Booba Kaaris, grosse ambiance de défonce au Séphora d’Orly. Et qu’Internet y va de son commentaire comme quoi le rap game, c’est violent, gnagnagna, gnagnagna. Mais comme l’a justement fait remarquer Popoésie sur Twitter, la violence fait partie du jeu de la création depuis la nuit des temps et niveau castagne, les écrivains classiques n’avaient rien à envier aux rappeurs d’aujourd’hui.

François Villon a tué un prêtre

En 1455, un prêtre passe près de Villon rue Saint-Jacques. Le prêtre insulte Villon, on sait pas trop pourquoi. Quelques instants plus tard, Villon le plante avec sa dague. Selon sa propre version des faits (la seule que l’on connaisse au travers des lettres de rémission qu’il a obtenues en juin 1456 et qui visaient à lui éviter la zonzon), Villon aurait agi en légitime défense. Toujours est-il que notre bon petit père des peuples Philippe de Sermoise meurt le lendemain et que Villon est obligé de se planquer pendant un an en province pour éviter la justice.

A titre de comparaison, Kaaris est vivant, lui.

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Sade violait des filles

En avril 1768, Rose Keller parvient à s’évader de la maison du marquis de Sade d’Arcueil. Elle y était enfermée depuis un petit moment, depuis ce jour où Sade l’avait trouvée dans la rue, en pleine mendicité chômagière et lui avait proposé de venir chez lui faire du ménage contre un écu. En fait de ménage, désape toi ou je te flingue. Ensuite, des abus en tous genres et des délires sado-masos, notamment des incisions au canif dans sa peau au sein desquelles Sade verse de la cire chaude.

Une fois évadée, Rose Keller porte plainte et Sade est condamné. Mais ce n’est qu’une des histoires parmi des milliers d’autres.

Quant à Kaaris, il n’a pas été violé, ni brûlé à la cire.

Louise Colet a poignardé un pamphlétaire

En 1840, Louis Colet est déjà pas mal connue dans le Paris littéraire. Elle mène une vie conjugale tout ce qu’il y a de plus normal mais a un amant, ce qui n’est pas bien étonnant non plus. Sauf qu’elle tombe enceinte et accouche d’une petite fille et que ni son mari, ni son amant ne veulent en assumer la paternité. C’est alors qu’un journaliste et pamphlétaire, Alphonse Karr, révèle dans un livre sa vie adultérine. Louise Colet voit rouge : elle va voir Karr et lui plante un couteau dans le dos. Karr s’en tire et ne porte pas plainte.

Quant à Kaaris, il a évité le couteau grâce aux contrôles de l’aéroport.

Verlaine a tiré au pistolet sur Rimbaud

Et avec préméditation. En 1873, Verlaine est en train de divorcer de sa femme et autant vous dire qu’elle n’est pas ravie ravie que son mari couche avec un mec. C’est le bordel, il est à Bruxelles, il est seul car Rimbaud est à Londres et il ne sait pas quoi faire. Il essaie de rompre avec Arthur, mais Arthur lui dit de revenir, gnagnagna. Du coup, Verlaine demande à Rimbaud de le rejoindre à Bruxelles. Sauf que Rimbaud exprime son désir de s’éloigner à Paris. Là, Verlaine sort un flingue qu’il a acheté le matin même et tire sur son mec de deux balles, dont une qui l’atteint.

Conclusion : si ça se trouve, Booba et Kaaris, c’est une histoire d’amour.

William Burroughs a tout simplement flingué sa femme

En septembre 1951, Burroughs est à Mexico avec sa femme. Il se débranle la tronche comme à peu près tous les jours que le bon dieu fait et décide (c’est vraiment malin), de jouer à Guillaume Tell. Il demande à sa femme de poser une pomme sur sa tête, se saisit d’une carabine et, bien bourré, rate la pomme. Balle en pleine tronche pour la pauvre femme. Inculpé pour homicide involontaire, Burroughs séjourne en prison.

Heureusement que ni Booba, ni Kaaris n’avaient picolé.

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Céline, punk à chiens

On va pas revenir sur toute la carrière de Céline, mais dans le genre violence infinie, on a pas fait mieux. Agent de sécurité des Allemands pendant l’occupation, il a pas fait semblant d’être antisémite. Pas semblant du tout. Voilà un extrait de lettre qu’il a échangée pendant la guerre avec des potes à lui : « Je veux les égorger les Juifs. (…) Lorsque Hitler a décidé de « purifier » Moabit à Berlin (leur quartier de la Villette), il fit surgir à l’improviste dans les réunions habituelles, dans les bistrots, des équipes de mitrailleuses et par salves, indistinctement, tuer tous les occupants ! (…) Voilà la bonne méthode. »

Putain, heureusement que Kaaris a pas dit à Booba qu’il était juif.

Louis Althusser a tout simplement flingué sa femme

De plus en plus fou, Althusser étrangle Hélène Rytmann, sa femme, en 1980 dans les locaux de l’ENS. Déclaré fou au moment des faits, il évite la case prison, mais écrit ensuite un bouquin dans lequel il revient sur les circonstances de son geste et invoque l’impossibilité d’accepter une rupture comme motif du meurtre. Pas très fou, donc.

Bref, si ça se trouve, Kaaris a juste voulu quitter Booba.

José Giovanni

Avant de devenir cinéaste (Deux hommes dans la ville, Dernier domicile connu), Giovanni était scénariste (Les Aventuriers, Le Trou). Et avant d’être scénariste, il était écrivain (Le Trou, oui, notamment). Et à ce moment-là, il était en prison. Et il n’était pas en prison pour rien. Proche de la Gestapo française, vrai salaud et petit truand, Giovanni avait participé à l’assassinat des frères Peugeot et à d’autres actes de torture abjects en 44/45. Arrêté et condamné à mort à la libération, il est finalement gracié, devient militant anti-peine de mort et publie des bouquins avec l’aide de Nimier et Camus. Puis il finit par sortir de prison dans les années 50, change de nom (passe de Damiani à Giovanni) et fait la carrière que l’on sait.

Heureusement que Booba n’avait pas besoin d’extorquer à Kaaris la combinaison de son coffre-fort.

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Hans Fallada a tué un pote et tapé sur sa femme

En 1911, alors qu’il est encore au lycée, Fallada fait un pacte de suicide commun avec un pote, mais il est seul à le tuer. Et on l’envoie en hôpital psychiatrique. Alcoolo, morphinomane, il se marie plus tard avec Anna Issel mais ne cesse de lui taper dessus, et jusque pendant la procédure de divorce, qui a lieu en 1944. Tout en continuant à jouir de la meilleure réputation d’écrivain qui soit.

Peut-être qu’en fait Kaaris et Booba avaient passé un pacte.

Un écrivain de roman policier chinois a été arrêté pour un quadruple meurtre

En 1995, quatre personnes sont tabassées à mort près de Shanghaï, dont un mineur de 13 ans, suite à un cambriolage avec effraction. Et la police piétine et ne trouve rien. Pendant ce temps, l’un des deux auteurs des faits, Liu Yongbiao, continue à publier des bouquins qui décrivent des meurtres affreux et voit même les droits de son tout premier bouquin achetés pour être adaptés à la télé. Arrêté 22 ans après les faits grâce aux progrès de l’ADN, il a tout avoué.

Ouf ! Booba ne s’est pas introduit chez Kaaris pour le voler.

Relativisons un peu.