En français, on est particulièrement inventif en ce qui concerne les synonymes renvoyant à l’argent. La thune, le fric, le flouze, le pèze, et encore je vous passe tout le rayon fruits et légumes du supermarché avec les patates, le blé ou encore l’oseille. Mais ces expressions chères à notre compte en banque ont toutefois des origines pour le moins improbables. Tellement improbable qu’on vous livre un top en bonne et due forme pour l’amour de la langue française et de l’argent.
"Payer en espèces"
Les épices étaient autrefois une matière facile à transporter qui permettait ainsi de servir de monnaie d’échanges pour faire ses courses (avec 500 g de gingembre, on pouvait se payer un mouton). On a donc d’abord commencé à payer en épices et puis, déformée par le temps, l’expression est devenue « payer en espèces ».
"L'argent n'a pas d'odeur"
On emploie tranquillou cette expression aujourd’hui sans vraiment connaître son origine bien lointaine. Pour cela, il faut faire un petit tour dans le passé du temps de la Rome Antique quand Vespasien était à la tête de l’empire. Ce nom vous dit quelque chose ? Logique, il a donné son p’tit nom aux « vespasiennes », les premiers urinoirs publics à Rome. Bon en réalité c’est pas lui qui a inventé le concept de chiottes publiques, il a surtout mis au point une taxe sur la pisse. A l’époque, on urinait dans des grandes cuves. Ces piscines de pipi sentaient pas très bon mais étaient tellement chargées en ammoniac que les Romains y faisaient tremper leurs fringues pour les blanchir. Vespasien a alors senti le bon filon et imposé une taxe pour les gens qui utilisaient la pisse pour blanchir leurs fringues. Parce qu’après tout, l’argent n’a pas d’odeur.
"Avoir de l'oseille"
Finalement l’oseille c’est une plante. Une bonne plante un peu acide qui, en théorie semble bien éloignée de tout concept monétaire. Eh bien détrompez-vous. Comme son goût l’indique, l’origine latine du mot vient de acidula (qui signifie « acide », donc). Puis au XIe siècle le mot devint « oiseles » puis « osile » et « ozeille » au XIVe siècle. C’est à partir du XIXe que le mot « oseille » est associé à l’argent. Mais là où vous allez rire, c’est que ça n’a rien à voir avec la plante. L’oseille telle qu’on l’associe à la monnaie serait une déformation du mot « os », des os humains qui pouvaient également servir de monnaie d’échanges. Bref une belle arnaque étymologique.
"Ne pas avoir un kopeck"
BOAAAAH. Là pour être honnête, ça n’a rien de bien foufou. Le kopeck est une pièce de monnaie russe, c’est l’équivalent d’un centime de rouble. Bref c’est pas grand chose donc quand on dit qu’on n’a pas un kopeck, c’est qu’on a vraiment rien dans le portefeuille. Ce qui ne nous empêche pas d’avoir un grand cœur.
"Avoir des thunes"
Cette expression n’est pas toute jeune puisqu’elle date du XVIIe siècle. Elle désignait tout d’abord l’aumône en argot. Puis au début du XIXe, elle renvoie à une pièce de 5 francs. Mais son origine étymologique est assez inattendue ! Le mot viendrait de « Tunes », ancienne forme de la ville de Tunis. On appelait « Le roi des Thunes » celui qui était le chef des mendiants dans la cour des Miracles (la thune étant ce qu’on donnait aux mendiants).
"Avoir du fric"
Là encore, l’expression trouve son origine au XIXe siècle. Ce qui est plus étonnant c’est que le mot « fric » vient du champ lexical culinaire. Le fricot, c’est ce qu’on appelle aussi un « ragoût », ou plus globalement une viande cuisinée. « Fricasser » signifie ce qu’on fait cuire dans son jus » puis par extension, l’expression renvoyer à la notion de gaspillage, quelque chose qu’on dépense alors qu’on ne devrait pas. Ça semble encore un peu éloigné de l’argent mais bon en gros le fric c’est le truc qu’on dépense à tort.
"Avoir du flouze"
Le mot « flouze » vient de « felous » expression marseillaise du XIXe siècle qui est elle-même un dérivé de l’arabe « Fuls » qui était une ancienne monnaie arabe.
"Le pognon"
Finalement le pognon c’est quoi ? C’est de la fraîche. C’est de l’argent qu’on peut palper, qu’on peu tripoter quoi. Eh bien c’est de là que vient le mot « pognon ». Enfin il vient du verbe « pogner » qui désigne l’acte d’empoigner ou de saisir quelque chose.
"Du pèze"
Le mot « pèze » vient tout bêtement du verbe « peser », du moins c’est une des hypothèses. Fallait pas chercher bien loin. Autre hypothèse, le mot viendrait des « petit pois » en occitan (« pese ») qui renvoyait à la petite monnaie en argot marseillais. En gros quand on dit qu’on a du pèze, c’est qu’on a des petits pois. Moins stylé, sauf pour les végétariens.
"Etre riche comme Crésus" et "Toucher le pactole"
Si ces deux expressions ne veulent pas dire exactement la même chose, elles méritent d’être expliquées ensemble parce qu’elles ont toutes les deux la même origine. On commence avec Crésus. Dernier roi semi-légendaire de Lydie qui régnait au Ve siècle avant J-C et qui fut connu pour sa fortune. En réalité il avait surtout un très bon sens du commerce ce qui a fait de lui un des premiers milliardaires de la life. Et pour cause, son pognon il le devait en partie à la rivière le Pactole (un affluent de Turquie qui existe toujours) dont les sables contenaient des pépites d’or.
Nous voilà plus riches.
Sources : Le Figaro, N26 Magazine, France pittoresque, France Tv, Projet Voltaire, Raconte-moi l’histoire