Notre rapport au racisme évolue avec le temps fort heureusement et des trucs qui nous semblaient pas racistes il y a encore quelques années sont remis en question aujourd’hui. C’est pour cette raison que l’on s’offusque encore plus aujourd’hui de voir sortir des comptines pour enfants plutôt (voire franchement) douteuses. Par ailleurs, d’autres contes connus de notre enfance sont eux-mêmes accusés de racisme. Explications.

"Chang le petit chinois"

C’est la dernière saillie dénichée dans une classe de maternelle à Aubervilliers. Comme en témoignent les vers, il faut reconnaître que c’est bien plus que limite : « Ses yeux sont riquiquis, il se nourrit de riz et de litchis, et porte un chapeau chinois ». Certes la comptine ne s’articule pas autour d’expressions ouvertement racistes mais elle essentialise des clichés physiques à l’égard de la population chinoise et par extension asiatique (petits yeux, chapeau chinois, petite taille, et qui ne mange que du riz…) dignes d’un regard hérité du colonialisme. Qu’on se rassure, la comptine a été retirée par le rectorat.

"Sambo le petit nègre" de Helen Bannerman

Il y a une longue histoire sur ce conte. Sorti de l’imagination de Helen Bannerman en 1899 il était alors rempli de clichés racistes plus que moisis et pourtant il a traversé les générations jusqu’à nos jours dans une version qui se veut désormais dénuée de racisme contrairement à sa version originale. En 1899, alors que l’auteur est mariée à un officier du Service Médical Indien, elle imagine cette histoire avec un petit garçon noir (pensant qu’en Inde les habitants sont noirs) qui se bat contre un tigre et en fait du beurre fondu qui servira à sa maman pour faire un gâteau. Evidemment les noirs y sont dépeints comme des fainéants, toujours heureux qui rigolent bêtement. Bref on revenait de loin. C’est ainsi que le livre a été réédité en 1950 avec un personnage cette fois-ci vraiment Indien (mais le titre reste le même jusqu’en 1952 où on se dit que « Sambo, le petit noir » ce serait plus mieux à défaut d’être moins pire). Il faudra enfin attendre 1998 pour que l’ouvrage soit réédité et renommé « Le Grand Courage de Petit Babaji » et nettoyé de toute dimension caricaturale.

Crédits photo : Image from page 14 of "The story of Little Black Sambo" (1908)

"Tintin au Congo" de Hergé

Tout commence en 2007 quand une association s’insurge contre cette BD jugée raciste et haineuse. Dans le même temps, un résidant belge de nationalité congolaise porte plainte contre les éditions Casterman. C’est vrai que le portrait dressé des Congolais n’est pas au top : traités de paresseux, parlant un français pourri etc. Il faut bien sûr se rappeler que la BD a été produite dans les années 30 (ce qui n’excuse pas tout, soyons d’accord). Après 5 ans de procès, la bande dessinée reste toutefois autorisée à la vente… Mais bon comme Hergé s’en est défendu, c’était les années 30 et il était comme tout le monde victime de clichés racistes dont il assure ne pas avoir été conscient. Toutefois, au delà de cette dimension raciste, la BD a aussi été controversée pour ses passages mettant en scène Tintin en plein safari qui bute de malheureuses bêtes, dépèce un singe, récupère les défenses d’éléphants. Bref Tintin au Congo = gros FDP.

Crédits photo (CC BY-SA 2.0) : William Murphy

La première version de "Charlie et la chocolaterie" de Roald Dahl

Par forcément évident à déceler dans sa version actuelle, le livre pour enfant a toutefois été accusé de racisme par le passé. Tout d’abord (et c’est la faute de l’éditeur) parce que Roald Dahl voulait au départ que Charlie le personnage principal soit noir mais son éditeur l’en a dissuadé… Mauvais point. Ensuite, la première version du livre mettait en scène des ouvriers provenant d’une tribu d’Afrique (les Oompa-Loompas) présentés comme des esclaves heureux de travailler gratuitement pour Willy Wonka qui se nourrissent uniquement de fèves de cacao. Dans la version de 71, ce ne sont plus des pygmées d’Afrique, ils viennent de la région fictive Loompa située dans le Pacifique. Bref, le livre a été revu et corrigé et ne mériterait plus, a priori, d’être taxé de racisme aujourd’hui.

Crédits photo (Domaine Public) : Carl van Vechten

"Peter Pan" de J.M Barrie

Souvenez-vous, on vous a déjà causé des Disney qui sont racistes. Alors forcément c’est l’occasion de revenir ici sur le conte de Peter Pan qui est un peu gênant notamment dans le portrait horriblement caricatural qui est fait des Indiens d’Amérique : violents et assoiffés de sang. Le Disney tentait vaguement d’édulcorer ce racisme originel mais le livre à la base est bien plus rude envers les populations indigènes (sans compter le niveau inégalé de misogynie contenu dans l’histoire).

Les contes qui suivent sont surtout accusés d'avoir utilisé le mot "nègre"

"Petits contes nègres pour les enfants des blancs" de Blaise Cendrars

Alors oui c’est sûr que dit comme ça le titre à de quoi piquer les yeux quand on le croise dans les rayons de la Fnac. Il était certainement peu judicieux de laisser un titre pareil d’autant plus que l’ouvrage lui-même n’a absolument rien de raciste. Blaise Cendrars l’a publié en 1929 et ce recueil consistait justement à faire connaître des récits issus de la tradition orale en Afrique, c’est au contraire une valorisation qui s’inscrit justement dans une démarche anti-raciste. Mais bon. Le titre, ça le fait pas quoi.

Le conte allemand "Die Kleine Hexe" (La petite sorcière) d’Otfried Preußler

Ce best-seller allemand est paru en 1957 et traverse depuis les générations jusqu’à ce que récemment son éditeur ait décidé de modifier le texte du conte qui contenait encore le mot « nègre« … Plus étonnant en revanche, l’éditeur à également supprimé le mot « wischen » qui signifie « se masturber ». Bon alors c’est vrai que ce n’est pas un terme qu’on a l’habitude de croiser dans un livre pour enfant mais c’est pas non plus la fin du monde.

"Les aventures de Huckleberry Finn" de Mark Twain

Là encore, ce grand classique de la littérature américaine pour enfants écrit en 1884 ne porte pas un message raciste. Bien au contraire, l’histoire se passe en pleine Guerre de Sécession et dénonce justement l’esclavage et le racisme. Seulement, l’ouvrage compte 219 occurrences du mot « nègres » (utilisé par les personnages, rappelons-le) et aux Etats-unis, le « N-word » est particulièrement tabou. Le livre est ainsi devenu polémique malgré lui jusqu’à ce que décision soit prise par son éditeur de remplacer le mot « nègre » par le mot « esclave » dans le livre. Même si d’une certaine façon, les personnages qui sont des p’tits gars illettrés de basse campagne en 1840 ont toutes les raisons de connaître de mot « nègre » et non celui d' »esclave »… Mais bon.

De la même façon, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur de Harper Lee a été retiré des classes dans l’état du Mississippi à cause de l’usage du mot « nègre » dans l’édition originale (même si le livre est justement écrit pour combattre le racisme).

Crédits photo (Domaine Public) : E. W. Kemble (1861–1933) - illustrator

Source : France Culture, Le Figaro, Spiegel online, Première, Mental Floss, Slate, W24, Actualitté