Face au dérèglement climatique on peut adopter plusieurs types de comportements : – se taper une grosse déprime (et donc ne rien faire), – dire que c’est des conneries (et donc ne rien faire), – rien comprendre (et donc ne rien faire).
Alors que tous les indicateurs sont au rouge, pourquoi on ne fait rien ? Pourquoi les choses ne changent pas ou pas assez ? On peut émettre plein d’hypothèses, accuser les autres qui font moins que nous, etc. On vous donne ici dix vraies raisons (en dehors de la flemme ou de l’excuse « parce que j’ai piscine ») qui expliquent comment et pourquoi on a tant de mal à se remuer le derche.
L'enfer, c'est les autres
Combien de fois tu as dit que tu veux bien faire des efforts mais seulement si les autres en font aussi ? Combien de fois tu entends les gens dire que ça sert à rien de se bouger quand on voit comment la Chine elle pollue ? Bon voilà, tu piges le délire, le plus grand obstacle en ce qui concerne les changements de comportement sur l’écologie, c’est les autres. Et le philosophe Jean-Louis Vullierme l’a très bien expliqué avec sa théorie de l’interaction spéculaire. Pour lui, on ne fait rien justement parce qu’on part du principe (on « spécule ») que les autres ne font rien.
On n'envisage pas le dérèglement climatique tant qu'on ne le subit pas de plein fouet
Vous connaissez la fable de la grenouille ? Quand on jette une grenouille dans l’eau bouillante elle s’en échappe immédiatement tandis que si on l’immerge dans l’eau tempérée et qu’on la laisse bouillir progressivement, elle n’y verra que du feu et se laissera cuire tranquillement. C’est un peu ce qui nous arrive avec le dérèglement climatique. Notre souci c’est qu’on ne regarde qu’à court terme et jamais à long terme. Donc l’effondrement tel que l’entendent les collapso ne peut être envisageable que rétrospectivement, une fois qu’il aura déjà eu lieu.
On a un organe dans le cerveau qui nous rend totalement teubé : le striatum
Le récent ouvrage de Sébastien Bohler traite pleinement de ce sujet dans son livre Le Bug humain (cf. ci-dessous). On y apprend que le striatum est un petit organe présent depuis belle lurette qui nous incite à viser une satisfaction immédiate. Au départ cette satisfaction immédiate nous permettait de survivre (j’ai faim > je chasse > je me nourris > youpi je suis pas mort), aujourd’hui elle nous sert à acheter des gélules pour faire des cacas pailletés sur Amazon. Saloperie de striatum.
On n'y comprend pas grand chose
Même si tu penses être sensibilisé à l’écologie, que tu fais le tri des déchets et que tu penses à faire pipi sous la douche, il est plus simple de passer à l’étape supérieure quand on connaît clairement les enjeux. Et je vous assure, pas besoin de faire ingénieur pour comprendre le fonctionnement de l’effet de serre, ou de l’acidification des océans (il vous suffit de mater à peu près n’importe quelle conférence de Jean-Marc Jancovici pour être immédiatement plus calé). Plus vous vous renseignez, plus vous maîtriserez le sujet et plus vous vous taperez un coup de flippe ce qui généralement peut pousser à l’action (ou à l’inertie, mais ça c’est quand tu es vraiment beaucoup trop flippé, auquel cas je te renvois à notre top sur l’éco-anxiété).
A cause de la dissonance cognitive
Le dissonance cognitive se développe quand on fait quelque chose en sachant pertinemment que c’est pas bien. Comme on n’aime pas cet état de dissonance, on s’invente des bonnes raisons de le faire quand même. C’est un moyen de rendre cohérents nos actes, nos valeurs et nos croyances. Et l’écologie est un terrain idéal pour développer ce genre de stratégie. Par exemple, avec notre consommation de viande, on parle même spécifiquement du « paradoxe de la viande » : le fait de manger des animaux alors même qu’on les apprécie et qu’on se verrait bien incapables de les voir souffrir.
Changer ses habitudes, c'est déjà difficile, changer son comportement ça l'est encore plus
Comme l’explique la chercheuse en neurosciences Sylvie Granon dans son ouvrage Le souci de la nature, c’est encore une fois la faute à notre cervelle. Celle-ci étant naturellement réfractaire au changement, dans un contexte de crise écologique les grands gagnants seront donc ceux qui proposent de ne rien changer et de ne voir qu’à court terme. Selon l’autrice, c’est pour cette raison qu’on a davantage tendance à écouter les lobbies que Nicolas Hulot ou Greta Thunberg. C’est normal, c’est parce que le changement induit un stress pour notre organisme, on se sent donc mieux quand rien ne bouge. Eh oui, mais attendez j’ai pas dit que l’humain était un animal de génie.
On est de plus en plus déconnecté de la nature
Et non, c’est pas une remarque de vieille babos mais bien la réalité. C’est même une théorie étayée par un psychologue américain, Peter Kahn, qui parle d’une « amnésie environnementale générationnelle ». Les populations (du moins les populations aisées) étant de plus en plus urbaines, on a oublié que les poissons panés ne poussaient pas naturellement au supermarché. Et cette distance nous rend totalement indifférents aux dégradations de l’environnement et de la biodiversité. Qu’est-ce qu’on peut bien en avoir à secouer de savoir qu’il n’y a plus d’oiseaux alors qu’on a toujours été habitué à voir des vieux pigeons unijambistes ?
On est tout simplement dans le déni
Le dérèglement climatique n’est pas un petit sujet auquel on peut réserver une case dans un journal. C’est le seul et unique sujet, on ne devrait même pas parler de quoique ce soit d’autre. Au rythme où l’on va (et malgré les multiples COP et les engagements pris par les gouvernements qui sont pour le moment moyennement respectés), on devrait bel et bien atteindre 2 degrés de réchauffement global d’ici 2030 à 2050. Or, à partir de là, on ne répond plus de rien ! Il y aura des risques d’emballement (parce que le réchauffement climatique entraîne le réchauffement climatique, YAY) dont on ne peut pas prévoir l’ampleur mais sans la jouer pessimiste pleurnichard : ça fouette du slip.
Si ces informations factuelles, qui ne sont plus à démontrer, devraient nous interroger sur le plan existentiel (parce qu’il s’agit bel et bien de la survie de notre espèce dans le(s) siècle(s) à venir) elles ont plutôt tendance à nous enrober d’un voile de déni. Parce que personne n’a envie de songer à l’extinction de l’espèce humaine pendant son déjeuner devant de JT de 13h, sinon à quoi bon aller bosser cet aprem ? Bah oui c’est bien pratique le déni, ça évite tout chamboulement.
On n'a pas forcément les moyens
Et plus grave encore, on manque de cohésion sociale. Parce que d’un côté on demande aux foyers à faibles revenus de faire des efforts éco-responsables sans pour autant offrir une meilleure redistribution des richesses, forcément ça motive moyen. Quant au coût que représente une alimentation plus saine (par exemple en achetant des produits bios), il est aussi discriminant socialement. D’autant plus que paradoxalement, les aliments sains et issus de circuits courts ne sont pas toujours les plus accessibles (quand les petits commerces ont déserté la région et qu’il ne reste que l’option hypermarché pour faire ses courses).
Pourtant, le truc marrant dans cette histoire c’est que les classes sociales les plus aisées (et qui ont donc davantage les moyens d’améliorer leur alimentation) sont aussi celles qui polluent le plus. Parce qu’on va peut être manger bio d’un côté, mais de l’autre on prendra l’avion 17 fois par semaine (c’est beaucoup).
Nos dirigeants ne sont pas les couteaux les plus aiguisés du tiroir
Attention, il ne s’agit pas de se reposer sur la raison livrée dans notre premier point : « c’est la faute des autres d’abord ! ». Mais il faut bien avouer que dans notre système actuel, il n’y a pas de place pour l’écologie. Alors oui c’est très bien la convention pour le climat, on ne va pas cracher sur les gens qui essaient de se bouger mais globalement, le libéralisme et la croissance économique qui va avec, sont en soi des freins majeurs à toute motivation écologique. Et je ne sais pas si vous avez beaucoup d’exemples de sociétés décroissantes mais pour le moment c’est pas encore trop à la mode. Sans compter qu’on a aussi un lot de dirigeants dangereusement climato-sceptiques : de Trump à Bolsonaro en passant par Scott Morrisson (j’en passe et des meilleures)…
Donc en résumé pour se remuer un peu et changer les choses il faut : se renseigner, se motiver à plusieurs, faire en sorte que nos actes soient en adéquation avec nos valeurs, être un tout petit peu dans le déni (pour pas faire une dépression) mais pas trop (pour pas rester inactif), et bien évidemment accrocher un poster d’Aymeric Caron dans sa chambre à coucher.
Sources : Néon, Reporterre, La Ruche qui dit oui
Et sinon, il se trouve que j’ai écrit moi-même de mes propres mains un livre sur le dérèglement climatique, et même qu’il est un peu marrant donc le plus simple c’est que vous l’achetiez afin que je m’enrichisse sur le dos des personnes qui essaient de limiter leur production de déchets.