Curieuse tradition, héritée de la fin des années 1970, qui consiste à forger un thème musical, quand ce n'est pas une chanson, à la gloire d'un candidat à l'élection présidentielle. Est-il vraiment prouvé qu'un fragment de la masse des électeurs choisissent, consciemment ou non, leur bulletin en fonction de cette chanson ? Y-a-t-il, ne serait-ce qu'un électeur qui dirait "je ne vote pas pour lui, il fait de la musique de merde"?... En tout cas, ces pratiques demeurent et certains candidats encore en course ont inscrit leur nom au panthéon des chansons de campagne les plus étonnantes. La playlist des Présidentielles, c'est par là :
- Jacques Chirac, 1981, le plus funky
Une basse qui s'emballe, de la flûte traversière, la bande-son de cette campagne de Chirac se veut épique et tourner vers la jeunesse. Parce qu'un jeune de 1981, qu'est-ce qu'il aime? Il aime les photos de beaux gosses en noir et blanc, les comédies musicales et les lignes de basse qui font bouger son corps.
- François Mitterrand, 1981
On dirait un extrait d'une comédie musicale de hippie remixée par Marc Cerrone (voire Giorgio Moroder). C'est jeune, c'est fougueux, c'est beau comme du Séguéla.
- Ségolène Royal, 2007
Un gros beat qu'on a envie de faire résonner dans une 205 GTI et la brillante idée d'avoir demandé aux chœurs de l'armée rouge de pousser un petit refrain. Pour les images, t'emmerde pas, y'a un effet tout prêt sur le logiciel, ça suffit bien.
- Raymond Barre, 1988
Le conseiller en image qui a convaincu l'équipe de campagne du "plus grand économiste de France" de miser sur la tortue doit, à l'heure où on parle, être pendu à un arbre. Mais si il avait été élu, soyons sûrs que Barre aurait légalisé pas mal de trucs, notamment le LSD.
- Alain Madelin, 2002
Oui, 2002. Parce que si on est pas prévenu, on pense que c'est le générique de l'émission Ambitions de Bernard Tapie en 1985. On réalise alors que le libéralisme économique et le recours aux forces du marché, c'est vraiment une vieille idée...
- Nicolas Sarkozy, 2007
Quand le RnB revendique, ça arrache. Et vas-y que je rajoute une couche de guitare électrique, une grosse basse, Go-Go Ségo KO ! Le quinquennat s'annonçait brillant.
- Jean-Marie Le Pen, 2007
La France a peur, à cause de la musique notamment, mais la France a de quoi se défendre avec des avions qui déchirent et qui sont prêts à se sacrifier pour protéger nos beaux monuments. Qu'il vienne l'envahisseur, on a de quoi le recevoir.
- François Hollande, 2012
Curieux mélange d'électro branchouille et de nouvelle chanson française, entre effets chargés, chanteurs aphones et lignes mélodiques douteuses, Hollande a le mérite de rentrer parfaitement dans les clichés que ses adversaires pouvaient attendre : arrangements minimalistes et chanteurs torturés, de la musique de gauche. Mais pourquoi ce fond "dance" odieux?
- Nicolas Sarkozy, 2012
Intéressant contre-pied. Quand Hollande s'encombre du son minimaliste des artistes de gauche, Sarkozy mise sur la dimension épique à laquelle aspire la droite. C'est grand, c'est un nouveau souffle, c'est peut-être un peu trop. Ouais, non, en fait, c'est carrément n'importe quoi, on dirait que la France est au bord d'une guerre nucléaire et que Jack Bauer n'est pas joignable.
- Eva Joly, 2012
La musique de Final Fantasy X, remixée selon l'équipe de campagne par un groupe de hip-hop français, White & Spirit. A partir de là, c'est la porte ouverte au n'importe quoi : Claude Guéand aurait conseillé à Nicolas Sarkozy de prendre la musique du jeu Civilization et Mélenchon se sert dans la BO de Red Dead Redemption...
- Bonus USA
Ils ont toujours une longueur d'avance, y a pas à chier... Un beat entraînant, des paroles qui font mouche, et puis faire chanter un message de campagne par des enfants y a pour l'instant que la belle Corée du Nord qui se permettait ce genre de trucs.
Et vous, vous chantez quoi en meeting?
Source : GQ