Tout le monde n’a pas la chance d’avoir du génie. Tout le monde n’a pas l’abnégation nécessaire, la foi en l’avenir et le savoir-faire pour fabriquer des objets qui changeront la vie des autres. Mais ceux qui ont pareilles qualités manquent parfois d’un autre atout : la capacité à se vendre. Et voilà comment on peut avoir une bonne idée, la mettre sur pied, mal négocier ou mal présenter et terminer dans la misère pendant que d’autres ramassent le pactole.
Le mec qui a inventé le gel hydroalcoolique ne touche pas un rond sur son invention
En temps de crise sanitaire, le gel hydroalcoolique est le produit star. Tellement d’ailleurs que certains industriels peu scrupuleux n’hésitent pas à augmenter le prix des gels hydroalcooliques pour profiter du coronavirus. Ce n’est pas le cas de son inventeur, Didier Pittet, un médecin suisse qui a choisi de faire don de sa formule à l’OMS plutôt que de la déposer. Son but était d’éviter que des industriels ne fassent du fric avec ; ça ne les empêche pas de le faire.
Désirée Martin
Rouennais de naissance, Désirée Martin est l’inventeur du frein à air comprimé, un système de freinage mis au point en 1860 et aujourd’hui utilisé par l’ensemble de l’industrie ferroviaire mondiale. Mais au moment de commercialiser son invention, Désirée Martin s’est heurté à une fin de non-recevoir de la part des chemins de fer français. 17 ans plus tard, une fois le brevet tombé dans le domaine public, une compagnie britannique mettra la main dessus pour généraliser le système et ainsi spolier le pauvre Martin qui finira sa vie dans la misère.
Nikola Tesla
Tesla était employé par l’entreprise d’Edison quand il a découvert (entre autres) le courant alternatif. Mais Edison a mis tout son entregent à profit pour récupérer les brevets de Tesla et lui faire bouffer son courant alternatif (il était partisan d’un équipement en courant continu), tant et si bien que Tesla a fini sa vie sans un rond pendant qu’Edison mangeait des cailles aux truffes et d’excellentes petites tartes aux fraises.
Juan Pedro Baigorri Velar
Juan Pedro Baigorri Velar, un ingénieur argentin né à la fin du XIX° siècle, affirmait avoir inventé une machine à faire pleuvoir. Sur le papier, ça a l’air n’importe quoi, mais la machine de Velar marchait : son utilisation a par exemple déclenché des tempêtes dans des zones frappées par une sécheresse qui durait depuis plusieurs années. En quelques mois, Velar est devenu une sorte de star en Argentine ; mais parce qu’il refusait de révéler le fonctionnement de sa machine, il a fini par être totalement blackboulé par les autorités de son pays et est mort dans la pauvreté la plus totale sans jamais avoir vu son engin commercialisé. Allez savoir s’il s’agissait ou non d’une arnaque.
Edmond Albius
Réunionnais, Edmond Albius était un esclave. A 12 ans, il découvre le procédé de pollinisation de la vanille. Que font les blancs qui l’exploitent ? Bah ils récupèrent le procédé. En l’espace de 10 ans, grâce à l’invention d’Albius, les volumes d’exportations de vanille issue de la Réunion sont multipliés par 12. La Réunion devient rapidement le plus grand exportateur de vanille du monde. Affranchi lors de l’abolition de l’esclavage en 1848, Albius essaiera de récupérer les droits de son invention mais sera systématiquement contré par le pouvoir blanc. Il mourra dans la misère en 1880.
Nick Holonyak Jr.
En 1962, Nick Holonyak Jr. a inventé la LED : une diode à spectre visible dont il avait déjà prédit qu’elle serait amenée à remplacer les ampoules. Et il s’est absolument gardé de déposer l’invention, considérant qu’il était de son devoir en tant que scientifique de partager ses découvertes. En revanche, ses inventions successives lui ont valu la reconnaissance des ses pairs et s’il n’est pas devenu richissime, il a quand même touché pas mal de thune grâce notamment à la diode laser, utilisée dans les lecteurs DVD et les téléphones portables.
Daisuke Inoue
Au départ, Daisuke Inoue était batteur. Pas n’importe quel batteur : batteur dans un backband qui écumait les bars pour accompagner des clients qui voulaient pousser la chansonnette. Mais un jour de 1971, Inoue est malade et ne peut assurer le coup. Il enregistre donc une cassette avec la musique et se dit que ce procédé marche pas mal. Il commence à enregistrer plusieurs bandes de ce type et crée des machines à karaoké qui deveniennent très populaires. Mais voilà, il ne dépose pas de brevet. Son invention ne lui a rien rapporté et il a d’ailleurs perdu le procès qui l’a opposé à un Philippin, lequel avait déposé un brevet similaire en 1983.
Karlheinz Brandenburg
Karlheinz Brandenburg a inventé le MP3 dans les années 1980 en se basant sur la chanson Tom’s Dinner de Suzanne Vega (la voix grave et a cappella de la chanteuse lui semblait un bon étalon-maître pour mesurer la qualité de sa compression). Mais Brandenburg n’avait pas un rond et il ne pouvait distribuer son invention ; il l’a donc déposée en shareware et n’en a pas tiré le moindre centime.
Antonio Meucci
Né en 1808, Antonio Meucci est aujourd’hui officiellement considéré comme l’inventeur du téléphone. Il dépose le brevet de son invention en 1871 ; pour être exact, il ne dépose pas le brevet mais l’avertissement de brevet, un système moins coûteux et donc moins protecteur. 5 ans plus tard, voilà notre Graham Bell qui, lui, dépose un brevet protégeant le téléphone. S’ensuit un procès intenté par Meucci qui est persuadé de s’être fait piquer son invention. Mais l’inventeur italien décède avant la fin du procès et il faudra attendre la toute fin du XX° siècle pour que sa contribution à l’invention du téléphone soit reconnue.
Hilaire de Chardonnet
Inventeur de la soie artificielle en 1884, Chardonnet se lance corps et âme dans son invention, plaçant tout son argent dans la Société de la soie Chardonnet qui réussit à concurrencer les importations de soie naturelle. Mais il ne réussira pas à tirer profit de son invention, l’entreprise ne décollant vraiment qu’après la mort de Chardonnet qui finira dans la pauvreté.
En revanche, d’autres inventeurs sont devenus très riches. Sans doute étaient-ils à la fois plus malins et plus cons.