Avec les Paradise Papers, la presse a mis en lumière le fonctionnement des paradis fiscaux, ces lieux où se rendent personnes et entreprises qui souhaitent bénéficier d’une certaine discrétion pour optimiser leur fortune en crachant le moins de fric possible auprès de la collectivité.

Avec la mort, on a mis en lumière le fonctionnement du paradis, ce lieu où se rendent des personnes mortes.

Mais quelle différence existe-t-il entre ces deux entités si proches, sémantiquement ? Enquête et décryptage.

Les accès

Le paradis : Les accès au paradis sont relativement simples et bien indiqués. Il suffit de continuer tout droit sa vie vertueuse et de prendre la dernière sortie direction la mort. Ensuite, des panneaux indicateurs vous guident naturellement.

Le paradis fiscal : Les accès au paradis fiscal sont relativement simples et bien indiqués. Il suffit de continuer tout droit sa vie de grand méchant plein de thunes et de prendre la première sortie direction la fraude. Ensuite, une escortes de berlines noires vous mènent jusqu’à destination.

L'accueil

Le paradis : Une fois arrivé en paradis, il faut passer un contrôle de routine auprès de Saint-Pierre (dit Pierrot). On décline son identité, on répond à quelques questions et, sauf cas exceptionnel, la grille s’ouvre.

Le paradis fiscal : Une fois arrivé au paradis fiscal, il faut passer un contrôle de routine auprès d’un consortium d’avocats véreux et de banquiers malhonnêtes. On décline ses relevés bancaires, on ne décline PAS son identité, on répond à quelques questions et, sauf cas exceptionnel, la grille s’ouvre.

Le décor

Le paradis : Paysage de nuages seulement garni de quelques monts façon Olympe. On appréciera notamment les quelques oliviers qui parsèment l’endroit et la beauté du décor céleste.

Le paradis fiscal : Paysage d’immeubles seulement garni de quelques coffres-forts. On appréciera notamment les quelques républiques bananières qui parsèment l’endroit et la beauté du décor bétonné.

La météo

Le paradis : Le paradis est entièrement climatisé par des voies naturelles. Il y fait doux en permanence. Prévoir un pull pour le soir.

Le paradis fiscal : Selon le paradis fiscal vers lequel l’on se dirige, il faudra prévoir des affaires adaptées ; le crachin permanent qui sévit au Luxembourg n’a rien à voir, en effet, avec les chaleurs tropicales qu’il arrive de subir au Panama. Toutefois, le paradis fiscal est entièrement climatisé à grands renforts de rien à branler de l’environnement.

Le secret

Le paradis : Le paradis est un endroit secret. Ses tenants préfèrent généralement que son emplacement ne s’ébruite pas et vous n’aurez pas le droit de prendre des photos. Parler du paradis à des proches est également interdit, de la même manière qu’on ne peut envoyer de courrier depuis les cimes olympiennes. En revanche, on peut s’amuser à faire tourner quelques tables.

Le paradis fiscal : Le paradis fiscal est un endroit secret. Ses tenants préfèrent généralement que ses modalités de fonctionnement ne s’ébruitent pas et vous n’aurez pas le droit de prendre des photos. Parler du paradis fiscal à ses proches est également passible d’emprisonnement dans pas mal de pays du monde, de la même manière qu’il est préférable d’envoyer des cartes postales depuis les zones franches. En revanche, on peut s’amuser à distribuer quelques dessous de tables.

Les activités

Le paradis : Le paradis offre énormément d’activités adaptées à tous les morts : contemplation stoïque du monde, séries dédiées à ses proches encore en vie, belote au God club entre vieux de la vieille, expositions au musée des morts illustres.

Le paradis fiscal : Le paradis fiscal offre énormément d’activités adaptées à tous : ateliers d’invention de noms d’entreprises fictives, cours sur l’optimisation fiscale, dégustations de cigares, expositions au musée de l’évasion fiscales.

Les autres membres du club

Le paradis : Le paradis ne précise pas les profils qu’il accepte en son sein. Il y a fort à parier que tout un chacun soi à même d’entrer au paradis, quel que soit son âge, son profil social ou son origine. Le paradis se définit comme une mini-société à part entière. On appréciera également la compagnie des personnes de belle moralité.

Le paradis fiscal : Intégrer le paradis fiscal nécessite de disposer d’un niveau de revenus suffisant pour souhaiter planquer son fric des impôts. De ce fait, la plupart des membres du club sentent très fort l’aqua velva et portent des cravates aussi chères que moches. On appréciera également la compagnie des personnes morales.

Les règles élémentaires à respecter

Le paradis : Vandaliser le paradis, tirer la barbe de Dieu, blasphémer en public, tirer sur des anges ou organiser un culte à Satan sont des actes hautement répréhensibles qui peuvent coûter à un membre du paradis son droit de séjour. Ceci mis à part, le paradis est une société libre.

Le paradis fiscal : Organiser un montage financier trop grossier pouvant conduire les autorités de son pays d’origine à braquer ses feux sur le paradis fiscal est considéré comme une entrave à la bonne marche de celui-ci ; les conséquences peuvent en être la levée du secret pour des raisons politiques et donc, de fait, l’exclusion du club.

Les temps de séjour

Le paradis : Si tout se passe bien, un séjour au paradis peut durer éternellement, tant que le monde est monde.

Le paradis fiscal : Si tout se passe bien, un séjour au paradis fiscal peut durer éternellement, tant que les commissions sont payées.

L'enfer

Le paradis : En cas d’exclusion du paradis, le malheureux mort est renvoyé un enfer, un endroit où il fait très chaud.

Le paradis fiscal : En cas d’exclusion du paradis fiscal, le malheureux évadé est renvoyé en enfer, un endroit où les gens boivent du vin, mangent du fromage, et paient pas mal d’impôts quand ils sont bourrés de thunes.

On y voit plus clair.