Le principe du coup d’État est vieux comme le monde et on pourrait simplement le résumer dans le fait d’essayer de galvaniser une partie du peuple ou de l’armée pour renverser le régime en place, faire tomber un pouvoir ou un dirigeant à l’aide d’une milice ou ce genre d’objectifs dont le but final reste généralement plus ou moins le même : prendre le pouvoir. L’histoire en est littéralement pavée et aujourd’hui nous allons nous arrêter sur ces exemples qui se sont soldés par un échec en abordant les coups d’états les plus ratés de l’Histoire, ceux qui ont été tués dans l’oeuf et qui, pour certains ont eu des répercussions tragiques.
Le coup d'état contre Haile Selassie, empereur d'Éthiopie
Le dernier « rois des rois », de son vrai nom Tafari Makonnen, qui a également le titre « Ras » (titre seigneurial Éthiopien) est devenu un symbole pour toute la culture Rasta. C’est de son nom que vient l’appellation « Rasta » (Ras Tafari) et il est considéré comme le Messie de cette culture, bien qu’il était lui même chrétien orthodoxe. Selassie souhaitait au cours de son règne amener l’Éthiopie vers une nouvelle ère en modernisant le pays. Après en avoir changé la constitution en 1955, une partie de la population a commencé à le désapprouver, ce qui a mené au coup d’état de 1960. Des militaires (dont le commandant de la garde impériale) s’associeront alors avec d’autres rebelles pour prendre de force la capitale (Addis Abada) alors que Selassie est hors du pays. Bien qu’ils parviennent à prendre la ville et gardent en otage le prince héritier, la population ne les soutient pas et Selassie n’éprouvera aucun mal à la récupérer rapidement en revenant au pays. Ce coup d’état raté se soldera par l’exécution de certains rebelles et le jugement d’une autre.
La tentative de coup d'état contre Saddam Hussein
Près de dix ans avant son exécution en 2006, un coup d’état est organisé pour renverser Saddam Hussein. Une opération d’envergure lancée par le président américain Bill Clinton en 1996 en collaboration avec la CIA, les forces britanniques et un nombre conséquent d’agents Kurdes et Irakiens. Baptisée « Silver Bullet Coup », l’opération coûte près de 100 millions de dollars à mettre en place et montre les premiers signes de fragilité lorsque son dirigeant Iyad Mohammed Alawi commence à déclarer dans les médias qu’il prépare un coup d’état contre Hussein. Parallèlement on découvre que de nombreuses recrues de la CIA sont des agents doubles et que des transmissions satellites ont été piratées, donnant à Hussein une connaissance limpide du plan visant à le renverser. Cela se solde par un échec cuisant qui mène à l’arrestation de plus de 160 militaires et conspirateurs par les forces de Hussein et l’exécution d’un grand nombre d’entres eux.
Le putsch de Moscou
Alors que Gorbachev propose en 1990 des traités donnant leur autonomie presque totale à plusieurs états du bloc soviétique (dont certains réclament leur indépendance totale comme l’Ukraine et la Lituanie), dire que l’idée n’est pas vraiment du goût de tout le monde est un euphémisme. C’est donc certains membres du gouvernement accompagnés de militaires qui vont mettre en place un coup d’état en 1991 en faisant croire que Gorbachev est levé de ses fonctions à cause de problèmes médicaux (il est en fait en vacances en Crimée). Ils tentent alors de faire annuler la signature du traité mais des manifestations importantes éclatent à Moscou et à Leningrad contre les dirigeants du coup d’état jusqu’à son échec final. Le putsch n’aura duré que trois jours, se soldant par de nombreuses arrestations et le suicide de deux des conspirateurs, mais l’escalade tragique de violences qu’il aurait été capable de causer a finalement été évitée.
Le Putsch de la Brasserie
Le 8 novembre 1923, Adolf Hitler, à l’époque dirigeant du parti national-socialiste des travailleurs allemands, réalise le fameux putsch de la brasserie visant à prendre le contrôle des gares, des moyens de communications (téléphones et télégraphes), des commissariats et de nombreux autres bâtiments publics. Dans la ville de Munich c’est près de 4000 hommes qui participent à l’opération opposés à quelques 2600 policiers et militaires dont l’organisation et l’armement supérieurs mèneront à l’échec du putsch. Une fusillade éclate entre la police et les manifestants coûtant la vie à 4 policiers et 16 putschistes (Hitler se serait alors enfui après les premiers coups de feu). Il est arrêté dans une maison de campagne où il se cache deux jours plus tard et est condamné à une peine de prison pendant laquelle il écrit « Mein Kampf ». Ce putsch raté devient l’un des mythes fondateurs du régime Nazi.
Le coup d'état contre Corazon Aquino
En février 1986, Corazon Aquino devient la première femme présidente des Philippines. Elle succède ainsi à Ferdinand Marcos, dictateur dont la famille aura détourné des millions de dollars pour laisser le pays en ruine. Quelques années avant d’arriver au pouvoir, le mari de Corazon Aquino, un homme politique, est d’ailleurs exilé par Marcos après avoir été accusé (avec des preuves probablement fabriquées) d’un meurtre. Lorsqu’il revient au pays en 1983 il est directement assassiné. Au lendemain de cet assassinat, Corazon Aquino revient elle aussi dans le pays et témoigne de son deuil dans les médias tout en apportant son soutien au peuple et en critiquant Marcos. Trois ans plus tard elle devient donc présidente et Marcos est exilé aux États-Unis. Alors qu’elle est d’abord considérée comme le sauveur du pays, Aquino fait passer plusieurs mesures que le peuple n’accepte pas. Elle interdit le divorce et l’avortement, met en place un gouvernement qui ne profite qu’aux familles puissantes et augmente le prix de l’essence de 25%. Ces décisions provoquent le 1er décembre 1989 un coup d’état contre son pouvoir. Un avion rebelle bombarde le palais présidentiel alors que deux stations de radio sont récupérées par les rebelles et que le quartier général des forces aériennes est occupé. C’est seulement grâce à l’armée américaine qui envoie plusieurs avions pour venir en aide à Aquino qu’elle gardera le pouvoir jusqu’en 1992. On comptera sept coups d’états ratés au cours de son mandat.
Le premier coup d'état du Kenya
Daniel Arap Moi devient président du Kenya en 1978 tout en promettant de nombreuses choses à ses habitants dont l’éradication de la corruption et des maux divers qui empêchent les états Africains de s’épanouir pleinement. Gagnant la confiance du peuple après avoir déchu plusieurs personnalités politiques et influentes accusées de corruption, c’est pourtant quelqu’un de solidement accroché au pouvoir qui se dessine peu à peu. C’est en utilisant la police pour assoir son autorité et en rendant illégale l’opposition politique qu’on le découvre peu à peu dictateur, provoquant alors le premier coup d’état du pays depuis son indépendance. Le premier août 1982, plusieurs officiers des forces armées Kenyanes s’emparent de l’aéroport international, de trois bases aériennes et de stations de radio. Ils tentent de pousser le peuple à la rébellion avec des messages radiophoniques révolutionnaires ainsi que des marches contestataires dans les rues de la capitale Nairobi. Mais le peuple restant craintif face au dictateur, peu de monde (à part des étudiants universitaires et quelques citoyens) décident de rejoindre les rebelles. L’échec du coup d’état semble alors inévitable et précipite un terrible retour de manivelle puisque des émeutes éclatent et de nombreux viols, vols de voitures et cas de pillages sont observés. On estime entre 600 et 1800 le nombre de morts au cours des évènements tragiques qui ont suivi l’échec des rebelles.
Le coup d'état contre le président Soekarno
En Indonésie va se passer un évènement majeur dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre 1965 et deviendra ce qu’on appellera le mouvement du 30 septembre. Une tentative de coup d’état à lieu cette nuit là et six généraux du haut état-major de l’armée de terre du pays sont enlevés et exécutés par des soldats. Un général de l’armée encore méconnu du nom de Soeharto (photo) organise la répression et parvient à arrêter les rebelles en 48 heures. Peu de temps après Soeharto prend le pouvoir à la place de l’ancien président Soekarno et dissout le parti communiste indonésien qu’il accuse être l’auteur du putsch. Véritable dictateur, il lance ensuite l’horrible purge sanglante des communistes qu’il étendra par la suite entre autres aux immigrants et aux chrétiens. On estime entre 500 000 et un million le nombre de morts en seulement quelques mois.
L'incident de Kyujo
Cette tentative de coup d’état militaire a pris place au Japon dans la nuit du 14 au 15 août 1945 juste avant la capitulation du Japon pendant la seconde guerre mondiale. Le but de cette opération est d’ailleurs d’empêcher le gouvernement d’accepter la reddition et les conditions des Alliés et est dirigée par plusieurs membres du ministère de la Guerre et des forces impériales japonaises. Menés par le major Kenji Hatanaka, les rebelles tentent d’occuper le palais impérial de Tokyo après avoir tué un lieutenant général de l’armée. Les conspirateurs prennent en otage 18 personnes (dont des employés du ministère) et empêchent temporairement l’enregistrement du discours de capitulation du pays qui doit être diffusé à la radio le lendemain. Pendant plusieurs heures ils recherchent les deux hommes qui doivent enregistrer le fameux message (dont le garde des sceaux) qui sont en réalité cachés dans un coffre fort sous le palais. L’heure avance dans la nuit et un bombardement allié provoque une panne d’électricité qui ne facilite pas leurs recherches. Voyant son échec arriver, Hatanaka demande à pouvoir parler dix minutes à la radio pour expliquer à la population le plan qu’il voulait mettre en place et ses motivations mais on lui refuse. Il prend alors la fuite en moto accompagné de son second, le colonel Jiro Shiizaki lui même à cheval et jettent des tracts dans les rues de la ville sur lesquels sont expliqués leurs motivations et leurs actes. La 15 août, aux alentours de 11h du matin et après une longue nuit d’échecs, Hatanaka se tire une balle dans la tête et Shiizaki se poignarde à mort. On trouvera dans la poche d’Hatanaka un poème : « Je n’ai rien à regretter maintenant que les nuages noirs ont disparu du règne de l’empereur. »
Yukio Mishima et son suicide "organisé"
Hishima est le nom de plume de l’écrivain japonais Kimitake Hiraoka décédé en 1970. Fort d’une culture littéraire solide il écrit plusieurs oeuvres importantes et est pressenti à trois reprises pour le prix Nobel de la littérature au cours de sa vie. Son homosexualité pose problème au Japon (ainsi que dans sa famille) et certains auteurs vont même jusqu’à la nier. Ce sont ses idées politiques fortement nationalistes qui le pousseront à créer la milice privée « Tatenokai » (société du bouclier) dont le but est de protéger l’empereur du Japon. Le 25 novembre 1970, la dernière journée de sa vie, il poste à son éditeur la fin de son dernier ouvrage « L’ange en décomposition » qui achèvera sa tétralogie « La mer et la fertilité » et se rend au ministère des armées avec quatre disciples de sa milice pour prendre en otage le général des forces d’autodéfense et fait convoquer les troupes armées. Après un discours nationaliste sur la préservation du Japon traditionnel et de l’Empereur, la réponse des 800 soldats présents n’est pas celle escomptée (ou finalement peut-être que si) et il part devant les huées. Il se donne la mort par seppuku (hara-kiri) le jour même et c’est l’un des membres de sa milice qui tentera de le décapiter en suivant le rituel. Je dis « tentera », car assez tragiquement il devra s’y reprendre à plusieurs reprises avant qu’un autre disciple ne termine finalement le rituel. Ce suicide fait écho à l’un de ses romans dans lequel il décrit une scène parfaitement similaire pour le destin tragique d’un de ses personnages. C’est d’ailleurs ces similitudes qui feront penser à plusieurs personnes que Mishima avait préparé les évènements de cette journée depuis près d’un an, envoyant le matin même sa dernière œuvre, calculant son coup d’état raté ainsi que le dénouement poétique qui marquera un point final à sa vie. Marguerite Yourcenar qualifiera en 1981 que « la mort de Mishima est une de ses œuvres et la plus soigneusement préparée ».
Des évènements assez complexes à résumer en quelques lignes et j’espère que vous me pardonnerez certaines simplifications. N’hésitez pas à poursuivre dans les commentaires leurs descriptions si vous connaissez le sujet, ce sera avec plaisir que j’irai les lire. Vous pouvez également aller voir les coups d’états les plus stylés de l’histoire et les dictatures qui sont tombées de manière stupide, vous y apprendrez beaucoup de choses intéressantes.