On présente souvent la monarchie comme une chose au choix austère ou folklorique. On pencherait plutôt pour du folklore coûteux, de nos jours, à voir les tribulations des familles d’Angleterre ou de Norvège. Mais les monarques sont toujours pardonnés, parce qu’on peut être roi et de bonne composition, aimer les farces ou les bons mots, ou accompagner les meurtres de masse de punchlines historiques. Ca fait toujours bien pour la postérité.
Le roi Harald de Norvège (1937-)
L’humour du roi Harald est connu de tous les Stéphane Bern du monde. Évoquant un déplacement en Antarctique, il a par exemple expliqué en interview que la station de recherche qu’il avait visitée, nommée Troll, portait le même nom que sa femme. Le mec a aussi représenté la Norvège aux épreuve de voiles des JO trois fois et a invité toute sa famille en Afrique du Sud pour faire du surf à l’occasion de son 80ème anniversaire.
« Vous connaissez la blague des deux blondes dans un ascenseur…? »
Le sultan Mustafa Ier (1591-1639)
Devenu sultan de l’Empire ottoman un peu par hasard en 1617 à la mort de son frère aîné, Mustafa, qui n’avait pas une envie folle de régner, a profité de son titre pour se marrer un peu. On raconte qu’il s’amusait ainsi à donner des pichenettes dans les turbans des vizirs ou à tirer sur leurs barbes. Ecarté du trône dès 1617 par son neveu Osmane II, Mustafa redevient sultan lorsque celui-ci est assassiné mais se convainc que Osman est toujours en vie et se cache. Mustafa, qui n’a toujours pas envie de régner, le cherche donc partout, y compris sous les coussins. Absurde.
Elizabeth II (1926-2022)
On sait qu’Elizabeth II est l’incarnation même de la vieille anglaise acariâtre qui dézingue ses ennemis à coups de punchlines. Mais il faut quand même dire qu’elle sait aussi se moquer d’elle-même – il suffit de voir sa participation absurde à l’ouverture des JO de Londres, en 2012, pour s’en convaincre.
Elizabeth I (1553-1603)
Sur le papier, Elizabeth I n’était pas à proprement parler une rigolote : vierge, religieuse comme pas deux, on ne pouvait pas dire d’elle qu’elle était des nôtres et avait fini son verre comme les autres. Mais il faut quand même remarquer que, niveau punchlines, elle avait du répondant – c’était pas Churchill, mais ça y allait. Florilège : « Je préfère être mendiante et célibataire que reine et mariée », « Je n’aime pas les titres pompeux. Que mon épitaphe soit condensée en une ligne ou deux, rappelant brièvement mon nom, ma virginité, la durée de mon règne, les réformes apportées à la religion et la sauvegarde de la paix. » (on appréciera la mention de la virginité, très importante ». Ou, juste avant de mourir, ces derniers mots qui ne manquent pas d’ironie : « Je donne tout ce que je possède pour un instant de plus. »
Le roi Farouk (1920-1965)
Le dernier roi d’Egypte était un fêtard invétéré qui, confondant son argent avec celui de l’Etat, dépensait les deux dans des casinos. Il bouffait comme un dingue et était surnommé en secret « l’estomac muni d’une tête » et buvait jusqu’à 300 cocas par jour. Mais son truc, c’était surtout la kleptomanie : on raconte ainsi que, lors d’une entrevue avec Churchill, Farouk lui a piquer une montre. L’arrivée des panarabistes et de Nasser a eu raison de son règne.
Charles X (1757-1836)
Dernier roi de la restauration – avant l’avènement de Louis-Philippe au lendemain des Trois Glorieuses – Charles X était un bourbon pur jus qui s’assumait totalement et allait jusqu’à se moquer un peu de lui-même. Evoquant la monarchie constitutionnelle anglaise, il aurait ainsi déclaré « J’aimerais mieux scier du bois que de régner à la façon du roi d’Angleterre. » C’est que, comme Charlie le disait : « J’ai mes vieilles idées, je veux mourir avec elles. »
Bref, un type attaché à sa stature. Alors qu’il passait en revue la Garde nationale, il aurait également affirmé : « Je suis venu ici pour recevoir des hommages, non des leçons ! » Un genre de « This is not method, this is provocation, do you want me to go back to my plane ? » avant l’heure.
Charles IX (1550-1574)
On ne peut pas vraiment dire que Charles IX était sympa mais, dans sa cruauté, il savait manier la punchline. Son truc à lui, c’était la mort des ennemis : les citations qui lui sont attribuées le prouvent bien. « Plus de morts, moins d’ennemis » aurait-il déclaré avant de déclencher la Saint-Barthélémy. « Tuez les tous pour qu’il n’en reste pas un pour me le reprocher ». On peut dire que le mec tuait le game de la tuerie.
On apprécie le petit regard coquin.
Louis XIV (1638-1715)
Ami des arts et de lui-même, Louis XIV était un ego-trip vivant dont le train de vie préfigurait celui des rick stars des années 60. Si vous vous demandez ce que sont des rick stars, eh bien ce sont des rock stars avec une faute de frappes ou des rock stars dont le prénom est Rick. Bref, pour en revenir à notre Louis, sa capacité à croire en ses rêves virait au drôle – puisque cela ne pouvait pas être tragique. Après une bataille gagnée mais pendant laquelle de nombreux soldats français avaient passé l’arme à gauche, il aurait déclaré : « Dieu a donc oublié tout ce que j’ai fait pour lui ? » Groucho Marx et Woody Allen peuvent aller se rhabiller.
La jauge de fun s’apprête à éclater.