Vous aussi ça vous bassine qu’on vous parle des méga-bassines sans méga comprendre de quoi on parle ? Mdrrrr. Bon, c’est super, on est au moins deux. On va donc faire un point sur ces trucs aux sonorités fun, mais qui ont en fait l’air de plus foutre la merde en France qu’autre chose. Si après ces explications, vous avez encore la tête sous l’eau, je n’y comprends plus rien. Mdrrrrr. Bon allez, ça suffit, je me jette à l’eau et on commence. Mdrrrr. Non vraiment, j’arrête.
C kwa ce binz ?
Les mégabassines, avant d’être juste des grosses bassines, sont des réservoirs artificiels (créés par l’homme) que l’on utilise pour stocker de l’eau pompée directement dans les nappes phréatiques en attendant que les agriculteurs en aient besoin. Le terme « méga-bassines » est un peu connoté négativement, car il est surtout utilisé par les opposants à cette pratique. C’est pour cela que le terme « retenues de substitution » est parfois employé par certaines entités. Même si on est d’acc que « méga-bassine », c’est beaucoup plus clair.
Ces bassines sont appelées « méga », car elles peuvent mesurer jusqu’à 18 hectares et contenir jusqu’à 650 000 m3 d’eau (sachant que 400 000 m3 = 160 piscines olympiques). Elles sont également recouvertes d’une bâche pour préserver l’étanchéité des réserves d’eau qu’elles contiennent.
À quoi ça sert, en vrai de vrai ?
On pourrait croire que ça sert à récolter l’eau de pluie, mais que nenni. Les méga-bassines sont différentes des systèmes de retenues collinaires, qui récoltent l’eau issue de ruissellement, c’est-à-dire de la pluie ou encore de la fonte de la neige, car elles ne sont pas reliées au réseau hydrographique français (c’est-à-dire aux rivières, aux lacs, aux cours d’eau et autres zones humides).
Comme dit plus haut, les méga-bassines servent en fait à pomper l’eau des nappes phréatiques (des réserves d’eau souterraines contenues dans une poche imperméable), mais uniquement en hiver, car c’est à cette période que les niveaux sont les plus élevés et qu’on peut donc en profiter pour stocker un max d’eau, afin de constituer des réserves pour les moments où on en manquera (en été, lors des sécheresses notamment).
Entre nous, pourquoi on en aurait besoin ?
Depuis quelques années, à cause, notamment, du réchauffement climatique, la France est en proie à d’importantes périodes de sécheresse qui dégradent les réserves en eau sur tout le territoire et ont d’importantes conséquences sur les cultures agricoles. Comme l’explique Météo France, la France « subit une sécheresse météorologique préoccupante » depuis l’été 2021, et notamment fin 2022 avec un épisode « d’extrême douceur » en décembre et un record du nombre de jours sans pluie significative, qui ont bien asséché les sols.
Il faut dire aussi que 2022 était l’année la plus chaude jamais enregistrée en France depuis 1947. Pas étonnant, donc, que l’on cherche des solutions pour stocker de l’eau, sachant que plus de 70 départements ont été confrontés à des restrictions d’usage de l’eau à un « niveau de crise » en 2022.
Pourquoi il y a des gens qui sont pour ces méga-bassines (en toute honnêteté) ?
À cause de ces fortes sécheresses, plein d’agriculteurs se sont plaints du manque d’eau nécessaire pour l’irrigation de leur culture. Les méga-bassines permettraient donc aux agriculteurs qui utilisent cette méthode d’avoir accès à de l’eau plus facilement, même en cas de restrictions, car les méga-bassines ne sont pas concernées par les arrêtés sur les restrictions d’eau.
Les défenseurs des méga-bassines arguent aussi que cette méthode permettrait de mieux répartir le niveau des nappes phréatiques selon les saisons grâce au pompage. Outre l’irrigation, les agriculteurs pro-méga-bassines affirment que cela leur permettrait de réduire leur utilisation des pesticides, d’avoir une meilleure rotation de leurs cultures et de mieux modérer leur consommation d’eau.
Mais du coup, pourquoi il y a des gens qui sont contre (encore en toute franchise) ?
Déjà, les opposants aux méga-bassines estiment que la réduction des pesticides, la rotation des cultures et la moindre consommation d’eau sont des options qui ne sont appliquées que par très peu d’agriculteurs bénéficiant de l’eau des méga-bassines. Ils dénoncent aussi un accaparement de l’eau, car seuls 10 % des surfaces agricoles (dont 2/3 pour la culture du maïs) ont besoin d’irrigation, ce qui créent une inégalité entre les agriculteurs alors que l’eau des nappes phréatiques est un bien commun dont tout le monde devrait pouvoir bénéficier également.
Certains climatologues estiment par ailleurs que des sécheresses longues rendraient inefficaces ces « retenues de substitution » puisque les nappes phréatiques seraient elles-mêmes peu remplies. De plus, prélever de l’eau dans les nappes phréatiques pour les stocker dans des retenues feraient perdre 7 à 60 % du stock à cause de l’évaporation de l’eau dans l’air (ce qui n’arrive pas lorsque l’eau est contenue dans les nappes). La stagnation de l’eau dans les méga-bassines entraîneraient aussi le développement de micro-algues et de bactéries dans l’eau, dont les cyanobactéries, dangereuses pour la santé de l’homme.
Enfin, les opposants aux méga-bassines craignent qu’une forte disponibilité de l’eau engendre la hausse de la demande par les agriculteurs et donc une trop forte utilisation de cette ressource. Une illusion puisque les nappes phréatiques seront moins remplies qu’avant. Certains craignent donc que l’eau stockée ne soit finalement plus utilisée que pour l’agriculture et plus pour protéger les écosystèmes.
Pourquoi certains affirment que certaines méga-bassines sont illégales ?
Eh bien tout simplement parce que sur toutes celles créées ces dernières années, cinq construites à Cram-Chaban (en Charente-Maritimes) ont été jugées illégales par la cour administrative de Bordeaux en mai 2022. En effet, l’étude d’impact, affirmant que les bassines avaient un impact limité sur leurs milieux, était défaillante comme l’a confirmé le juge, notant ainsi un gros manque de précisions concernant les conséquences sur les rivières et les nappes phréatiques. Pas très coolos pour la planète donc (ce sont précisément les termes utilisés par la cour administrative).
Qui paye leur construction et leurs coûts de fonctionnement ? Est-ce qu'on me vole ma thune ?
Une des controverses autour des méga-bassines est la provenance de l’argent qui sert à leur construction. En effet, pour la future construction de 16 méga-bassines dans les Deux-Sèvres (celles qui posent actuellement problème, mais on va y revenir après), 74 millions d’euros sont nécessaires. Le problème, c’est que 70 % de la somme utilisée pour leur mise en place provient de l’argent public, alors même que, comme l’arguent les opposants aux méga-bassines, seule une poignée d’agriculteurs bénéficient de ces réserves en eau. Bref, beaucoup d’argent des Français pour peu de retour dans nos robinets, si je puis me permettre.
Pourquoi on en parle maintenant ?
Parce que dans l’ouest et notamment en Nouvelle-Aquitaine, en Charente-Maritime et dans les Deux-Sèvres, plein de bassines pullulent pour palier la sécheresse. C’est notamment le cas à Sainte-Soline où l’une des 16 bassines, dont je vous parlais plus haut, est en cours de construction depuis 2021. Si des oppositions à ce projet ont eu lieu dès 2019, les méga-bassines sont revenues sur la table grâce aux manifestations d’octobre 2022 et dernièrement du 25 mars 2023 qui a réuni 30 000 militants (selon les organisateurs) opposés à ces retenues.
Et si on en parle autant, c’est parce que la situation a gravement dégénéré sur place : des gros affrontements ont eu lieu entre les militants et les forces de l’ordre, se soldant par 28 policiers blessés contre 200 du côté des manifestants, dont 40 grièvement et trois au pronostic vital engagé.
Plusieurs polémiques entourent cette manifestation : d’abord l’usage de la force par les autorités qui, dans le contexte des violences policières liées à la réforme des retraites, passent très mal. Mais aussi les révélations de différents médias qui prouvent que les forces de l’ordre ont empêché la venue des secours qui voulaient porter assistance aux blessés. Ça fait beaucoup.
Et le GIEC, il en dit quoi ce brave bonhomme ?
Et bien contrairement à ce qu’on peut voir un peu partout, le GIEC n’a pas trop d’avis sur la question : comme on peut le lire dans son rapport de synthèse, publié le lundi 20 mars 2023, le GIEC « n’interdit ni n’encourage le stockage de l’eau dans des réservoirs ». Le groupe d’experts estime en effet que cela peut être une bonne solution pour irriguer certaines cultures, tout en soulignant son coût important, le fait que ce modèle ne convienne pas à tous les territoires, ses conséquences sur les écosystèmes et le risque que ces méga-bassines perpétuent un modèle agricole insoutenable sur le long terme. Bref, c’est pas non plus la folie du slip si l’on en croit leur analyse.
Mais du coup, c'est quoi les autres solutions si on veut pas s'emmerder avec la sécheresse, le réchauffement climatique et globalement le fait que notre planète va rapidement devenir invivable pour la majorité des humains (vous me le dites si je suis trop drama)?
Si le GIEC ne se dit ni favorable ni défavorable aux méga-bassines, il propose néanmoins, comme beaucoup d’autres climatologues, associations et organismes environnementaux, différentes solutions plus viables pour gérer l’eau.
Ces acteurs de l’environnement et de l’agriculture proposent par exemple des pratiques plus sobres en termes d’utilisation d’eau comme l’irrigation au goutte-à-goutte ou la sélection de variétés de plants plus résistants à la sécheresse. Le Bureau de recherches géologiques et minières propose aussi de diriger les financements vers l’agroécologie, l’agroforesterie, ou encore l’alimentation à base de plantes pour rompre avec les modèles de consommation et de culture actuels qui ne sont plus compatibles avec les changements climatiques et les enjeux autour des réserves d’eau. Bref, pas mal de matière à réflexion si vous voulez mon avis.
Je comprends pas trop pourquoi on s’embête franchement, moi de l’eau, j’en ai plein dans ma piscine intérieure que je remplis avec des larmes d’enfants, il suffit de demander en fait, pff.
Sources : Basta !, Ouest-France, Reporterre, France Info.