L’heure est grave. Non en fait, pas tant que ça, mais je voulais attirer votre attention sur ce qui va suivre. Hier matin, c’était un moment important puisque c’était le moment où la Convention citoyenne sur la fin de vie remettait les conclusions de ses débats au Président Emmanuel Macron. L’intérêt était de faire évoluer le cadre de la loi pour mieux accompagner les patients qui vont mourir, ou ceux qui veulent mourir. Bref, un vaste sujet, comme à peu près tous les sujets qui concernent la mort, et en plus là c’est tout particulièrement nécessaire puisque nos lois sont très peu flexibles en ce qui concerne l’euthanasie ou le suicide assisté. Du coup, est-ce que ça va changer ? Si oui, comment ? Et puis c’est quoi le suicide assisté, on va en parler à un moment dans cet article bon sang de bonsoir ? Je vais tenter de répondre à ces questions sans trop m’éparpiller.
Déjà, concrètement, c'est quoi la différence entre le suicide assisté et l'euthanasie ?
Ça, c’est tout bête : l’euthanasie est réalisée par un soignant (qui va injecter une solution létale dans l’organisme du patient), alors que lors d’un suicide assisté, on donne au patient les moyens de se suicider, et c’est lui qui réalise le dernier geste (il s’injecte la solution létale ou ingère les médicaments que le médecin lui a donnés).
La différence fondamentale entre ces deux méthodes, c’est que dans le suicide assisté, le soignant n’a pas besoin de « participer » à la mort du patient, ce qui est plus simple d’un point de vue moral. Mais l’euthanasie est forcément plus indiquée lorsque le patient ne peut pas se mouvoir, et, par conséquent, ne peut pas réaliser le dernier geste. Là, il faut un soignant pour l’aider.
Où en est la loi française aujourd'hui sur le suicide assisté et l'euthanasie ?
On va diviser ça en ce qui est légal et ce qui ne l’est pas.
Commençons par ce qui est illégal en France : Eh bien l’euthanasie active (celle dont on a parlé juste au-dessus) et le suicide assisté sont pour le moment illégaux sur notre territoire. Un médecin ne peut pas donner la mort à un patient qui la demande, et il ne peut pas non plus lui prescrire les médicaments qui lui permettraient de se donner la mort. Ce serait considéré comme un homicide.
Voilà ce qui est légal en France : En France, depuis 1999, on peut avoir recours aux soins palliatifs, qui consistent à administrer des soins qui vont soulager la souffrance des patients qui vont mourir à moyen ou à court terme. Depuis 2005, une autre loi autorise le refus de l’obstination déraisonnable (on ne s’acharne pas à maintenir en vie un patient quand c’est inutile et qu’il demande l’arrêt) et elle autorise aussi le droit au refus du patient de prendre des traitements. Elle permet aussi au patient de demander à limiter les soins, ce qui s’apparente à une « euthanasie passive ». Enfin, depuis 2016, les patients peuvent donner des directives anticipées à une personne de confiance qui pourra prendre ces décisions à leur place. Bon, bien entendu, tout ça est très encadré et pas toujours facile à mettre en place, et les médecins ont tout de même leur mot à dire, mais c’est un début. Pas suffisant, mais un début quand même.
C'est quoi, la convention citoyenne de fin de vie ?
Considérant que le cadre de la loi française n’était peut-être pas assez adapté à la question de la fin de vie, le gouvernement a décidé de réunir 184 citoyens tirés au sort pour en débattre. Durant 27 journées de réflexion réparties sur 4 mois, ils ont pu discuter et remettre leurs conclusions au Président de la République le lundi 3 avril. Une bonne initiative, à condition qu’elle soit réellement écoutée par le gouvernement qui l’a impulsée.
Et qu'a conclu la convention citoyenne de fin de vie ?
Déjà, il faut savoir que tous ne sont pas d’accord et qu’il y a eu des votes, mais on peut tout de même dire qu’il y a une écrasante majorité (92%) de citoyens d’accord pour appeler le gouvernement à des « changements profonds », surtout dans les soins palliatifs qui, pour le moment, ne sont pas forcément proposés ou accordés à tous ceux qui en auraient besoin.
Ensuite, 76% sont pour l’Aide Active à Mourir (par euthanasie ou suicide assisté), et 23% sont contre, principalement car ils ont peur que les personnes vulnérables, dépendantes ou présentant des altérations du comportement ne prennent la décision de mourir sans avoir bien conscience de ce qu’elles font.
Enfin, la convention citoyenne a proposé un exemple de procédure qui permettrait d’encadrer les demandes d’Aide Active à Mourir. En gros, le patient devrait faire plusieurs demandes officielles, puis passer une évaluation de discernement (pour qu’on soit sûr qu’il comprenne bien les enjeux), puis refaire une demande avant qu’une commission décide ou non d’accorder l’Aide Active à Mourir. Bref, avec une procédure comme ça, on s’assurerait que les personnes qui demandent à mourir sont pleinement conscientes de ce qu’elles font, et pleinement décidées à aller jusqu’au bout.
Dans ce contexte, qui pourrait demander à mourir ?
Tous les citoyens ayant participé à la convention citoyenne ne sont pas d’accord (c’est normal), mais pour la majorité, il faudrait pouvoir justifier d’une situation incurable et d’une grande souffrance qui résiste aux traitements pour avoir le droit à une Aide Active à Mourir. Traduction : il faudrait avoir très mal, même sous médocs, et être sûr de ne jamais guérir. Ah oui, et il faudrait que la personne soit volontaire pour mourir, évidemment.
Là où les débats deviennent plus complexes, c’est lorsqu’il faut se demander si on doit ouvrir l’Aide Active à Mourir aux mineurs, aux personnes atteintes de souffrances psychiques ou à celles qui ressentent une souffrance existentielle (celles qui ne trouvent plus de sens dans la vie). Toutes ces questions sont évidemment hyper difficiles à résoudre dès lors qu’on n’adopte pas un point de vue radical, et a priori on n’est pas prêt de mettre tout le monde d’accord.
Les soignants seraient obligés de pratiquer le suicide assisté ?
Admettons que le processus existe et que le patient ait pu obtenir le droit à l’Aide Active à Mourir, on ne pourrait pas forcer les soignants à y participer. Ils pourraient faire valoir leur clause de conscience pour refuser de donner la mort ou d’en donner les moyens au patient. C’est en tout cas ce que demande la convention citoyenne, et on peut tout à fait le comprendre : il s’agit d’un acte très difficile.
Du coup, la loi va changer ou pas ?
Eh bien oui. Enfin, c’est ce qu’il faut croire, puisque Emmanuel Macron, après avoir écouté les conclusions de la convention citoyenne sur la fin de vie, a demandé à ce qu’un nouveau projet de loi soit présenté d’ici la fin de l’été. Il a aussi annoncé vouloir renforcer l’accès aux soins palliatifs. Pour le reste, on n’en sait honnêtement pas beaucoup plus. Il faudra découvrir le projet de loi puis suivre les débats de l’Assemblée Nationale et du Sénat pour être fixé.
Quels pays ont déjà légalisé l'Aide Active à Mourir ?
Sous des noms différents, et avec des procédures différentes, on ne compte aujourd’hui que 12 pays qui autorisent l’Aide Active à Mourir : la Belgique, le Portugal, la Suisse, les Pays-Bas, l’Inde, la Colombie, le Luxembourg, le Canada, l’Espagne, le Japon, l’Albanie et cinq États de l’Australie. D’autres, comme la France, autorisent l’euthanasie « passive » (l’arrêt des soins), et dans quelques-uns, tout ça est encore parfaitement illégal.
Est-ce qu'un.e Français.e peut aller dans un pays autorisant l'Aide Active à Mourir pour en profiter ?
Oui, c’est possible, avec des règles différentes selon les pays. Mais, évidemment, les procédures sont complexes et les médecins de ces pays rejettent beaucoup de demandes inadaptées aux processus en vigueur. Heureusement, en même temps.
Allez, y’a plus qu’à espérer qu’on ait une bonne loi pour que plus personne ne souffre inutilement. Croisons les doigts.
Sources : Public Sénat, Franceinfo, Ouest France.