L’Histoire est écrite par les vainqueurs. Avez-vous déjà vu pareille tautologie ? Et pourtant c’est vrai : si vous trahissez les vôtres, si vous êtes un gros lâche qui va marquer l’Histoire, mieux vaut que l’équipe adverse gagne à la fin, sans quoi on risque d’être frappé d’indignité nationale. Si vous croyez que ça n’arrive qu’aux autres, vous vous fourrez le doigt dans l’œil.
Talleyrand
Le type a trahi tout le monde et plusieurs fois en plus. Talleyrand est sans aucun doute le plus grand traître et le plus grand manipulateur de l’Histoire. De 1789 à 1838, il a servi et trahi tous les régimes : évêque, il a d’abord trahi l’église en portant la Constitution civile du clergé à l’Assemblée où il avait été élu avant de fuir la France pendant la terreur pour ne la retrouver que sous le Directoire en tant que ministre des Relations extérieures ; en poste, il manoeuvre pour faire tomber le régime et installer Bonaparte au pouvoir. Puis il laisse tomber Napoléon pendant les Cent jours et favorise le retour de Louis XVIII ; en fin de compte, il oeuvre à la chute de Charles X au profit de la Monarchie de Juillet. Dans le genre intriguant qui a trahi tout le monde, on ne fait pas mieux. Mais Talleyrand se justifiait de ces trahisons : « Je n’ai jamais abandonné un régime avant qu’il ne se fût abandonné lui-même. » A ses yeux, il cherchait à servir la France. Et il avait des belles citations, Talleyrand.
Robert Ford
Vous le savez si vous avez lu Lucky Luke ou si vous avez vu le film ; Robert Ford faisait partie du gang de Jesse James dans l’Ouest américain, mais il n’était pas, loin s’en faut, l’une de ses têtes pensantes. Ford a gagné son ticket pour la gloire en assassinant Jesse James dans le dos tandis qu’il accrochait un tableau au mur. Son but ? Obtenir la récompense promise par le shérif. Avec son frère, Robert Ford a eu la surprise de se voir mis en examen pour meurtre avec préméditation et gracié avant de bâtir toute sa réputation sur cet acte de lâcheté ultime qu’il a rejoué et rejoué encore sur scène pendant des années avant de se faire assassiner à son tour d’une balle dans le dos.
Wang Jingwei
Membre de l’aile gauche du Kuomintang, rival de Tchang Kaï-chek, Wang Jingwei a un temps dirigé le gouvernement chinois avant de complètement virer sa cuti lors de la deuxième guerre sino-japonaise. Persuadé de l’inéluctabilité de la défaite face aux forces japonaises, Wang se met à promouvoir des idées défaitistes et collaborationnistes et jusqu’à devenir un Pétain chinois, chef du Gouvernement national réorganisé de la république de Chine, un État fantoche basé à Nankin. A ce titre, Wang a collaboré avec le Japon pendant les terribles exactions commises par les Japonais qui occupaient le territoire chinois : utilisation d’armes chimiques et bactériologiques sur les populations civiles, bombardements meurtriers… Au total, 3 229 000 soldats et au moins 9 000 000 de civils chinois sont morts avec l’aval de Wang qui a fini ses jours au Japon.
Gaius Cassius Longinus
Gaius Cassius Longinus s’était légèrement planté lors de la guerre civile à Rome opposant Pompée à César. Ce tribun de la plèbe avait en effet décidé de devenir l’un des lieutenants de Pompée, effrayé à l’idée de voir César s’arroger tous les pouvoirs. Mais après la défaite, Cassius eut la chance de compter sur la magnanimité de César qui décida de l’épargner et de le nommer prêteur pérégrin, un titre de magistrat. Mais Cassius n’en avait pas fini avec César : c’est en effet lui qui fut à l’origine de l’assassinat du dictateur, montant un stratagème et y associant Brutus. Il se suicida deux ans plus tard.
Robert Hanssen
Robert Hanssen était un agent du FBI, spécialisé dans le contre-espionnage. Mais il était aussi en secret un agent de l’Est qui a vendu des informations d’une très grande préciosité à l’URSS et à la Fédération de Russie. Robert Hanssen n’était pas à proprement parler un idéaliste : il a touché pas loin de 2 millions de dollars en cash pour fournir ses infos. Parmi celles-ci, on compte l’identité d’un agent américain au sein du haut-commandement soviétique, Dmitri Polyakov. Arrêté en 1986, Hanssen a été exécuté par les soviétiques. Encore un espion nul.
Benedict Arnold
Aujourd’hui, pour les Américains, le nom de Benedict Arnold est synonyme de « gros fils de pute qui a trahi la cause ». Et il y a une raison à cela : ce membre du haut-commandement américain pendant la Révolution américaine avait d’abord participé à la victoire décisive de Saratoga pour le compte des insurgés avant de trahir de la pire des façons. Car en l’absence de reconnaissance de ses pairs, Arnold nourrissait une rancœur secrète qui l’a poussé à proposer aux Britanniques de leur vendre West Point afin de les remettre en selle. Le complot a échoué après la capture d’un espion britannique qui a averti les forces américaines des manigances d’Arnold. Celui-ci a rejoint les forces anglaises pendant la bataille. Mortellement blessé, il aurait, sur son lit de mort, regretté sa décision.
Mir Jafar
Mir Jafar eut un rôle très ambigu au cours de l’invasion britannique en Inde. Très ambitieux, ce leader s’imaginait avec le titre de Nabab du Bengale et joua un jeu trouble pour y parvenir. En 1757, il promit loyauté au Nabab Siraj Ud Daulah, et le trahit pour les Anglais lors de la bataille de Palashi, en échange de l’obtention du trône. Il servit d’homme de paille à la East India Company qui pilla totalement la zone. L’appétit des Anglais était tel que Mir Jafar essaya de les trahir à nouveau en s’alliant aux Hollandais et aux Danois. Mais les Anglais gagnèrent la bataille de Chinsurah contre la coalition des pays à langue gutturale et Mir Jafar se trouva comme un con obligé d’abdiquer. Tout ça pour ça.
La Malinche
Pendant la conquête espagnole du Mexique, une femme, la Malinche, a joué un rôle prépondérant. Cette jeune amérindienne maya vendue aux Espagnols en esclavage est devenue la maîtresse d’Hernan Cortès, faisant office de traductrice et de conseillère dans la guerre contre les Aztèques et assumant des fonctions politiques de très haut niveau. A la fois traître à sa propre cause et en même temps calculatrice de génie capable de s’allier avec les Espagnols contre les Aztèques qui avaient conquis sa ville, elle est une figure adorée et haïe au Mexique et l’une des fondatrices de la nation.
Ezra Pound
Ezra Pound était un poète et musicien américain rattaché à la Génération perdue qui a inspiré jusqu’aux beatniks et au-delà. Mais dans les années 30, Ezra Pound a perdu pied. Expatrié en Italie, il s’est mis à admirer béatement Hitler et Mussolini, publiant chez un éditeur fascisant et animant en Italie des émissions radiophoniques de propagande où il professait son antiaméricanisme et son antisémitisme. A l’issue de la guerre, Ezra Pound a été condamné pour antiaméricanisme, interné pendant 12 ans et renvoyé en Italie.
Éphialtès de Trachis
Lors de la guerre opposant les Perses aux Grecs, les forces en présence étaient disproportionnées : les Grecs ne comptaient que 4200 hommes contre des dizaines de milliers pour les Perses. Pour éviter de se retrouver submergés, les Grecs avaient choisi le défilé des Thermopyles, un passage très étroit, pour affronter leurs adversaires. Et c’est là qu’Éphialtès de Trachis entre en jeu. Contre rémunération, il alla voir les chefs de guerre perses pour leur dévoiler l’existence d’un chemin, le sentier de l’Anopée, permettant de contourner le défilé et de prendre les Grecs à revers. C’est ainsi qu’un détachement de l’armée perse emprunta le chemin et surprit les Grecs. Éphialtès de Trachis alla réclamer sa prime, mais on ne lui donna rien. Mis en fuite, il fut assassiné après que sa tête eut été mise à prix.
Les gros bolosses !