en bagnole dans un univers punk, ok vous allez tous me tomber dessus, mais c’est un peu la vérité) et aucun dialogue, son intérêt réside essentiellement dans la qualité des effets spéciaux, la beauté des paysages, la sensation d’être associé à la fuite à toute berzingue des héros. Je vous assure que, depuis mon canapé, tout ça, moi, je l’ai pas.
En revanche, La grande vadrouille et Les sous-doués peuvent tranquillement se regarder à la télé.