A chaque instant partout dans le monde, des gens bien intentionnés se réfèrent à des concepts plus ou moins fumeux en pensant les maîtriser – quitte à les dévoyer en racontant n’importe quoi. Loi de l’emmerdement maximal, point Godwin, théorie de l’évolution et chat de Schrödinger sont convoqués les uns après les autres dans une pagaille monumentale. Mettons un peu d’ordre.
La loi de Murphy
Ce qu’on comprend : Quand un truc peut bien ou mal se passer, il va systématiquement mal se passer. Exemple canonique : la tartine beurrée et confiturée tombe. Elle va forcément tomber du côté où il y a la confiture pour que ce soit super chiant.
Ce que ça dit vraiment : « S’il existe au moins deux façons de faire quelque chose et qu’au moins l’une de ces façons peut entraîner une catastrophe, il se trouvera forcément quelqu’un quelque part pour emprunter cette voie. » Ce qui signifie qu’à partir du moment où un événement est possible, tôt ou tard il finira par arriver. Sur un grand nombre de tartines qui tombent, il y en aura fatalement pour tomber du côté chiant. A la base, c’est une loi un peu humoristique inventée par Edward Murphy, mais elle est finalement une bonne illustration pour les fabricants qui mettent des tas de sécurités sur leurs objets parce qu’ils doivent prévoir que quelqu’un empruntera forcément la voie la plus catastrophique en faisant usage de leur produit.
Ce que les gens citent généralement comme étant la loi de Murphy, c’est en réalité la « loi de l’emmerdement maximum », qui est une extrapolation de la loi de Murphy.
Le chat de Schrödinger
Ce qu’on comprend : Le chat dans la boîte est à la fois mort et vivant. Trop bizarre.
Ce que ça dit vraiment : Quand on étudie des objets à l’échelle quantique, on doit considérer qu’ils sont dans des états superposés. En gros, tant qu’on ne les a pas observés, on doit convenir du fait qu’ils sont dans plusieurs états à la fois. Tout ça se calcule avec des probabilités. L’expérience de pensée du chat de Schrödinger sert simplement à expliquer ce fonctionnement de la physique quantique. Le chat est enfermé dans une boîte avec un système qui, au bout d’un temps donné, a 1 chance sur 2 de l’avoir empoisonné. Du coup, au bout de ce temps donné, tant qu’on n’ouvre pas la boîte, on doit considérer que le chat est à la fois mort et vivant. Les probabilités sont de 1/2 pour chaque état. Par contre, si on ouvre la boîte, on ne sera plus dans la probabilité, on saura effectivement si le chat est bien vivant ou bien mort. Mais c’est juste une expérience de pensée, on sait très bien que, dans les faits, un chat ne peut pas être à la fois mort et vivant. Ce n’est qu’à l’échelle quantique que ça prend tout son sens.
Le point Godwin
Ce qu’on comprend : Sur un forum, il y aura toujours un débile pour traiter un autre mec de nazi.
Ce que ça dit vraiment : « Plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1. » Mais en réalité, plus une discussion en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant Roger Federer s’approche de 1 aussi puisque l’allongement de la durée de discussion rend forcément plus probable l’irruption de tout. Cette loi est plutôt humoristique qu’autre chose.
La relativité
Ce qu’on comprend : Tout est relatif et dans l’espace, le temps passe plus lentement.
Ce que ça dit vraiment : L’espace et le temps sont un seul et même ensemble et quand on observe nous l’espace et le temps, notre perception de ceux-ci sont liés à la vitesse de notre déplacement dans l’univers. Cette perception est altérée par la proximité des masses et par leur taille : l’espace-temps se courbe à l’approche de masses importantes.
La théorie de l'évolution
Ce qu’on comprend : Au début on était des poissons mais c’était pas pratique, donc les poissons ont développé des mains et des jambes et sont allés bosser et voilà, c’est comme ça qu’on est né.
Ce que ça dit vraiment : Les organismes ne « s’adaptent » pas à leur environnement. Des individus naissent, de temps en temps, et par hasard, avec des petites modifications génétiques (ex : un cou plus long), et si cette modification leur permet de survivre mieux que leurs congénères (ex : ceux qui ont toujours des petits cous et qui galèrent à se nourrir sur les branches basses) alors les individus qui survivent mieux vont pouvoir se reproduire plus facilement, et transmettre leurs gènes, ainsi que cette petite modification génétique. A l’inverse, certains individus peuvent naître avec des modifications génétiques, toujours dues au hasard, mais qui ne les aideront pas particulièrement à survivre, voire les handicaperont, et dans ce cas ils ont peu de chances de les transmettre. En gros, la nature teste (sans le vouloir) des petits trucs par-ci par-là, et les meilleurs restent alors que les moins bons disparaissent faute de reproduction.
"Je pense donc je suis"
Ce qu’on comprend : Il faut penser pour vivre.
Ce que ça dit vraiment : Descartes ne dit rien d’autre que : la seule preuve que j’ai d’exister, c’est que je doute, ou que je pense. Ma conscience est le seul indice dont je dispose pour affirmer que j’existe.
Le nihilisme nitzschéen
Ce qu’on comprend : Nietzsche était nihiliste et espérait qu’un surhomme façon Pascal Brutal domine le monde parce que la loi du plus fort devrait prévaloir.
Ce que ça dit vraiment : Tout le contraire, en réalité. Nietzsche considère le monde comme nihiliste : les hommes ont abandonné toute espérance d’un monde meilleur et sont passifs face à leur vie. Nietzsche, en appelant à accepter le monde et à transfigurer ses valeurs propres, ne veut pas la destruction du monde mais la destruction de l’être, de la pensée, au nom du monde. Un état divin auquel seul le surhomme peut aspirer.
De quoi briller dans les dîners.
Histoire de remettre les pendules à l’heure, on a aussi les étymologies sur lesquelles on se trompe tout le temps, les idées reçues sur les endroits connus, et les erreurs de cuisine que l’on fait tous.