Dans la liste des bonnes séries récentes mais méconnues se trouve The Underground Railroad, une série historique basée sur un roman qui retrace l’histoire d’un réseau de route clandestin qui traversait les États-Unis du Nord au Sud et conduisait les esclaves vers des régions libres. On vous propose aujourd’hui de faire un petit tour d’horizon sur cette partie de l’histoire des États-Unis que nous connaissons moins en France, ça changera de l’histoire d’Abraham Lincoln qu’on a déjà tellement vue au cinéma qu’ils ont même fait une version où il chassait des vampires.

Petite définition de ce "chemin de fer souterrain"

N’allez pas croire qu’il y avait réellement un chemin de fer sous terre qui transportait les esclaves vers les zones libres à l’abri des regards. En réalité, le « underground railroad » était un réseau de routes, de chemins, de maisons, de refuges et de contacts de gens que les esclaves pouvaient suivre pour arriver jusqu’en zone libre. Pas du tout de train du coup, mais ça faisait stylé.

Crédits photo (Domaine Public) : https://lccn.loc.gov/68003375

L'origine du nom

Le terme « underground railroad » est un nom qui pourrait venir à la base des chasseurs d’esclaves qui n’arrivaient pas à retrouver la trace de plusieurs d’entre eux et auraient déclaré « il doit y avoir un chemin de fer souterrain » pour faire comprendre que ces esclaves se déplaçaient tellement discrètement que cela devait se faire sous terre. On pense aussi que le terme viendrait d’un journaliste ayant qualifié l’organisation de cette manière. Quoi qu’il en soit le nom est resté et décrivait de manière imagée le transport (chemin de fer) et la clandestinité (souterrain).

Près de soixante ans d'existence pour ce réseau clandestin

C’est au 19ème siècle qu’est apparu ce réseau d’itinéraires clandestin, commençant probablement après 1750 jusqu’en 1860. C’est d’ailleurs entre les années 1850 et les années 1860 que le réseau a été le plus utilisé et le nombre d’esclaves sauvés le plus important. Sur ces vingt années on estime à 30 000 le nombre d’esclaves sauvés sur les 100 000 qu’on compte au total pendant toute l’existence du réseau. Les gens qui organisaient le réseau étaient d’anciens esclaves, des blancs anti-esclavages, beaucoup de Quakers et même des natifs américains.

Crédits photo (Domaine Public) : Jonathan Eastman Johnson

Des territoires esclavagistes jusqu'aux terres abolitionnistes

Géographiquement, le réseau partait des états du sud pour passer la ligne Mason-Dixon, une ligne tracée après la guerre d’indépendance qui séparait les états esclavagistes (Sud) des états abolitionnistes (Nord). Les esclaves fuyaient depuis les plantations de Louisiane, de Virginie ou du Maryland jusqu’aux états du Nord mais beaucoup continuaient même le chemin jusqu’au Canada. Depuis le Sud, d’autres réseaux existaient également pour voyager jusqu’au Mexique, mais généralement le chemin se faisait du sud au nord.

Crédits photo (Domaine Public) : United States Department of the Interior

Des itinéraires complexes et sans cesse renouvelés

Afin de garantir la longévité du réseau, celui-ci était bien souvent changé, retravaillé, étudié et surveillé. Les esclaves voyageaient principalement par petits groupes, souvent de trois à quatre personnes et presque toujours de nuit. Plusieurs notes font référence à de plus gros groupes d’une vingtaine de personnes mais cela restait exceptionnel. Des guides libres faisaient la route de jour pour vérifier que les itinéraires étaient toujours sécurisés, ils choisissaient des chemins alternatifs pour ne pas rester sur les routes principales et ainsi égarer de potentiels poursuivants.

Une véritable organisation ferroviaire

Dans les faits, l’organisation avait récupéré les codes et mots du jargon ferroviaire. Les esclaves s’appelaient « passagers », les guides s’appelaient les « chefs de train » et s’occupaient de faire voyager les esclaves sur les routes jusqu’à une « station », qui était généralement une maison ou une grange de personnes prêtes à aider les esclaves. On appelait d’ailleurs ces personnes des « chefs de gare ». Mais en dehors des chefs de train et des chefs de gare les esclaves pouvaient aussi compter sur l’aide de gens qui donnaient de l’argent, des vêtements, de la nourriture ou d’autres biens matériels, on appelait ces gens les « actionnaires ».

Une mécanique bien huilée

Certains chefs de train allaient dans les plantations en se faisant passer pour des esclaves pour trouver de nouvelles personnes à libérer. Une fois qu’un groupe était rassemblé il s’évadait de nuit et marchait jusqu’à la prochaine station. En moyenne les groupes marchaient une quinzaine de kilomètres par nuit, les stations n’étaient jamais très éloignées les unes des autres. Quand un groupe arrivait dans une station à la fin de la nuit, il pouvait se reposer et manger durant la journée suivante, on envoyait alors un messager pour prévenir de l’arrivée du groupe à la prochaine station tout en vérifiant l’itinéraire. À la tombée de la nuit le groupe reprenait la route et ainsi de suite.

Crédits photo (Domaine Public) : Charles T. Webber

La "fugitive slave law" de 1850 a compliqué les choses

Face au nombre d’esclaves prenant la fuite, les états du sud ont décidé de réviser la loi de 1793 pour la durcir encore plus. Dorénavant, les esclaves s’exposaient à des sentences plus violentes mais c’est surtout les personnes qui aidaient qui étaient menacées de prison et de très lourdes amendes. L’idée était évidemment d’empêcher les gens libres d’aider les esclaves, mais c’est pourtant après le passage de cette loi que le plus grand nombre d’esclaves a été libéré.

De nombreux chasseurs d'esclaves et chasseurs de primes constituaient une menace sérieuse

Tous les esclaves qui prenaient le réseau clandestin ne rejoignaient malheureusement pas les états libres. De très nombreux chasseurs d’esclaves de primes parcouraient les états pour capturer les évadés et beaucoup ont été interceptés avant d’atteindre leur destination. Après la mise en place de la « fugitive law », le gouvernement demandait également l’aide de civils pour appréhender les esclaves. C’est pour cette raison que la plupart des gens qui travaillaient dans le réseau ne communiquaient pas et qu’on gardait la majorité des informations secrètes pour éviter les fuites.

Harriet Tubman, symbole de réseau baptisée "La Moïse Noire"

En 1849, Harriet Tubman a utilisé le réseau clandestin pour rejoindre les états libres, mais plutôt que de profiter de cette liberté elle a décidé de travailler avec le réseau pour sauver plus de monde. Elle est devenue chef de train et a réalisé pas moins de treize voyages pour libérer soixante-dix esclaves, ce qui lui a valu le surnom de Moïse Noire.

Elle a tenté de libérer son mari qui était resté dans les plantations, mais ce dernier s’était remarié et a décidé de ne pas tenter l’évasion. Elle est devenue une spécialiste de la géographie de certains états, ce qui l’a poussé à s’enrôler pendant la Guerre Civile en tant que cuisinière (on enrôlait pas de femmes soldats). Grâce à elle, une opération de libération massive de 700 esclaves a été possible en juin 1863, elle est aujourd’hui considérée comme héroïne nationale.

Crédits photo (Domaine Public) : Harvey B. Lindsley (1842-1921)

Et sinon vous pouvez aller voir les monuments célèbres qui ont été construits par des esclaves, c’est triste.

Sources : Wikipédia, Mental Floss, National Geographic, Fun with History, Gazette 665.