A chaque naissance c’est la même chose. Juste après avoir été extrait in extemis de l’utérus de môman, bébé va se voir attribuer un prénom et ne pourra rien y redire. Pour le lui attribuer, les parents puisent dans leurs propres cultures, comparent les sonorités, les historiques et les gens du même blase qu’ils ont croisé en quatrième. A l’heure du choix, il faut se rendre à l’évidence : on tend à faire comme tout le monde.
Années 40, Marie et Jean
Chez les filles : Marie. Personne ne sait si elle se couchait là.
Chez les garçons : Jean. Personne ne sait s’il était gros comme devant.
Globalement, les années 40, c’était la France comme on l’imagine depuis l’an 1000 : un truc peuplé de gens qui s’appelaient Jean et Marie. Et peut-être même de Jean-Marie.
Années 50, Jean et Marie
Chez les filles : Marie encore. On ne s’embarrassait pas à essayer de se différencier. On appelait sa fille comme sa grande sœur et sa voisine.
Chez les garçons : Jean itou. A l’époque, les gens disaient « itou ».
Les années 50, en fait, ça ressemblait vachement aux années 40, les Allemands en moins.
Années 60, Nathalie et Philippe
Chez les filles : Nathalie. On assiste à une progression de Brigitte à Sylvie, qui tient la corde, jusqu’à ce que Nathalie s’impose un peu partout en France. On ne sait pas si TOUTES les Nathalie sont devenues guides de Moscou.
Chez les garçons : Philippe. Un temps concurrencé par Thierry, il est ensuite complètement renversé par la tornade Christophe. Mais il tient bon jusqu’en 68.
C’est marrant comme on a du mal à associer le mot « yéyé » aux prénoms Philippe, Thierry, Sylvie et Nathalie.
Années 70, Céline et Sébastien
Chez les filles : Sandrine laisse la place à Stéphanie qui s’efface devant Céline, surtout dans les campagnes. Après tout, Céline de nos campagnes.
Chez les garçons : Sébastien. Christophe s’impose au début des années 70, laisse une place discrète à Stéphane en milieu de décennie, mais une déferlante Sébastien vient foutre le dawah. Il est comme ça, Sébastien, il met les pieds dans le plats.
Hâte de voir Céline et Sébastien à leur première surboum en survet’ pattes d’eph’.
Années 80, Aurélie et Nicolas
Chez les filles : Aurélie écrase tout sur son passage, jusqu’à l’irruption de concurrentes sérieuses, Julie puis Elodie.
Chez les garçons : Nicolas et Julien ne laissent que des miettes aux autres prénoms. Nul doute qu’ils essaieront de monter un groupe garage ensemble en 1995.
Des gosses fabriqués en regardant des pubs de Jean-Paul Goude, ça peut que s’appeler Aurélie et Nicolas, hein.
Années 90, Laura et Kévin
Chez les filles : Laura, Manon, puis Léa se partagent la décennie 90. Laura comme dans la chanson de Johnny, Manon comme dans la chanson de Gainsbourg et Léa comme dans la chanson de Louise Attaque, qui sort en 98.
Chez les garçons : Kevin et Thomas n’ont pas de concurrents sérieux. La faute à Beverly Hills et aux apôtres. Thomas est taquin, je suis bien placé pour le savoir.
100% des Kévin et des Thomas ont joué aux pogs.
Années 2000, Léa et Enzo
Chez les filles : Léa et Emma dominent le monde. Et nous narguent en disant « chè ! ».
Chez les garçons : On bouffe des Barilla à longueur de journée, puis on fabrique des Lucas et des Enzo. On n’est plus chez nous.
Aucun bug à signaler.
Années 2010, Emma et Lucas
Chez les filles : Emma conserve la corde. Vous verriez notre rédactrice en chef, vous vous rendriez compte qu’elle n’a pas l’intention de la rendre.
Chez les garçons : Nathan, Louis et Lucas jouent à qui perd gagne. Grande instabilité à la tête du classement des prénoms masculins.
Récemment, un Jasmin est né. Pas sûr qu’il truste le haut du classement.
Il faudrait faire la même chose avec les noms de famille, mais ça marcherait moins bien. Et dans le monde, c’est quoi les prénoms les plus donnés ?
Pour des stats récentes, vous savez comment faire.
Source : Le Monde.