La cataphilie, c'est la pratique de visites clandestines des anciennes carrières de Paris. Cet énorme réseau souterrain – 770 hectares – creusé dans le sous-sol calcaire de Paris, attire et fascine tout autant qu'il effraie. L'histoire, l'exploration, la photographie sont autant de motivations pour les cataphiles de s'y perdre (et de s'y retrouver). Vous êtes tenté par une balade originale ? C'est une idée. Mais attention, une descente cataphile, ça se prépare. Et pas à la légère, s'il vous plaît :
- Ne partez pas seul
Le GRS (Grand Réseau Sud) des carrières de Paris, c'est 285 kilomètres de galeries. Les plans disponibles (même l'excellent Giraud) ne sont ni exhaustifs ni parfaitement à jour. Bref, vous avez plus de chances de vous perdre en descendant seul pour votre première visite que de gagner au loto. Si cela ne suffit pas à vous convaincre, lisez l'histoire de Philibert Aspairt, qui s'est égaré en 1793 sur un trajet de quelques centaines de mètres entre le Val de Grace et le caveau des Chartreux. Le mec, à bout de forces, a terminé par y passer à quelques mètres de son but. Pour votre première descente, faites-vous accompagner d'un cataphile expérimenté et averti. Ça ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval, mais sur les blogs spécialisés. Il suffit juste de savoir où chercher. - Informez une personne de confiance
Votre grand-mère ou votre meilleur ami, si votre grand-mère est réfractaire à la spéléologie. Indiquez l'heure à laquelle vous prévoyez au plus tard d'être de retour. Sans signe de vie de votre part à cette heure, la personne doit immédiatement appeler la police. Oui, la chose peut sembler extrême, mais imaginez-vous avec une jambe cassée à vingt mètres sous terre. S'il faut attendre que l'université se plaigne à vos parents de votre absence non justifiée, pas sûr que vous vous en tiriez (d'autant plus que vous n'êtes plus étudiant depuis dix ans...) - Soyez conscients d'être dans l'illégalité
Les catacombes sont strictement interdites au public, à cause du danger qu'elles représentent, mais également à cause des détériorations que des visiteurs mal intentionnés pourraient y causer. Ce que vous risquez ? Si vous êtes contrôlé dans les catacombes elles-mêmes, un retour accompagné à la surface assorti d'une amende de 60 Euros ou plus. Depuis 2007, vous pouvez également avoir droit à un passage devant le tribunal de police, mais sauf détérioration des lieux ou autres incidents graves, cela n'est guère appliqué. Si vous tentez de pénétrer dans les carrières par une entrée située sur les voies SNCF, la chose est plus grave : jusqu'à 3750 Euros d'amende et 6 mois d'emprisonnement. Prudence et discrétion sont donc de rigueur. - Surveillez votre santé les jours suivant votre expédition
En descendant dans les catas, vous vous exposez potentiellement à la leptospirose. Maladie bactérienne transmise par l'urine du rat, elle est mortelle dans 10% des cas en l'absence de traitement. Il existe heureusement des antibiotiques très efficaces. Si vous développez des symptômes grippaux dans les deux à trois semaines suivant votre descente, consultez immédiatement et indiquez à votre médecin votre récente expédition. - Emmenez de la lumière
Détail, détail, mais la ville de Paris n'assure pas l'éclairage des catas. Prévoir donc une bonne source de lumière. Le top, c'est la lampe à acétylène : sûre, puissante, avec une bonne autonomie (6 à 8 heures en général). Mais une bonne Maglite (avec des piles de rechange) fonctionne tout aussi bien. - Assurez-vous de ne pas être claustrophobe
Une visite dans les catas suppose d'accepter d'avoir, pour quelques heures, une vingtaine de mètres de calcaire et de béton au-dessus de la tête. Le plafond est souvent bas, et la traversée de "chatières" – passages très étroits où l'on rampe ou se hisse – est presque inévitable. Renoncez maintenant si vous risquez de piquer une crise d'angoisse au coeur des carrières. - Choisissez un équipement ad hoc et idoine
Si elles étaient un John, les catas seraient plus John Rambo que John Galliano. Oubliez les escarpins et le maquillage, vous sortirez de là boueux, puant et sale. L'équipement type : tennis usées et confortables / caterpillars / bottes en caoutchouc, vieux jeans / bleu de chauffe, sweatshirt pour les poses (avec une température moyenne de 16 degrés et beaucoup d'humidité, on se refroidit vite lors des pauses), de l'eau minérale et un peu de nourriture, un petit sac solide et des pochons pour ramasser vos ordures. En option, le casque de chantier (pour éviter de douloureuses rencontres avec les aspérités du plafond), l'appareil photo, et quelques bougies pour l'éclairage de vos oeuvres et / ou l'ambiance. - Respectez les lieux
Vous verrez, au cours de votre descente, des déchets, des tags, des graffitis. N'aggravez pas la situation : remontez vos ordures et résistez à la tentation pourtant violente de graver votre patronyme sur les parois. Classées ou pas, les catas font partie de l'histoire de Paris et ont le droit de recevoir le respect qu'elles méritent. - Ouvrez l'oeil
Les cataphiles communiquent entre eux par des “catatracts”. Coups de gueule, annonces d'évènements, billets d'humeur, poésies, illustrés ou non, ils sont souvent cachés. Une niche, un trou, une pierre en surplomb peuvent dissimuler une belle oeuvre. Et ça, c'est un souvenir que vous pourrez ramener ! - Mettez-vous au parfum
Le monde des cataphiles est un microcosme avec son jargon et ses habitudes. Passez donc un peu de temps sur le web, histoire de vous familiariser avec certaines expressions, les noms de quelques lieux mythiques et l'atmosphère générale des catas. Les catas, c'est un voyage: vous ne partiriez pas à l'étranger sans avoir un peu potassé votre circuit...
Alors, convaincu de vouloir aller traîner au royaume des morts ?