Ce qui est bien, avec les mots galvaudés, c’est qu’on peut leur faire dire n’importe quoi. On voit ça partout : les valeurs s’opposent aux valeurs, le sauvetage de la démocratie se fait en la limitant, d’ailleurs tout doit être démocratique. Du coup, un pays qui a le même président réélu à 85% des voix depuis 30 ans est tout à fait compatible avec l’idéal démocratique. En même temps, on n’allait pas non plus dire : « République dictatoriale du Trukistan ». Ca aurait fait bête à l’ONU.
La République démocratique du Congo
Après l’assassinat de son père Laurent-Désirée, en 2001, Joseph Kabila est devenu Président de la République par intérim (indice, c’est comme dans une monarchie). Il n’a pas quitté le pouvoir depuis (comme dans une monarchie). En 2011, le processus électoral ayant mené à la réélection de Kabila a donné lieu à de nombreuses irrégularités pointées par les observateurs internationaux (indice, c’est comme dans une dictature). Joseph Kabila a une fortune estimée à 15 milliards de dollars, soit l’équivalent du PIB de plusieurs pays africains (indice, c’est comme dans une dictature corrompue). Toutes les ventes étatiques favorisent sa famille ou l’enrichissent directement (indice, c’est comme à Levallois).
La République populaire démocratique de Corée
Je crois qu’il n’est pas nécessaire de lister tous les indices permettant de penser que la Corée du Nord n’est pas tout à fait une démocratie, mais s’il fallait n’en citer qu’un, on pourrait dire que le journal du parti communiste nord-coréen fait des éditos du genre : « le grand camarade Kim Jong-un vivra éternellement dans le cœur de nos militaires et de notre peuple ». Imaginez un peu si on faisait ça avec Hollande.
La République algérienne démocratique et populaire
Qu’est-ce qu’un Etat à la tête duquel on trouve depuis 17 ans un ancien militaire de 79 ans qui se fait réélire à 81% des suffrages alors qu’il peut à peine bouger, où les violences envers les femmes sont structurelles, où toute l’élite est corrompue, où l’on réprime les émeutes par la force, où les hauts-gradés opposés au leader se font arrêter et où on organise le culte de la personnalité du dirigeant ?
Une république démocratique et populaire, évidemment. Bouteflika s’est mis en tête de mourir APRES Fidel Castro. Chacun ses lubies.
La République démocratique socialiste du Sri Lanka
Pendant la guerre civile au Sri Lanka, la torture d’Etat allait bon train. Depuis la fin de la guerre civile au Sri Lanka, la torture d’Etat continue gentiment. Les violences envers les femmes sont permanentes ; en 2014, un projet de loi visait à permettre aux violeurs d’épouser leurs victimes pour éviter des sanctions judiciaires. Dans les régions frappées par la guerre, l’armée sri-lankaise se comporte comme une armée d’occupation et réquisitionne les terrains des communautés, tenues de vivre dans la jungle. Par contre, bien sûr, il y a eu une alternance. C’est la base de la démocratie, on ne saura trop le répéter.
La République fédérale démocratique d'Ethiopie
On sait pas trop lequel des termes « fédérale » et « démocratique » est le plus juste. Depuis la fin de l’année 2015, des manifestations menées par les principales ethnies du pays sont réprimées dans le sang. Le pouvoir est en effet principalement entre les mains de la minorité tigréenne et favorable à ses intérêts. Voilà pour le côté « fédéral ». Sinon, depuis 95, le même parti remporte toutes les élections. Voilà pour le côté « démocratique ».
La République démocratique fédérale du Népal
Si l’on ne peut pas le qualifier de dictature à proprement parler, le pays est traversé par des manifestations violentes réprimées dans le sang. Depuis la proclamation de la République, en 2008, les Maoïstes ont eu le plus grand mal à gouverner le pays, et les accusations de dérive autocratique s’accumulent. On Népal sorti de l’auberge.
« La démocratie est le pire des régimes, à l’exception de tous les autres » AU SECOURS CETTE PHRASE DE MERDE EN PLUS LA PREUVE QUE C’EST COMPLÈTEMENT FAUX ET, OUI, JE CRIE.