Depuis le mois de juin, les manifestations se multiplient à Hong Kong, une région chinoise particulière puisque c’est un régime spécial, plus ouvert, qui s’y applique. Car l’île, autrefois cédée aux Anglais par l’Empire chinois, a été rétrocédée à la Chine à la fin du XX° siècle, marquant le début d’une période de transition longue de cinquante ans au terme de laquelle le pouvoir chinois aura tout le loisir d’imposer sa loi sur le territoire honkongais. Vous n’y comprenez rien ? On est là pour ça.
Le statut spécial d'Hong Kong
Cédé à l’Empire britannique en 1895 pour 99 ans, le territoire Hongkongais a été rétrocédé en 1997 au terme d’un processus de négociation complexe. Le statut de l’île est donc particulier puisque le système capitaliste qui y a été développé par les Anglais est censé rester en vigueur pendant les 50 années suivant la rétrocession, soit jusqu’en 2047 ; pour autant, l’autorité légale régissant le territoire est bien l’autorité chinoise puisque c’est le pouvoir chinois central qui désigne le gouverneur de la région administrative spéciale qui concentre le pouvoir exécutif. Économiquement, Hong Kong appartient donc au bloc occidental, si l’on peut dire, alors que la main-mise de l’autoritarisme chinois sur la politique intérieure hongkongaise se fait de plus en plus ferme à mesure que la date à laquelle le territoire sera entièrement sous contrôle chinois approche.
Ainsi, en 2018, le pouvoir central a pour la toute première décidé d’interdire un parti politique hongkongais : le Parti national de Hong Kong ou HKNP, qui promouvait l’indépendance de l’île.
Le précédent du mouvement des parapluies
Au mois d’août 2014, le gouvernement central annonce que, désormais, les candidats aux élections hongkongaises seront désignés par un comité proche du pouvoir. Dans les faits, cela se traduirait par une élection de pure forme opposant plusieurs candidats cosmétiques en ligne avec l’autoritarisme du pouvoir chinois. Rapidement et sous l’impulsion des mouvements étudiants, une contestation se met en place. Malgré la violence des interventions policières, les manifestants obtiendront gain de cause, le Conseil de Hong Kong rejetant le projet au terme d’un processus long de plusieurs mois.
Un projet de loi autorisant l'extradition vers la Chine à l'origine de la contestation
En raison de son statut particulier, le territoire de Hong Kong n’autorisait jusqu’alors pas les extraditions vers la Chine, un avantage indéniable dans un pays où les opposants politiques sont systématiquement persécutés. Mais depuis le mois d’avril 2019, le gouvernement de Hong Kong annonce étudier la mise en place d’un accord d’extradition vers la Chine. Le 6 juin, ce sont d’abord des avocats hongkongais qui se mobilisent : ils sont en effet particulièrement menacés par le gouvernement de Pékin. Ils sont rapidement rejoints par des profs, des personnels associatifs, des militants pro droits de l’homme et surtout des étudiants, mal considérées par le pouvoir central.
Des manifestations pacifiques aux émeutes
La gouverneure exécutive de l’île, Carrie Lam, ne cède pas et, le 1er juillet, les manifestants, toujours plus nombreux, envahissent le parlement local. L’intervention policière est musclée et les manifestations qui s’ensuivent sont marquées par les violences. Le 21 juillet, des manifestants sont passés à tabac lorsqu’ils quittent le cortège par des milices privées payées par le gouvernement. C’est une stratégie de radicalisation que Pékin cherche à mettre en place.
Une dirigeante contestée
Carrie Lam, la gouverneure exécutive de Hong Kong, est directement visée par les manifestants qui lui reprochent d’être l’œil de Pékin et une piètre gestionnaire. La police hongkongaise a multiplié les débordements pendant les manifestations et, non contente de ne pas calmer la mobilisation, elle a plutôt soufflé sur les braises. Visée par la population, elle est aussi en disgrâce à Pékin puisque le pouvoir central a été obligé d’intervenir directement dans l’idée de mettre un terme aux débordements.
Sa démission aurait été refusée par Pékin qui a besoin d’un fusible.
Pékin ne cèdera pas
Dès le 15 juin, Carrie Lam recule. Elle annonce suspendre le projet de loi sur l’extradition. Mais les manifestations se poursuivent tant que le texte n’est pas totalement retiré de l’agenda législatif. Le 9 juillet, Carrie Lam ne parle pas de l’annulation du projet, mais de sa mort. Face à rhétorique peu claire, la mobilisation se poursuit et prend même de l’ampleur. Désormais, c’est tout le système chinois central qui est visé par des manifestants pro-démocratie qui voudraient obtenir l’indépendance politique de l’île.
Mais, pour Pékin, Tian’anmen est un excellent souvenir, le souvenir d’une gestion de crise réussie. Le pouvoir compte bien mettre en place les mêmes recettes. La Chine ne peut pas se permettre de perdre Hong Kong qui est l’une de ses régions les plus riches. Les chances des manifestants d’arriver à leurs fins sont extrêmement minces.
La stratégie chinoise pour tuer le mouvement
Le pouvoir central chinois a mis en place une triple stratégie. D’une part, il se veut intimidant : au mois d’août, la Chine a rassemblé des camions militaires, des tanks et des soldats à la frontière de l’île, dans la ville de Shenzen pour y effectuer des exercices. Dans le même temps, plusieurs dirigeants ont commencé à développer une rhétorique assimilant les manifestants à des terroristes.
D’autre part, la Chine cherche à casser le mouvement sans s’attirer les foudres de la communauté internationale. Le parti communiste laisse bien volontiers les Triades casser du manifestant pour éviter que les policiers ne doivent s’en charger. Les autorités chinoises envoient également des flics et des mafieux infiltrer le mouvement et y multiplier les violences dans l’idée de le faire dégénérer pour le décrédibiliser.
Car Pékin veut avant tout remporter la bataille de l’opinion publique. Pour ce faire, rien de mieux que d’émailler les manifestants de violence, tout en accusant le mouvement d’être instrumentalisé par des puissances étrangères. C’est d’ailleurs en train de porter ses fruits.
Et l'opinion publique ?
Car à Hong Kong, désormais, rares sont les simples citoyens à soutenir le mouvement. Entre la propagande gouvernementale qui accuse le mouvement d’être manipulé par l’étranger et la peur des violences, la plupart des Hongkongais voudraient simplement retrouver une forme de sécurité et de tranquillité, loin de ces préoccupations politiques.
En espérant que les chars n’envahiront pas l’île.