Comment ça les scientifiques sont austères ? Comment ça, leur veste à coudière sent le renfermé ? Comment ça, ils font des blagues d’initiés avec des ismes un peu partout ? Comment ça on ne sait pas rigoler quand on porte une blouse ? On va vous prouver le contraire.
Le chat scientifique
Jack H. Hetherington, un physicien et mathématicien du Michigan, souhaitait publier ses recherches ayant trait à la physique des basses températures dans une revue spécialisée. Le truc, c’est qu’il avait l’habitude d’utiliser le nous de politesse dans ses écrits, une forme narrative que rejetait la revue en question lorsque les publications en question ne présentaient qu’un seul signataire.
Dès lors, Hetherington avait deux solutions. Tout réécrire, ou se trouver un cosignataire. Et là, il eut ce qu’on appelle LA FLEMME. Il regarde à gauche, il regarde à droite, et il voit son chat siamois, qui s’appelle Chester et dont le père s’appelle Willard. F.D.C. Willard est né. F et D correspondent à Felis domesticus, le nom scientifique du chat. Hetherington et son chat publient « Two-, Three-, and Four-Atom Exchange Effects in bcc He », dans la revue Physical Review Letters en 1975.
Les rhinogrades
Gerolf Steiner, un naturaliste allemand, s’amuse en 1961 à créer une famille entière d’animaux fictifs. Il prend le pseudonyme de Harald Stümpke et publie Anatomie et biologie des Rhinogrades, un livre très rigoureux à propos d’un animal complètement inventé qui vivrait supposément dans le Pacifique oriental. Il invente même une taxonomie fictive extrêmement détaillée de l’espèce. La découverte de l’espèce serait à mettre au crédit d’Einar Pettersson-Skämtkvist, un suédois évadé d’un camp de prisonniers japonais. Steiner invente à son sujet une histoire à dormir debout. Parmi les rhinogrades, on distingue le reniflard chuintant, un animal de la taille d’un rat, au nez très long et très prolixe ne morve, et dont la queue porte un aiguillon. Absurde.
La machine à faire pleuvoir
Juan Pedro Baigorri Velar, un ingénieur argentin né à la fin du XIX° siècle, avait prétendument inventé une machine à faire pleuvoir par erreur. Il s’était rendu compte du phénomène fortuitement en 1926, en travaillant sur une machine de son invention et en constatant qu’à chaque fois qu’il la connectait, la pluie se mettait à tomber. Il s’agissait d’une boîte alimentée par une pile électrique et d’une combinaison de métaux radioactifs, le tout surmonté de deux antennes.
Cherchant à faire connaître sa machine auprès de l’agence centrale de chemins de fer argentine, Baigorri Velar fit la démonstration de l’efficacité de son invention dans une province où la sécheresse sévissait. Une légère averse tomba 12 heures plus tard. Il réitéra l’opération et réussit à obtenir 60 millimètres de pluie dans la même province asséchée. Dès lors, les interviews, la gloire, la classe.
Les démonstrations suivantes fonctionnèrent également. Mais l’entêtement de l’ingénieur à ne pas révéler le fonctionnement de la machine et son refus de la commercialiser alimentèrent les critiques. On ignore si Baigorri Velar ne se contentait pas simplement de regarder la météo pour choisir ses dates d’essai.
La psychotropine
Paru tous les 10 ans le 1er avril dans la revue Prescrire entre 1983 et 2003, les articles ayant trait à la psychotropine ont fait les belles heures de l’humour scientifique. L’idée est de tester une substance miraculeuse, la psychotropine, principe actif du Panaceum, le tout étant issu du haut Tibet. La vertu de la substance est de combattre l’insomnie. Voici comment la substance est décrite : elle « traite des affections psychologiques et psychiatriques résistant aux thérapeutiques usuelles (…) en une prise unique. (…) Les prescripteurs n’ont pas à faire de diagnostic précis. (…) Dès que nous soupçonnons un trouble, majeur ou mineur, peu importe ce que cela recouvre, la prescription est la même« .
Le problème, c’est que certains médecins se firent avoir et commencèrent à prescrire le produit. L’Ordre national des pharmaciens finit par gueuler un coup.
Le Great moon Hoax
Il s’agit là d’une série de six articles publiés en août 1835 dans The New York Sun, relayant la découverte d’extraterrestres sur la Lune. Cette découverte est attribuée à John Herschel, le plus grand astronome de l’époque. Evidemment, les gens se firent avoir. Le coup monté par le journal fit d’abord marrer Herschel, avant qu’il n’exprime son agacement devant les dizaines de questions auxquels des crédules lui demandaient de répondre à chaque nouvelle conférence.
Michel Chasles et les lois de l'attraction
Scientifique reconnu du XIX° siècle, Michel Chasles se fit avoir comme une merde par un faussaire en 1867. Cette année-là, il présenta une série de lettres attribuées à Pascal établissant que le philosophe avait déjà décrit les lois de l’attraction universelle, bien avant Newton. Il s’agissait en réalité de faux réalisés par le faussaire Denis Vrain-Lucas. Malgré les contestations, l’aura de Chasles suffit à faire passer la pilule auprès d’une partie de la communauté scientifique. Ensuite, de nouvelles lettres apparurent : Galilée écrivant à Pascal, Alexandre le Grand à Aristote, Jules César à Vercingétorix, César à Cléopâtre… En ancien français. On comprit alors que le pauvre Michel déconnait à plein tubes. Chasles attaqua le faussaire et perdit, ridiculisé au Tribunal par Vrain-Lucas qui pointa sa crédulité du doigt.
L'homme de Piltdown
Le paléontologue amateur Charles Dawson découvre près de Pildown en 1899 des fossiles qui attirent son attention : un morceau de crâne humain et un bout de mâchoire ressemblant à celui d’un orang-outan. Avec la complicité d’Arthur Smith Woodward, président de la société britannique de paléontologie, il présente ses travaux au monde scientifique. L’homme de Piltdown est alors unaniment considéré comme le chaînon manquant entre le singe et l’homme que tout le monde recherche. La communauté scientifique ne découvrira le canular que dans les années 1950.
On ignore si le canular était volontaire de la part de Dawson, ou si celui-ci a été mystifié.
Conan Doyle, l’auteur de Sherlock Holmes, ami de Dawson et résident du coin, est ainsi soupçonné d’avoir trompé son ami pour se marrer. Il était coutumier des blagues.
Le monoxyde de dihydrogène
Eric Lechner, Lars Norpchen et Matthew Kaufma décident de lancer un projet consistant à modifier le nom de l’eau par monoxyde de dihydrogène et d’évoquer la substance en des termes alarmants, alambiqués et scientifiques pour se moquer du scientifisme jargonnant et souligner comment les masses peuvent être manipulées facilement. Dès lors, ils se mettent à décrire les propriétés terribles du monoxyde de dihydrogène de la manière suivante : sa forme solide peut provoquer de graves troubles, voire des accidents irrémédiables, par exemple pour le transport maritime ; il provoque la corrosion et la destruction des métaux et des appareils électriques, etc.
Alan Sokal a trollé l'académie avec un papier plein de vide
Saoulé du jargon universitaire cloisonné et de la complexité imbitable des philosophes postmodernes, Alan Sokal, un professeur de physique à l’université de New-York, soumet à la revue Social Text un article, intitulé « Transgresser les frontières : vers une herméneutique transformative de la gravitation quantique », ce qui ne veut rien dire. La revue accepte l’article sans la soumettre aux pairs et sans analyse critique. Sokal dévoile aussitôt la supercherie et en profite pour critiquer la rigueur de la revue. Le papier est truffé d’erreurs, de plaisanteries, de conneries en tous genres. L’affaire fait grand bruit dans les milieux scientifiques et la démarche de Sokal est critiquée en ce qu’elle est aussi l’illustration d’un refus idéologique du relativisme par les tenants des sciences dures.
Claude Émile Jean-Baptiste Litre
En fait, Claude Emile Jean-Baptiste Litre pourrait s’appeler Claude Emile Jean-Baptiste Metre ou Claude Emile Jean-Baptiste Kilo. C’est un personnage inventé par le chercheur Kenneth Woolner pour justifier l’utilisation d’un L majuscule et non d’un l minuscule pour symboliser l’unité du litre, ce que réfutait la règle du système métrique international. Pour Woolner, le problème était visuel, le l et le 1 se ressemblant trop pour être bien distingués. Ainsi naît Claude Litre, fils d’un fabricant de bouteilles de vin, aurait proposé une unité de mesure du volume prise en compte par le système international. Bref, n’importe quoi. Mais le système international prit le point et autorisa l’usage du L majuscule.