« Non, je ne suis jamais seul avec ma solitude et mes amis imaginaires », chantait Moustaki. Et il avait raison. A l’heure de s’abreuver de culture ou de se faire un petit gueuleton, les visages, unanimes, se tournent vers l’horizon, à la recherche d’une altérité prompte à les accompagner dans l’aventure. Le nôtre reste droit. Pas besoin de se coltiner un +1 quand on se suffit à soi-même.
Le ciné
Mis à part pour se moquer des pubs ou pour devoir répondre, après coup, à la sempiternelle question « alors, ça t’a plu ? » aller à deux au cinéma ne présente strictement aucun intérêt. Autant voir un film, en penser ce qu’on en pense et le garder en pensées, puis aller boire des coups avec des gens dans des endroits où l’on peut parler.
Aller au resto
Et que l’on parle de la bouffe, et que l’on se tape la conversation d’autrui parce qu’on est coincé avec un bout de viande dans la bouche, et que tu prends quoi ? Du blanc ? Du rouge ?, et que l’on jalouse le plat de l’autre, et que l’on a honte de la manière dont il prononce le mot risotto en se prenant pour un Italien… Autant s’installer seul à une table avec un journal et en 1976 en étant voyageur de commerce.
Aller voir une expo
Plutôt que d’attendre l’autre traînard qui prend 7 heures pour regarder chaque oeuvre, plutôt que de devoir échanger sur les œuvres que l’on a préférées ou sur la prétention des cartels, plutôt que de se forcer à rester à une exposition qui ne nous plaît pas parce qu’elle a l’air de PASSIONNER notre accompagnateur, pourquoi ne pas y aller tout seul, peinard, sans pression ? POURQUOI ?
Faire du sexe
Lorsque le sexe partagé se termine, il laisse toujours un petit goût de ridicule ; oui, pas de doute, je viens de me frotter contre quelqu’un en poussant des soupirs pendant 20 minutes, je suis tout transpirant, il me semble même que je lui ai mis un doigt dans l’anus à cette autre personne, et là, tout à coup, je me sens MAL.
Lorsque le sexe seul se termine, on s’endort, sourire aux lèvres.
Choisissez votre camp.
Manger une quiche
Pourquoi se forcer à partager ce qui nous ravirait si l’on pouvait se l’enfourner tout seul ? Pourquoi, d’ailleurs, ne pas accompagner cette quiche perso d’une petite bouteille de Brouilly perso ? De toute façon, PERSONNE N’EN SAURA RIEN.
Se marier
Alors comme ça, il faudrait se marier avec quelqu’un. Mais pourquoi ? Pourquoi ce besoin de symboliser son amour à autrui alors que tout le monde sait qu’une charité bien ordonnée commence par soi-même. Pourquoi ne serait-il pas plus juste de se faire une auto-déclaration en mairie. Sans compter que l’on est sûr que le mariage tiendra jusqu’à ce que la mort me sépare.
Faire un exposé
La collaboration, on a vu ce que ça a donné en 40, hein. C’est ça, mélangeons nos idées et, surtout, cassons-nous les couilles à faire des compromis pour satisfaire à la façon de travailler de l’autre. Non, le mieux est encore d’endosser seul la paternité de son travail. De cette façon, on n’aura personne à haïr secrètement, personne à part soi-même.
Jouer au ping-pong
Une demi-table relevée, deux chiffres ou deux lettres : 1 et 2, A et B. Ensuite, il suffit, à chaque frappe, de dire à haute voix qui vient de toucher la balle : 1, 2, 1, 2, 1, 2 et ainsi de suite si l’on fait de longs échanges. Pour peu que l’on ait la brillance de se choisir un favori, la partie contre soi-même devient absolument passionnante. Et on ne risque pas de perdre.
La guerre
Il n’est de meilleure guerre qu’une bonne grosse guerre civile. C’est quand même pratique pour libérer des emplois, et puis on préfère laver son linge sale en famille, quoi.
Danser
Une bonne valse seul, c’est l’assurance d’une ambiance viennoise lors de la masturbation finale qui mettra un terme à la soirée.
Ensuite, ça fait plein de trucs à raconter aux gens.