L’Histoire est un récit que l’on se fait. Un récit, on peut y mettre ce que l’on veut ; regardez, moi je me raconte bien que je suis écrivain et cool alors que je suis rédacteur et que j’ai du bide. Le tout, c’est d’adhérer au récit, ou plutôt de s’assurer que tout le monde y adhère. Avec l’Histoire, on a bien réussi notre coup, via l’unification des programmes et des discours. Rétablissons la vérité : je suis rédacteur et j’ai du bide.
Sinon, ce ne sont que des conneries, hein, pas des thèses complotistes.
1870-1918 : deux guerres pour rendre l'Alsace et la Lorraine à l'Allemagne
Tout commence en 1870, quand Napoléon III veut absolument refiler l’Alsace et la Lorraine aux Prussiens. Bismarck refuse catégoriquement de récupérer les deux régions, et c’est la guerre. Contrairement à ce que l’on raconte, ce sont les Français qui la gagnent, et voilà les Prussiens obligés de compter avec la choucroute, les tartes flambées et les quiches. Ils n’en peuvent plus. Résultat, en 1914, les mecs craquent et sautent sur la première occasion pour essayer de nous les refiler par la guerre. Ils réussissent leur coup. Ensuite, en 1939, y’a d’autres enjeux, mais la coalition internationale nous trahit et nous impose de conserver l’Alsace et la Lorraine, et depuis on a fait le couple franco-allemand pour créer une garde partagée. Comme on n’est pas fier fier d’avoir dû accepter, depuis, on a réécrit l’Histoire.
La mort de Jeanne est accidentelle
L’Histoire raconte que Jeanne d’Arc a été capturée et brûlée vive par les Anglais à Rouen en 1431. En réalité, les faits ne se sont pas exactement déroulés comme ça. A la fin de la Guerre de Cent ans, les enjeux territoriaux entre la France et l’Angleterre avaient laissé place à une bataille technologique. A l’heure où les armes à feu prenaient une part grandissante de part et d’autre des belligérants, le conflit se déplaça sur le terrain des communications ; il était de toute première instance de pouvoir organiser celles-ci avec plus de fluidité. C’est dans ce contexte que Jeanne d’Arc s’avéra d’une importance stratégique capitale : sa capacité à capter les messages ennemis par la seule force de sa pensée était un atout de choix pour les Français. Problème : la portée de son don n’excédait pas quelques kilomètres. Les Anglais, après l’avoir capturée, cherchèrent à améliorer cette portée et jetèrent les bases des travaux qui, à terme, devaient conduire à l’invention de l’électricité et du téléphone. C’est en raccordant Jeanne d’Arc au réseau expérimental qu’ils avaient développé que les Anglais la brûlèrent, en raison d’un problème de surtension. Rien de personnel.
La mort de Louis XVI, un malentendu regrettable
Tenu de faire des compromis après la Révolution, le roi de France devenu roi des Français avait à cœur d’apparaître sous son meilleur jour devant le peuple, son peuple. Or, on savait Louis XVI féru de serrurerie, mais on ne sait que trop peu qu’il aimait également fabriquer lui-même ses outils de jardinage. Avant une allocution capitale, pour la peine, Louis XVI demanda à ses pairs de lui couper les cheveux avec un sécateur de sa confection. Par un regrettable accident d’écrou mal vissé, le sécateur, fraîchement aiguisé, se décrocha, tranchant ainsi le cou du monarque. La nouvelle se répandit aussitôt dans les milieux autorisés, et il fut décidé de revendiquer la mort du roi pour ne pas ternir sa réputation de bricolo.
La découverte de l'Amérique, un coup de com'
D’après plusieurs témoignages étouffés par la suite, la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb serait en réalité le premier coup de communication de l’Histoire. Isabelle de Castille, désireuse d’asseoir sa domination sur la péninsule ibérique, aurait en effet imaginé ladite expédition pour faire parler les petits enfants et affirmer son avance sur les autres puissances européennes. Christophe Colomb, un acteur local habitué aux seconds rôles, aurait accepté de prêter ses traits à la supercherie faute d’avoir autre chose à faire. La disparition, pendant l’expédition supposée, du fameux dramaturge et metteur en scène de théâtre Estanislas Cubrico a, dès le XVI° siècle, alimenté tous les fantasmes : celui-ci aurait en réalité organisé toute l’opération en échange d’une résidence à vie au théâtre royal. Les récits fantastiques sur les tribus indiennes découvertes par les matelots seraient donc le fruit de son imagination débordante, l’ayant entre autres conduit à écrire la fameuse pièce, 1501, l’Odyssée de l’Atlantique, dont la postérité n’est plus à démontrer.
Le vase de Soissons, une simple affaire de maladresse
Grégoire de Tours relate ainsi l’affaire : victorieux à Soissons, en 486, Clovis rassemble son armée autour du butin. Il a promis à l’évêque de Reims de lui rendre un vase emporté par ses soldats lors d’un pillage. Au moment de réclamer sa part, il demande à son armée de lui céder le vase en plus de ce qui lui est dû. Or, un soldat s’y oppose et décide de frapper le vase de son arme. Clovis fait le dos rond et, un an plus tard, recroise le même soldat, dégingandé. Il jette alors ses affaires à terre et, tandis que le soldat se baisse pour les ramasser, le frappe d’un coup d’épée sur le crâne en représailles de son geste à Soissons.
Bon. La réalité est un peu différente. A Soissons, le soldat en question avait fait un faux mouvement suite à la blague d’un camarade (« Attention, derrière toi ! ») l’ayant conduit à se retourner brusquement. Ce geste ayant causé des dégâts au vase, le soldat avait reçu un blâme disciplinaire assorti d’une injonction à surveiller sa maladresse. C’est lui-même qui, l’année suivante, devait s’ourdir par l’épée de son roi tandis que, marchant dans un camp militaire, il ne regardait pas devant lui.
La naissance de Jésus, une date choisie parce qu'il en fallait bien une
Il est connu dans toutes les bonnes administrations que la base d’une organisation fonctionnelle est son automaticité. Autour de l’an zéro, des fonctionnaires zélés et des théoriciens du classement planchaient sur une manière de mieux respecter les délais dans l’établissement des documents administratifs visant à donner aux citoyens conquis la nationalité romaine. Problème : on ne savait pas comment établir la norme en matière de délais, puisque les dates n’existaient pas.
Dès lors, pris d’une idée de génie, un théoricien plus futé que les autres décida que, pour créer le calendrier, il suffisait d’en arrêter la date initiale. Cette idée lui vint tandis qu’affecté à l’Etat civil du bureau nazaréen de l’administration centrale, il écoutait distraitement les histoires abracadabrantes d’un charpentier bavard venu déclarer une naissance. Il décida dès lors de fixer ce jour-là le début du grand décompte et le charpentier, pas avare à exagérer les choses, en tira la conclusion que son fils (enfin pas tout à fait son fils, mais c’est compliqué) était quelqu’un de très spécial. Personne n’osa vraiment lui signaler son erreur, de peur de le blesser.
La chute du mur de Berlin, une histoire d'entreprise pas fiable
« Le maçon passera aujourd’hui entre 8h30 et 19h » disait le message émanant des services généraux et reçu par les autorités est-allemandes le 9 novembre 1989. Il s’agissait d’une petite opération de rien du tout : réparer un ensemble de 6 briques porteuses dont la solidité n’était plus celle d’antan. Pour s’occuper en attendant le passage du maçon, les sentinelles jouèrent à des jeux : 8 heures, le facteur n’est pas passé, 9 heures le facteur n’est pas passé… Et ainsi de suite jusqu’à 19 heures. Pas de maçon. Ensuite, que faire ? On ne pouvait pas raisonnablement laisser la relève prendre son service au risque de la voir colporter la rumeur selon laquelle les sentinelles de jour se seraient absentées alors que l’entreprise de maçonnerie devait passer… On annula la relève. Mais après une telle attente, ce qui devait arriver arriva. Les sentinelles s’endormirent, et la suite est connue.
Marignan, 1515
Les commères s’ennuyaient ferme, en 1515. Un chat écrasé du côté de Draguignan, une grand-mère sarthoise retrouvée gelée aux Saints de glace, quelques reportages sur une coopérative de grain du côté de la Navarre… Une année bien triste pour le sensationnalisme. Au sortir de l’été, désireux d’avoir des choses à se dire, les pipelets et pipelettes de tous bords répandirent une rumeur : il s’était passé quelque chose à Marignan. Un événement superbe, sublime, à même de rester dans l’Histoire et de sauver l’année. Que s’était-il passé exactement ? Les versions différaient, rien ne semblait très clair ; pourtant, partout en France, chacun gonflé de fierté se mit à répéter : Marignan. 1515.
Ah quelle histoire, l’Histoire.