Savez-vous reconnaître un pirate ? Moi j’aurais tendance à dire que oui, je sais reconnaître un pirate. C’est un mec avec un bandeau et un crochet qui parle bizarrement. Et vous voyez, j’ai tort. Parce qu’un pirate, ce n’est pas forcément un mec. Ça peut être une femme. Et pour tout dire, c’est sans doute l’un des corps de métier où l’on retrouve dans l’Histoire le plus de femmes. Sans doute parce que ceux qui avaient choisi une vie marginale étaient moins enclins à se trouver choqués en voyant une femme faire autre chose que de la couture.

Alvida (Scandinavie, V° siècle)

Il semblerait que le père d’Alvida, un roi gothique du V° siècle extrêmement protecteur envers sa fille, ait passé son temps à la sur-emmerder à coups de voile sur sa gueule pour qu’elle ne soit vue par les autres hommes. Il plaçait aussi des vipères protectrices dans sa chambre et la menaçait en continu. Un type, pourtant, a réussi à convaincre papounet qu’il était suffisamment correc’ pour pouvoir se marier avec Alvida. Et ce type, ce n’était pas n’importe qui, c’était Alf, le prince du Danemark. Mais Alvida, elle, a préféré devenir pirate plutôt que de l’épouser ; elle a donc réuni d’autres femmes pirates autour d’elle ainsi que des hommes pirates fous amoureux de l’équipe féminine de piraterie et s’est constitué une petite flotte de derrière les fagots. Ensuite, l’histoire de la pirate scandinave se mêle à la légende : Alvida s’habillait en homme et écumait les mers, jusqu’au jour où Alf et son équipage ont décidé d’aborder son navire. Alvida a alors été si impressionnée par le courage d’Alf qu’elle a révélé son identité et a accepté de l’épouser. Ils ont ensuite régné sur le Danemark ensemble.

Mary Jane Read et Anne Bonny (Angleterre, XVII° siècle)

À la fin du XVIIe siècle, la mère de Mary Jane Read avait besoin d’argent. Elle s’est donc mise en tête de déguiser sa fille en garçon pour toucher des pensions et pour l’envoyer travailler. Et voilà notre Mary Jane enrôlée comme valet dans l’armée britannique entre autres infortunes incluant la mort de son premier mari et sa rencontre fortuite avec Jack Rackham, un pirate tristement légendaire dont l’épouse Anne Bonny était, elle aussi, pirate. Mary Jane n’hésite pas : elle intègre l’équipage de Rackham et, déguisée en homme, livre des combats navals impressionnants contre la marine britannique. Avec ses alliés, Mary Jane capture des navires de guerre anglais, embauche de nouveaux pirates et aide à renforcer la flotte de Rackham. C’est avec l’un des prisonniers capturé lors d’une bataille ayant vu Mary Jane Read tuer de sa main le commandant du Royal Queen qu’elle tombera enceinte. La légende raconte qu’elle exhibait ses parties génitales aux yeux des hommes qu’elle avait vaincus avant de les achever, pour leur signifier qu’une femme pouvait se battre comme un homme.

Finalement capturées en 1720 par les troupes du capitaine Barnet, Read et Bonny ont évité la pendaison grâce à leur grossesse. Mary Jane Read est morte d’une fausse couche en prison.

Ching Shih (Chine, XVIII et XIX° siècles)

Pirate cantonaise ayant vécu au carrefour du XIXe siècle, Ching Shih est rentrée en piraterie en se mariant avec le pirate Cheng I en 1801 alors qu’il combattait contre les rebelles vietnamiens. Ching et Cheng sont dans un bateau, Cheng tombe à l’eau qui est-ce qui reste ? Ching Shih (et son fils adoptif). Elle parvient à prendre la tête de la flotte pirate et se marie d’ailleurs avec son fils adoptif histoire de bien établir sa lignée. Sur les navires de Ching Shih, la discipline est rude : quiconque tape dans le butin ou viole des prisonnières est condamné à mort ; quiconque déserte et est repris se fait couper l’oreille. Sous le commandement de Ching Shih, la flotte pirate pille des navires et met des villages à sac. Une série de batailles l’oppose aux troupes chinoises en 1808 et les pirates en sortent vainqueurs. Mais le pouvoir de Ching Shih est mis en péril par les attaques d’un autre pirate, O-po-tae, qui a obtenu une amnistie du gouvernement pour ses hommes contre l’arrêt de ses activités de piraterie. La flotte chinoise est désormais entièrement tournée vers Ching Shih qui, sentant le vent tourner, obtient une amnistie à son tour en 1810. Elle finira sa vie à Canton en patronne de cercle de jeux et de bordel.

Jeanne de Belleville (France, XIV° siècle)

Une fille que l’on surnommait « la tigresse bretonne » ne pouvait pas être tout à fait inoffensive. Jeanne de Belleville, qui n’était pas bretonne mais venait du Poitou, est devenue pirate pour venger son mari, exécuté sur ordre du roi de France Philippe VI. Après avoir acquis trois bateaux (une petite fortune), elle a consacré sa vie à assaillir les navires stationnés en Bretagne et transportant des troupes favorables à la France. Elle a fait subir d’importantes pertes aux Français jusqu’à ce que son bateau soit coulé par le fond. Elle s’est alors réfugiée en Angleterre et a abandonné la piraterie.

Crédits photo (Domaine Public) : Judi Heit

Grace O'Malley (Irlande, XVI° siècle)

Fille d’un chef irlandais, Grace O’Mailey s’intéresse très rapidement aux choses maritimes et se retrouve à devoir mettre en pratique ses connaissances lorsque son mari meurt. Décidée à reconquérir les châteaux perdus au cours des batailles écoulées, Grace O’Mailey mène une guerre sans merci qui lui permet de devenir la patronne de la baie de Cuano Mo, un statut qu’elle renforce en arrangeant des unions avec des seigneurs locaux. Ensuite, elle se livre à des activités de piraterie tranquillement, activités qu’elle cessera finalement pour prêter allégeance à la couronne anglaise contre la libération de ses fils, capturés par les troupes britanniques.

Sayyida al-Hurra (Mediterranée, XVI° siècle)

Figure incontournable du monde musulman au XVI° siècle, Sayyida al-Hurra a régenté la ville de Tétouan entre 1515 et 1542, livrant sans relâche bataille contre les Portugais à Ceuta. Le drame de sa vie, c’était la reconquête de Grenade par les Espagnols en 1492 qui avait forcé sa famille à l’exil. Après la mort de son mari, elle se remarie avec le roi du Maroc et décide de tout faire pour reprendre Grenade, recourant pour ce faire à la piraterie. Elle s’allie avec un chef corsaire turc, Arudj Barberousse (dans le genre nom de pirate, on ne fait pas mieux) et vogue à ses côtés en rançonnant les Espagnols aventurés sur la Méditerranée. Sayyida al-Hurra était respectée par ses interlocuteurs espagnols et portugais qui la voyaient comme une fine négociatrice et un personnage incontournable de la vie méditerranéenne à l’époque.

Crédits photo (Domaine Public) : Victorcouto

Jacquotte Delahaye (Caraïbes, XVIII° siècle)

Jacquotte Delahaye est née dans les Caraïbes françaises, sans doute à Saint-Domingue, mais sa vie est peu documentée et seuls les récits épiques de l’époque attestent de son existence. Métisse (son père était français et sa mère haïtienne), Jacquotte entre en piraterie comme d’autres seraient entrées au couvent, peu après l’assassinat de son père. Ensuite, il est difficile de séparer la réalité de la légende en ce qui la concerne. Delahaye aurait tantôt simulé sa propre mort et se serait cachée chez un homme avant de reprendre le chemin de la mer affublée d’un nouveau surnom (« la revenue de la mort rouge ») après avoir teint ses cheveux. Elle aurait dirigé une flotte de plus de 100 pirates avec lesquels elle aurait fait main basse sur une île des Caraïbes où elle aurait instauré une république pirate. La légende raconte que c’est en protégeant cette île des envahisseurs qu’elle serait morte.

Charlotte de Berry (Angleterre, XVII° siècle)

Mariée à un marin de la Royal Navy contre la volonté de ses parents, Charlotte de Berry embarque avec lui à bord de son navire en revêtant des habits d’hommes. Mais à bord du bateau, l’un des officiers découvre le pot aux roses et, s’il tient sa langue, c’est uniquement parce qu’il a envie de coucher avec Charlotte de Berry. Mais voilà, il y a le mari. Après l’avoir choisi pour effectuer les missions les plus dangereuses dans l’espoir déçu qu’il y reste, l’officier décide de l’accuser de mutinerie. Jugement expéditif, la mort pour le mari. Charlotte, qui trouve tout ça pas très sympa, tue l’officier en question à la première escale et commence à travailler sur les docks, en femme cette fois-ci. Un capitaine de marine marchande la rencontre, la viole, l’enlève et la force à l’épouser. Que fait Charlotte ? Elle organise une mutinerie (une vraie, celle-là) à bord du navire où elle est retenue de force et décapite le capitaine. Elle devient alors une pirate bon teint, se marie avec un espagnol, s’échoue sur une île avec ledit mari et finit par manger l’équipage faute de vivres, est secourue par un navire hollandais attaqué à son tour par des pirates et meurt. Une vie comme une autre, en somme.

Anne Dieu-le-veut (France, XVIII°)

Je suis super content parce que dans quelques instants je vais pouvoir utiliser le mot « flibustier ». Donc Anne épouse un flibustier, Pierre Lelong, qui meurt en 1690, puis elle va de mariage en veuvage et finit par se mettre en cheville avec Laurent de Graaf de la plus étrange manière qui soit (ils se défient en duel puis s’épousent). Ensemble, ils s’installent à Saint-Domingue et parcourent les Caraïbes pour pratiquer ce qu’on peut tout simplement appeler de la flibuste. Mais Anne se fait capturer en 1695 par les Espagnols et ne doit sa libération qu’à des démarches entreprises par les Français. Ensuite, elle se tient à carreau.

Flibustier. Je l’utilise encore une fois pour le plaisir.

Lai Choi San (Chine, XX° siècle)

A la tête d’une flotte de douze navires entre Macao et la mer de Chine méridionale, Lai Choi San – dont l’existence est discutée par certains spécialistes – était la terreur des navires marchands durant l’entre-deux-guerres. Lai Choi San était entourée de repris de justice portugais avec lesquels elle organisait une véritable mafia, touchant de l’argent par les commerçants en échange d’un service de protection, comme ce que faisait Capone à Chicago.

Flibuste.

Sources : France Inter, Wikipédia