Ce n’est pas parce qu’on est un monument de la littérature, destin au Panthéon et oeuvre intemporelle, qu’on a du Bescherelle à la place du sang. D’ailleurs, d’expérience, les monuments ont mauvaise orthographe, confère mon pote le pont de l’Alma. L’orthographe et la littérature ne sont pas des inséparables, preuve en est. Après, ne ça dispense pas de comprendre un peu comment elle marche, quand même, la langue.
"Mon cher philosofe, je m’imagine que le termomètre de votre apartement est comme le mien, tout près de l’eau bouillante."
Voltaire, Correspondance.
Manquerait plus que le poil soit tout prêt du termomètre, et on aurait un genre de métaphore sexuelle malvenue.
"Dans dix ans, j’aurai la plus belle clientelle de Paris."
Balzac, Un début dans la vie.
Le type aurait pu se contenter d’avoir déjà les plus belles fautes d’orthographe de Paris. Mais Balzac était connu pour ne rien en avoir à secouer, de l’orthographe, et au final on ne peut pas tout à fait lui donner tort.
"Nous allions nous mettre à table devant le grand feu de la haute cheminée où rôtissaient un râble de lièvre flanqué de deux perdrix qui sentaient bon."
Maupassant, Un réveillon.
Le râble est tellement appétissant qu’il devient pluriel. C’est un genre de marque de politesse, envers les lièvres qui ont la classe, que de leur donner du pluriel.
"Le souvenir de ses tripotages dans les gouvernements républicains lui nuisirent"
Balzac, La Vieille fille.
Avouez que vous avez d’abord cru que c’était « nuisirent » qui ne se disait pas, puis « tripotage », avant de vous rendre compte que, tout simplement, il n’est question que d’un souvenir dans cette affaire, pas de quoi foutre du ent à la fin d’un verbe.
"Il est distrait au volant de son auto et laisse souvent ses flèches de direction levées, même après qu’il ait effectué son tournant"
Camus, La Peste.
Camus se rend ici coupable de la faute nulle la moins grave de toute l’histoire de la faute, à savoir le après que + subjonctif. En fait, on est censé systématiquement utiliser l’indicatif, après qu’on a dit après que. En fait, tout le monde s’en branle.
"Dans toutes les armées du monde, on pallie généralement au manque de matériel par des hommes"
Camus, La Peste.
On croyait que Camus avait fait la faute la moins grave du monde avec cette histoire d’après que ; que nenni. Après qu’on a davantage mené l’enquête, on s’est rendu compte qu’il avait aussi utilisé le verbe pallier de manière intransitive, en disant pallier à, au lieu de pallier tout court. Vilain, vilain Albert.
"Eau, quand pleuveras-tu ?"
Baudelaire, Le Cygne.
Oui. On dit « pleuvras », pas « pleuveras ». Et puis surtout, pleuvoir ne se conjugue pas à la deuxième personne du singulier, mais c’est la licence poétique les mecs, moi-même j’ai une licence en serrurerie et ça m’a ouvert plein de portes.
"Jusqu’à ce qu’il s’en aille en cendre et se dissoude."
Hugo, Dieu.
Il écrivait beaucoup, Totor Hugo, raison pour laquelle il laissait parfois échapper quelques conneries. Soit les gens se dessoudent, soit ils se dissolvent. Par ailleurs, pas sûr qu’il n’y ait eu qu’une seule cendre suite à cette dissoudution.
"La compatissance et la tendresse d’une jeune fille possèdent une influence vraiment magnétique."
Balzac, Eugénie Grandet.
On ne saurait que compassionner avec Balzac devant un tel émerveillement pour cette jeune fille. A en perdre ses moyens.
"Les maisons sont criblées de bal !"
Jules Verne, correspondance.
La lettre de Jules Verne à ses parents visant à rendre compte de la situation parisienne au lendemain du coup d’Etat du 2 décembre 1851, il semble assez clair qu’au lieu des joyeux bals ainsi peints par l’auteur, on retrouvait sur les façades des baraques du 9 mm en rafale, enfin façon de parler en anachronismes.
Du coup, t’en auras sous le pied pour répondre à Madame Potier quand elle rendra les dictées.
Source : Bibliobs, Vanity Fair, Les plus jolies fautes de français de nos grands écrivains.