La cantine/self est un endroit spécial peuplé d'étranges personnes habillées de blouse blanche (oui, comme dans un hôpital...). Si jamais, par un curieux hasard, vous étiez forcé d'y aller (ou que vous êtes masochiste à temps partiel), au cas où les cris d'agonie survenant des cuisines ne vous mettent pas la puce à l'oreille, voilà un top 10 des raisons de vous enfuir en courant avant d'avoir franchi la porte de la cantoche.
- Parce que la bouffe est le plus souvent dégueu
Le poisson pané qu'on vous a servi bouge encore et vous demande de l'eau. Normal. Les haricots sont fluos et vous avez des reflux gastriques juste en reniflant l'amas de protozoaires qu'on tente de vous faire passer pour du fromage blanc. Assurez-vous que votre assurance-maladie couvre bien la salmonellose, le typhus, la dysenterie, et plus généralement, toutes les maladies normalement disparues depuis 1925. - Personne ne vous aime
Vous êtes donc tout(e) seul(e) à une table de 12...à parler avec votre poisson qui suscite votre compassion. Contrairement à lui, vous n'êtes pas recouvert(e) de chapelure industrielle, mais c'est tout comme. Rien de plus triste qu'une bataille de purée qu'on regarde depuis sa chaise, rien de plus tragique que d'être exclu(e)s du groupe et de n'avoir ainsi aucune légitimité pour dérouiller votre voisin(e) qui raconte son week-end pour la troisième fois. - Quand (si) vous revenez vivant des toilettes, il y a toujours quelque chose à vous qui disparaît
Soit votre dessert/fromage, soit votre écharpe/manteau soit carrément vos amis (avec vos affaires). En plus d'être le terrain privilégié de l'épanouissement sauvage d'une faune bactérienne de plus en plus inquiétante, la cantine/le self prend des allures de quartier de haute sécurité. Bientôt vous serez obligé(e) d'aller aux toilettes avec une lame de rasoir et de vous mettre à la bonne avec les caïds locaux afin de protéger vos affaires. Un jour sans doute vous serez tatoué(e) à la crème caramel et vous ferez partie des leurs, mais en attendant, vous devez céder vos condiments et votre dessert en contrepartie de votre protection. - C'est toujours à vous d'aller remplir le pichet d'eau
Et ça c'est chiant. Surtout si vous êtes à l'opposé de la fontaine. Vous devrez donc traverser cette jungle en évitant les vols de petits pois, les peaux de bananes et les lanières de sac qui sont d'une fourberie sans nom et vous font choir comme un vieux flan. C'est en général le seul moment où votre existence est enfin remarquée: tout le monde prendra cinq minutes pour se foutre de votre gueule. Les gens sont pleins de commisération. - La dame de cantine vous oblige à manger votre poisson (avec lequel vous venez de tisser des liens)
La cantine est le lieu expérimental des rencontres inter-espèces. Le poisson du style hareng fumé ou sardine à l'huile vous regarde d'un oeil humide, couché sur une feuille de salade racornie. Ce qui vous brise le coeur. Le poisson carré, lui, du fait de ses nombreuses anomalies (pas besoin d'un doctorat de chimie appliquée pour savoir qu'il n'est pas normal pour un poisson pané de briller comme une ampoule 500 watts) vous intrigue et excite votre fibre scientifique. Vous souhaitez le ramener chez vous pour l'analyser, et éventuellement tenter de le vendre à un pays qui n'a pas encore l'arme nucléaire, mais la dame de la cantine ne l'entend pas de cette oreille. - Quelqu'un renversera toujours "accidentellement" de l'eau sur votre plateau
Ce quelqu'un bien attentionné voulait juste vous servir. Elle ou il a également servi votre pain qui ressemble désormais à une éponge. Comme vous venez de vous acclimater à l'ambiance carcérale, vous lui enfoncez la tête dans sa purée et vous en faites votre nouvelle petite amie (ce qui dans le jargon des détenus signifie "esclave"). Ne poussez pas le zèle jusqu'à lui faire subir les derniers outrages aux toilettes, vous n'êtes pas à Fleury-Mérogis non plus. La bouffe y est meilleure. - Votre dessert est périmé
Dommage, cette charlotte industrielle au coulis de framboises fluorescent était la seule chose qui vous semblait à peu près comestible. Et pas vraiment moyen de négocier "bon, deux jours de de péremption, c'est pas bien grave". Non, il est plutôt question de "A consommer avant le 11 mars 1997", avec une étiquette et le prix en francs, datant de l'époque où ce gâteau était encore un steak. Votre dessert a connu plus de présidents que vous. Ça fait réfléchir. - Lorsque enfin il y a quelque chose de bon, il n'en reste jamais pour vous
Et par quelque chose de bon, comprendre quelque chose de gras et mauvais pour la santé. Des frites bien huileuses par exemple, qui vous faisaient de l’œil depuis leur sac congelé grand conditionnement. Malheureusement, quand vous arrivez, il ne reste plus que l'utopique alternative de la bonne conscience: les haricots verts ou les endives bouillies. Situation d'autant plus détestable que vos congénères n'hésitent pas à se délecter de leurs frites sous votre nez. Consolez-vous avec la réjouissante perspective de leur mort imminente dûe à une explosion de cholestérol. - Celui/celle qui sert les plats a oublié de mettre une charlotte
Et à force de passer ses journées au-dessus d'une friteuse, l'infortuné(e) a les cheveux bien gras. Voir des pellicules glisser le long de ces longues mèches huileuses comme sur un toboggan aurait plutôt tendance à vous couper l'appétit, voire vous filer la gerbe. Évitez juste de le faire dans le saladier, vous pourriez retrouver vos expectorations sur votre plateau sous le doux nom de "compote de pêche". - Il n'y a plus de place dans le réfectoire
Cela fait un bon quart d'heure que vous poireautez en attendant qu'un emmerdeur (appelons-le Jean-Edern) finisse son île flottante. Jean-Edern prend tout son temps et se délecte de votre déconfiture. Quand vous mâchouillerez tristement vos épinards (il ne reste plus que ça) vous repenserez à la date de péremption giscardienne de l’île flottante de Jean-Edern qui crèvera d'une intoxication alimentaire dans d'atroces souffrances et ça, ça vous mettra du baume au cœur.
Top écrit par Joker