Vous voyez ce moment où en rentrant dans votre ville par l’autoroute, vous voyez un vieux panneau, un arbre ou un autre repère visuel qui vous fait dire « je suis bientôt arrivé » ? Eh bien, c’est un peu le principe de Green Boots. Sauf qu’en plus d’être un repère visuel qui dit « vous êtes bientôt arrivé en haut de l’Everest » c’est surtout le cadavre d’un alpiniste qui n’a rien demandé et ne pourra jamais avoir droit au repos de la tombe. On va donc en parler.
Petit rappel de ce qu'est l'ascension de l'Everest
L’ascension de l’Everest est extrêmement difficile, et des centaines d’alpinistes y ont trouvé la mort depuis des dizaines et des dizaines d’années. Seulement, à cette altitude, impossible de ramener les corps en bas, du coup il y a plein de cadavres conservés par la glace qui gisent sur le côté de la route et qui servent maintenant de points de repère aux autres alpinistes. C’est le cas de Green Boots. On vous parlait évidemment de tout ça dans les trucs horribles à savoir sur l’ascension de l’Everest qu’on vous conseille d’aller voir.
Un cadavre non identifié
On pense que Green Boots serait mort pendant son ascension en 1996, pris dans une tempête à cause des conditions météo dégueulasses du mois de mai de cette année. Il se serait abrité sous un renfort rocheux avant d’agoniser à quelques centaines de mètres du sommet, à 8460 mètres d’altitude exactement. Il est à noter qu’il avait terminé son ascension et serait mort pendant la descente, ce qui ne rend pas le truc moins triste pour autant je vous l’accorde.
En quelques années il est devenu un repère connu
Le renfort rocheux dans lequel se trouve Green Boots est un endroit où le passage est presque obligatoire pendant l’ascension (selon le versant par lequel on grimpe), et de nombreux alpinistes s’y arrêtent pour faire une pause ou s’abriter, ce qui fait qu’en à peine quelques années, on a commencé à se référer à ce lieu comme « la caverne de Green Boots » ou tout simplement « Green Boots ». Et au cas où vous vous demanderiez pourquoi on l’appelle comme ça c’est simplement parce qu’il a des chaussures d’alpinisme vertes.
Plusieurs identités possibles ont été avancées
On n’a aucune réelle certitude sur qui était Green Boots car plusieurs théories plausibles ont été émises. Deux identités se détachent quand même : Dorje Morup et Tsewang Paljor, mais même après recherches, les équipes de l’Indo-Tibetan Border Police (ITBP), qui s’occupent d’enquêter sur les lieux et de redescendre les cadavres qu’ils peuvent, n’ont pas de certitudes. On a même pensé un temps qu’il pouvait s’agir d’un des membres de l’ITBP, ce qui vous indique à quel point rien n’est sûr.
Première possibilité crédible : Dorje Morup
En 2015, le Hymalayan Journal sort un article en émettant la supposition que Green Boots soit Dorje Morup, un alpiniste parti faire l’ascension avec deux autres grimpeurs : Tsewang Paljor et Tsewang Samanla. Après avoir atteint le sommet, les trois alpinistes auraient commencé leur descente et auraient été aperçus au loin grâce à leurs lampes. Une équipe de grimpeurs japonais qui montait aurait croisé Morup sans ses gants et à bout de force, mais il aurait insisté pour continuer à descendre. Plus tard et un peu plus haut, les Japonais découvraient le corps de Tsewang Samanla et Morup encore en vie, mais dans un état proche de la mort. Il se pourrait qu’il s’agisse donc de Green Boots.
Deuxième possibilité crédible : Tsewang Paljor
L’autre possibilité, celle considérée comme officielle, voudrait que Green Boots soit Tsewang Paljor, l’un des trois alpinistes faisant partie de l’expédition de Dorje Morup. C’est à cause du fait que l’équipe de Japonais n’a pas été en mesure d’obtenir l’identité de la première personne qu’ils ont croisé qu’on pense qu’il pourrait s’agir de Paljor qui a insisté pour continuer à descendre. Ils décrivent la deuxième personne rencontrée comme atteinte du mal des montagnes et donc potentiellement dangereuse et déboussolée. Vous l’avez compris, on ne saura peut-être jamais qui était Green Boots.
1996 : La saison de "la mort sur le toit du monde"
Avec le temps, l’année 1996 est restée l’une des plus meurtrières sur l’Everest (jusqu’à 2014) puisqu’on compte une quinzaine de morts sur toute l’année (dont huit en deux jours au mois de mai) sur quatre-vingt-quinze personnes ayant atteint le sommet. Ce triste nombre est expliqué en réalité par les conditions météorologiques désastreuses cette année-là (en particulier au mois de mai pendant la mousson) qui, en plus de provoquer d’énormes tempêtes de neige, auraient baissé le niveau d’oxygène en altitude de près de 6%. De nombreux témoignages ont été donnés par des alpinistes ayant abandonné leurs compagnons de cordée exténués en haut de la montagne et décrivent les conditions de leurs ascensions comme suicidaires.
De nombreux autres cadavres restent encore sur le "cimetière à ciel ouvert"
Des centaines de corps se trouvent encore sur les sentiers sinueux de l’Everest, et de nombreuses expéditions pour les descendre ont déjà eu lieu. Le problème c’est que ceux étant les plus hauts sont les plus complexes à déloger et à redescendre, la neige les collant littéralement au sol. Un autre corps « marquant » était celui de Francys Arsentiev, la première américaine à avoir réussi son ascension sans bouteilles d’oxygène, décédée en 1998 pendant sa descente. On l’a surnommé de nombreuses années « Sleeping Beauty » (le nom de l’œuvre « La belle au bois dormant » en anglais).
Plusieurs tentatives de récupération des cadavres
C’est l’alpiniste Ian Woodwall qui a tenté d’aller rechercher plusieurs cadavres en 2007, lui qui avait vécu une ascension meurtrière en 1996, mais aussi en 1998 quand il avait vu mourir sous ses yeux Francys Arsentiev (Sleeping Beauty) et dont la mort continuait de le peser. L’idée était de récupérer entre autres les cadavres de Green Boots, Arsentiev mais aussi celui de David Sharp décédé en 2006. L’équipe de Woodwall parvient à faire descendre le corps d’Arsentiev mais est obligé d’abandonner le projet de sauver Green Boots à cause de la météo.
La zone de la mort, l'endroit impossible pour rapatrier un corps
Si des dizaines de corps restent (et resteront probablement) sur l’Everest passé 8000 mètres d’altitude, c’est parce qu’on appelle ce seuil « la zone de la mort ». À cette hauteur, il devient de plus en plus difficile de bouger et de respirer, même avec une bouteille d’oxygène, on a l’impression de respirer à travers une paille. Le moindre effort est déjà compliqué, et un corps tout équipé pesant près de 80 kilos semble facilement en peser le double. Si on prend en plus en considération le fait qu’après trop de temps le corps est « piégé » dans la glace et accroché à la neige, le déloger et le ramener semble encore plus irréalisable. C’est probablement pour ces raisons que Green Boots et d’autres corps resteront à jamais sur le toit du monde.
Si vous voulez encore parler alpinisme vous pouvez aller voir les ascensions les plus spectaculaires, ça ne finit pas toujours mal.
Sources : Wikipédia, Montain Planet, Hayden Rue, History Hub, Summit Day.