Certains d'entre vous ont un colocataire. Et certains d'entre ceux qui ont un colocataire ont un colocataire pénible. En effet, il n'est pas rare de découvrir après coup que le « coloc idéal » est en fait affligé d'un grave défaut. Genre radin. Le genre de défaut qui donne à terme envie de se défenestrer. Où non, tiens, de le défenestrer lui.
- Son bac attitré dans le frigo est cadenassé
Et tous les jours il recompte ses yaourts et vérifie le niveau de sa bouteille de jus de fruits. Et en cas de doute, il n'hésitera pas à te réveiller de bon matin pour obtenir des explications. Pareil pour toutes les autres pièces de la maison, n'envisage pas de lui emprunter un peu de dentifrice ou de shampoing. Un bouchon mal refermé ou un objet reposé légèrement à la droite de son emplacement originel et tu es grillé. - S'il te croise alors que tu as les cheveux mouillés, il panique
"Attends, tu viens de prendre une douche, là ? Mais c'est la deuxième en trois jours !" Lui, il a un seau qu'il remplit une fois par semaine, et ça convient parfaitement à entretenir une hygiène raisonnable, pour peu que l'on possède une fleur de douche. - Il t'accuse constamment de consommer plus d'huile, de sel et de lessive que lui
T'avais réussi à le convaincre de partager les produits du quotidien, mais ça ne va pas du tout parce qu'il a calculé : tu déjeunes deux jours de plus par semaine à l'appart que lui et il le sait. - Il utilise des perles de sagesse pour te prouver que c'est lui qui est dans le droit chemin
Nous avons déjà vu qu'il peut utiliser sans vergogne des expressions toutes faites comme « Un centime, c'est un centime. » Cette expression, d'une bêtise navrante, peut être utilisée en remplaçant le mot « centime » par à peu près n'importe quoi pour prouver n'importe quoi. Exemples : « Un miracle ! C'est un miracle ! » ou encore : « Un Banana-Split, c'est un Banana-Split. » Inutile, donc, de... Enfin t'as compris. Notons tout de même qu'il en existe d'autres, de l'ordre de « Il n'y a pas de petits profits. » ou « Tu rigoles, mais dix centimes plus dix centimes plus dix centimes, on arrive vite à... » En général cette dernière maxime reste inachevée, tout simplement parce que terminer par « on arrive vite à trente centimes ! » serait parfaitement ridicule. - Il campe devant la chaudière éteinte
Si tu l'allumes pour mettre un peu de chauffage parce que franchement on est en février et que ça pèle, il te fusille du regard, et sort son bras malingre de sous ses vingt épaisseurs de fringues pour la couper illico. Le gaz, c'est cher. Si t'as froid, t'as qu'à t'acheter un poncho. - Oui, parce qu'il est malingre
Manger à sa faim, c'est bon pour les riches. Du coup, toi aussi, tu es à peu près aussi épais qu'un clou depuis que toi et ton coloc vous êtes fait refiler un compte joint par la jolie Julie, conseillère bancaire de son état, qui a juré ses grands dieux que c'est beauuucoup plus pratique pour gérer un budget. Sauf que visiblement, le budget, c'est pas toi qui le gères. - Il se plaint constamment d'être pauvre
Ou que tout est trop cher. Et tout particulièrement quand vous prévoyez une sortie entre potes ou que vous achetez un cadeau commun. Une fois, il t'as fait de la peine et tu lui as généreusement offert une pinte et deux trois clopes, depuis il ne te demande même pas ton avis avant de se servir. Et si t'oses te plaindre, il compare ton salaire d'enfoiré de banquier au néant de sa carrière d'artiste. - Car oui, il peut devenir virulent quand on parle d'argent
Qu'on le plaigne parce qu'il est pauvre, ça va. Mais ose seulement lui dire que franchement, on pourrait pour une fois acheter autre chose que du 100% marque repère, et c'est la débandade : « Mais qu'est-ce que tu crois, que tout le monde a ton pognon ?! Excuse-moi de ne pas être riche comme toi ! Moi, mes parents...» etc. Agrémenté de quelques réflexions bien senties à propos de la lutte des classes et de la fracture sociale, et d'un glacial "tu ne me connais pas" quand tu crois te souvenir que ses parents s'en sortent plutôt bien dans la vie, et qu'il est en bons termes avec eux. - Tu n'as généralement pas encore quitté la pièce qu'il l'a déjà plongée dans l'obscurité
D'ailleurs il éteint absolument tout, tout le temps. Par exemple, la télé ; il ne la coupe pas avec la télécommande comme tout un chacun. Non, lui, il dit que ça la met juste en veille, et que la petite diode rouge qui reste allumée pour te dire « Je suis en veille », et bien elle ne marche pas par l'opération du Saint-Esprit. Elle consomme. Eh oui. De l'électricité. Et l'électricité, ça coûte cher. Donc il appuie systématiquement sur le gros bouton de la télé, pour être sûr que ça ne consomme rien. Et pour être encore plus sûr, il éteint la multiprise. - Il se prend pour un génie
Alors que toi et tes amis l'affublez sans honte, et dès qu'il a le dos tourné, de sobriquets tels que radin, pingre, radasse, pince et j'en passe. Lui préfère fanfaronner en se qualifiant d'«économe. » Carrément. Il se trouve parfois « raisonnable » ou « conscient de la valeur de l'argent. » En bref, il se la pète, ce rapiat. - Il loue ta chambre en Airbnb tous les weekends
Et sait se montrer particulièrement contrarié quand, finalement, tu as prévu de rester. Il fait aussi du covoiturage avec ta voiture et revend tes vieilles affaires. Et il ne voit pas pourquoi il devrait partager les gains avec toi, c'est lui qui a tout fait ! - Il fait peur à tes amis
Il sait les accueillir, ya pas de problème. Mais il sait aussi toquer avec insistance à la porte de ta chambre pour essayer de comprendre pourquoi il manque une pomme dans son panier à fruits, et si c'est toi qui as laissé la lumière allumée dans l'entrée. Oui, il sait pertinemment que le responsable n'est pas toi, mais ton invité, mais tant mieux si ça le met mal à l'aise, il ne recommencera pas. - Il collectionne les catalogues de pub de votre boîte à lettres
Découpe les bons de réduction sur les paquets de céréales et conserve les tickets de caisse gagnants. Et t'embarrasse terriblement à la caisse du Franprix quand il ressort soigneusement le tout, et vérifie trente fois le ticket de caisse. Sous l’œil consterné de l'hôte de caisse, à qui il vient de redemander d'un air soupçonneux si la promotion sur le poisson pané avait bien été prise en compte. Juste pour être sûr. - En soirée, quand il a une bouteille, il écrit son nom dessus
Oui, quand il a une bouteille, hein, parce qu'il faut pas croire que ça arrive à chaque fois. Mais ce n'est pas de sa faute, il est sorti trop tard du travail, et il est passé au Franprix mais c'était fermé, et il lui manquait un euro pour acheter quoi que ce soit chez l'épicier. Comme il ne peut pas se permettre de faire ça trop souvent, il est aussi le spécialiste du recyclage de bouteilles d'anciennes soirées (on va pas gâcher) et de "J'ai acheté de la Passoa j'espère que vous aimez tous ça, ah non ? Quel dommage." - Il t'invente des dettes
Tu peux être sûre que si tu as été saoule en sa présence, tu n'y couperas pas. Il aura fait un compte détaillé de tous les verres que tu lui dois et dont tu n'as évidemment aucun souvenir. Il n'hésite pas non plus à augmenter légèrement le coût de ton emprunt (je te jure, c'était bien seize, pas douze) et à te réclamer la même chose plusieurs fois, en jurant ses grands dieux que non, tu ne l'as pas déjà remboursé.
Et vous, votre coloc, il est comment ?