Durant de très très très longues années, il était tout à fait normal, partout en Europe, de juger les animaux coupables d’un méfait (vol, blessure ou meurtre) comme des hommes. Les animaux étaient placés en prison, bénéficiaient de l’assistance d’un avocat qui plaidait leur cause, se voyaient notifiés de leur sentence et finissaient souvent pendus. Si la pratique s’est pour ainsi dire arrêté au XVIII° siècle, elle a toutefois perduré dans certains coins du monde épisodiquement, y compris aujourd’hui. Et c’est à la fois très drôle, super triste, et complètement édifiant.
Procès religieux
Putain de sangsues
En 1451, l’évêque de Lausanne se saisit d’une affaire brûlante : les sangsues du coin attaquent les poissons et détruisent la pêche… Ni une ni deux, il prend la décision devant témoins et excommunie les sangsues en question. Lesquelles ont probablement dû l’avoir mauvaise d’être ainsi condamnée à errer éternellement dans l’enfer des sangsues.
Salopes de chenilles
Cette fois-ci, c’est en 1585 que cette triste affaire se passe. Le grand vicaire de Valence n’a d’autre choix que de prononcer envers les chenilles qui ravagent les récoltes une sanction exemplaire. Il les convoque et leur donne un avocat pour se défendre mais, malgré ses belles envolées, celui-ci ne parvient pas à infléchir la décision du vicaire : ce sera l’exil. Les chenilles sont condamnées à quitter le diocèse. On ne doute pas qu’elles l’auront fait.
Les processions contre les limaces
En 1483, le cardinal-évêque d’Autun est emmerdé par une invasion de limaces sur les terrains qu’il administre. Après avoir mûrement réfléchi, il ordonne trois jours de procession au cours desquelles la population, emmenée par son évêque, ordonne aux limaces de décamper sous peine d’être maudites et donc propres à être exterminées. A défaut de réponse positive des limaces, celles-ci ont vécu un moment difficile.
Procès civils
Procès et appel au village de Moisy
En 1313, un drame se produit à Moisy : un taureau indompté s’échappe et rencontre un homme qu’im perce de ses cornes. Dès lors, le comte de Valois se saisit de l’affaire : il ordonne que l’on appréhende le taureau et convoque son procès après une enquête réalisée par ses officiers. Ceux-ci prennent les dépositions des témoins et le procès a lieu. Le verdict est sans appel : le taureau est condamné à la pendaison et la sentence est immédiatement exécutée.
Sauf que sauf que… Bah le comte de Valois et ses officiers n’étaient pas vraiment compétents pour rendre un tel jugement. Du coup, il y a eu appel de la décision l’année suivante au parlement de la Chandeleur par le procureur de la ville de Moisy. Après examen, le tribunal, compétent cette fois-ci, reconnut la justesse de la sentence, mais il fut clairement signifié au comte de Valois qu’il n’avait pas autorité pour conduire un tel jugement. Dans les dents.
Oeil pour oeil dent pour dent
En 1386, le juge de Falaise, en France, a condamné une truie qui avait mortellement mordu un enfant à la jambe et au visage à une condamnation similaire : il s’agissait de lui infliger les mêmes blessures avant de la pendre. Mais pour pousser le mimétisme plus loin, il a été décidé qu’avant la sentence, la truie devrait être humanisée, c’est-à-dire vêtue d’une veste, de chaussures et de gants blancs. Les mecs étaient tarés.
Le perroquet mal éduqué
Coupable de posséder un perroquet qui avait le culot de hurler « Vive le roi » plus souvent qu’à son tour, une famille entière de Béthune a été jugée en 1794 et guillotinée par un tribunal révolutionnaire. Et le perroquet ? Et bah il a été aussi condamné, mais à un genre de rééducation avant l’heure : confié à une citoyenne, il lui revenait d’apprendre à crier « Vive la Nation » ou « Vive la République » sous peine d’être tué à son tour.
Encore des chenilles
Face encore à un problème de chenilles, un juge d’Auvergne a, en 1690, décidé de placer les bestioles sous curatelle. Le curateur désigné a donc plaidé en séance la cause de ses protégées et, après examen contradictoire, il a été décidé que les chenilles seraient graciées mais qu’elle devraient déménager dans un petit terrain octroyé par la mairie pour y terminer leur vie.
Le singe de Hartlepool
Il s’agit là d’une légende qui pourrait bien être vraie. En pleine époque napoléonienne, lorsque la haine entre Anglais et Français était à son paroxysme, un singe vêtu d’un uniforme français échoue en Angleterre sur les côtes de Hartlepool. Il s’agit en réalité de la mascotte d’un équipage français décimé par un naufrage au large de ces mêmes côtes. Sauf que lorsque les habitants tombent sur le singe, ils le prennent… pour un Français. Personne n’a jamais vu de Français, après tout, et le singe, puisqu’il ne parle pas, doit donc probablement être étranger. On organise un tribunal à la va-vite et on condamne le singe à mort. Il est pendu en haut d’un mât.
On a retrouvé en 2005 un os de singe sur une plage environnante.
Plus récemment (voire de nos jours)
L'éléphant pendu
En 1916, l’éléphante Mary, membre éminent d’un cirque itinérant, a le malheur de tuer son dresseur dans le Tennessee pendant une représentation. Devant les injonctions des maires des comtés avoisinants qui menacent de ne pas autoriser le cirque à s’installer chez eux si Mary participe au spectacle, le directeur du cirque comprend qu’il doit condamner l’éléphant à mort et exécuter la sentence en public. 2500 personnes viennent assister à cette scène ubuesque au cours de laquelle Mary est chargée sur un wagon à bestiau avant d’être pendue à l’aide d’une grue.
L'âne pas sympa
En 2003, dans un petit village d’Anatolie, en Turquie, le maire fait face à la grogne de ses habitants : il n’a rien fait pour empêcher les élans agressifs d’un âne du bled. Que faire ? Il réunit le conseil des anciens et la sentence tombe : on condamne l’âne à mort. Bye-bye donkey.
L'ours qui piquait du miel
Le tribunal macédonien de Bitula a condamné en 2008 un ours qui avait volé du miel à un apiculteur à verser au plaignant une somme de 2.300 euros, somme qui devra être prodiguée par l’Etat lui-même et son organisme protecteur des espèces en l’absence de solvabilité de l’ours. L’ours n’ayant pas été convié au procès, on ignore quelle a été sa réaction.