On a l’impression que le cinéma est réglé comme du papier à musique. Les réalisateurs lisent un scénario, comptent sur les chefs opérateurs pour obtenir le rendu voulu et demandent aux acteurs de réciter leurs phrases. Ce n’est pas totalement faux. Mais, souvent, ce qui marque dans un film, ce qu’il apporte de nouveau, apparaît comme par magie au tournage. La faute à une phrase à la con ou à un prout lâché par un acteur et gardé au montage.
Indiana Jones et la scène du flingue
La fameuse scène où Harrison Ford se contente de flinguer le type qui fait des salamalecs avec son sabre est due au fait que Harrison Ford, comme l’équipe, souffrait d’une intoxication alimentaire, car la personne chargée d’acheter la nourriture pour tout le monde s’était précipitée au boui-boui le plus proche. Le scénario prévoyait qu’il se batte avec son fouet, mais l’acteur n’en avait pas la force. Il a fallu trouver une solution. La scène est devenue culte.
Le fou rire lors de la comparution des suspects dans Usual Suspects
La scène devait être très sérieuse. Le problème, c’est que Benicio del Toro enchaînait les prouts. Du coup, tout le monde s’est marré, et la scène est passée de sérieuse à hilarante.
Le bruit des sabres laser
L’ingénieur du son Ben Burtt se baladait dans son appart’ avec un câble de micro pété. En passant devant sa télé, le micro capta le son de la télé et produisit ce grésillement caractéristique. C’est plutôt cool, parce qu’au départ, les sabres laser n’étaient pas censés produire de son. Ce qui aurait été très nul.
La sortie de Daniel Craig de l'eau dans Casino Royale
Tout le monde critiquait Daniel Craig avant même qu’il ne commence le tournage de Casino Royale. Toujours est-il qu’il s’est imposé en James Bond maxi-muscle assez rapidement et par erreur. La scène où il sort de l’eau n’était pas prévue au scénario. Craig devait simplement mater Caterina Murino sur son cheval à la con depuis la flotte comme un gros beauf. Sauf qu’il s’est pris les pieds dans un banc de sable et a été obligé de sortir de l’eau en bombant le torse, faisant son Ursula Andress à l’envers et hurlant un gros « tu peux pas test » à la face de Pierce Brosnan.
Django Unchained et le sang de Leonardo DiCaprio
Dans Django Unchained, Leonardo joue un salopard colérique et dangereux. Lors de la scène à table où il s’énerve, il s’est mis à taper sur la table et à briser un verre en cristal entre ses mains. Le truc n’était pas prévu, et DiCaprio a commencé à pisser le sang, tout en jouant son personnage. La scène a été gardée au montage et DiCaprio a eu des points de suture.
Dustin Hoffman manque de se faire écraser sur le tournage de Macadam Cowboy
Le réalisateur de Macadam Cowboy, John Schlesinger, n’avait pas l’autorisation de tourner dans les rues de New York. La scène où l’on voit Dustin Hoffman et Jon Voight errer dans la ville a donc été tournée en scred, au milieu des vrais passants. Quand Hoffman traverse la rue, on l’entend hurler à un taxi « Hey ! C’est à moi de passer ! » (« Hey, I’m walking here ! »), parce que le taxi en question a vraiment grillé un feu, et qu’il a vraiment failli tuer Dustin Hoffman et Jon Voight. La réplique est l’une des plus célèbres et apporte une dimension supplémentaire au caractère paumé du personnage.
Le village du Professionnel
Quand il tourne Le professionnel, George Lautner est en retard dans son travail et laisse l’équipe déléguée superviser la construction du village africain dont l’attaque doit ouvrir le film. Le village africain est basé en Camargue, pour info. Sauf que quand il débarque, la veille du premier jour de tournage, il se rend compte que les cases du village sont trop éloignées les unes des autres ; impossible d’obtenir les plans souhaités. Système démerde : Lautner se poste à 500 mètres du village et tourne les plans au téléobjectif. La manœuvre donne à la séquence un côté documentaire qui sert le propos du film et l’ancre encore davantage dans la réalité de l’époque.
La fin en suspens du Lauréat
La scène finale du Lauréat, de Mike Nichols, devait se terminer par un plan sur la main d’Elaine agrippant celle de Benjamin, à bord du bus dans lequel ils viennent de sauter après que Benjamin a interrompu le mariage d’Elaine avec un autre homme. Mais Mike Nichols avait demandé à un de ses assistants de se tenir près du bus pour crier « Coupez ! ». Il ne l’a pas fait, parce qu’il n’en avait pas l’habitude. De cette latence est née la fin poétique du film, montrant Benjamin et Elaine regarder devant eux, comme indifférents, finalement, l’un à l’autre, concentré sur un avenir incertain.
Goldfinger et l'électrocution de Oddjob
On connaît le personnage de Oddjob, le gros asiatique toujours souriant qui tue des gens avec son chapeau métallique dans Goldfinger, le troisième James Bond. A la fin du film, Oddjob est électrocuté contre une grille par l’increvable Bond alors qu’il essaie de récupérer son chapeau. Sauf que, lors du tournage, l’acteur Harold Sakata a vraiment été électrocuté. Il n’en est pas mort. Mais pas loin.
La réplique culte des Dents de la mer
Les producteurs des Dents de la mer croyaient moyen au film et avaient refusé d’allonger l’argent nécessaire pour que l’équipe puisse avoir un bateau de taille correcte. Du coup, dès que quelque chose commençait à mal se passer, tout le monde se plaignait, en riant : « Il nous faudrait un plus gros bateau. » Du coup, quand il aperçoit le requin pour la première fois, Roy Scheider ne peut pas s’empêcher de glisser la phrase à Richard Dreyfuss. Qui, depuis, est devenue l’une des plus célèbres du cinéma.
On pourrait citer d’autres ajustements ayant conduit à améliorer le film, comme Brando qui, non content de ne pas respecter son engagement de maigrir avant le tournage d’Apocalypse now, prit 25 kilos entre le jour de son embauche et son arrivée sur le plateau, obligeant Coppola à le filmer dans le noir et en contre-plongée. Un mal pour un bien.
Sources : Histoires de tournage, Cracked, Vix