Le bio, c’est bien. C’est même très bien le bio. Ça permet à tout le monde de vivre mieux, de manger mieux, de faire manger mieux et de faire vivre mieux. Mais est-ce que ça permet de mourir mieux ? Enquête.
Par des balles biodégradables
L’armée américaine s’apprête à expérimenter des balles biodégradables remplies de graines de plantes. C’est les petits morts d’Afghanistan qui seront contents de mourir dans le respect de l’environnement.
En fumant du tabac bio
Pas d’additif, le respect des terres et des producteurs : le tabac bio a tout pour séduire les poumons, la gorge et la bouche. Rien de mieux qu’un cancer bio pour mourir dans une souffrance responsable de la planète.
En choisissant des cimetières écologiques
Quoi de mieux pour se faire chier pour l’éternité (enfin jusqu’à la destruction de la planète par le soleil), que d’opter pour un cimetière biodégradable ? Idée neuve : remplacer les chrysanthèmes par des panais de l’AMAP. A quand des vers de terre élevés dans le respect de l’invertébré ? Posons les vraies questions.
En se pendant à une éolienne avec une corde de chanvre bio
A l’heure où tout nous échappe, où la rédemption n’est plus qu’un mot vide de sens, où nos chers amis sont partis pour laisser place à de chères dettes de jeux, à l’heure où la banqueroute amoureuse ou financière n’est qu’un problème mineur devant la haine que nous renvoient nos enfants, à l’heure où l’espoir a fait ses valises et nous les nôtres pour cause d’expulsion, à l’heure où nos résultats d’analyses ne sont pas bons, que faire sinon en finir ? Mais, dans ce moment d’intense égarement, il ne faut pas perdre de vue ceux qui vont rester : en nous pendant à une éolienne avec une corde de chanvre bio, nous laisserons un héritage digne de ce nom.
En faisant une attaque cardiaque après avoir absorbé du cholestérol issu de produits bios
Beurre bio, huile bio, viande bio, œufs bio, museau de porc bio, cholestérol bio, infarctus bio. A quand les pacemakers fabriqués en circuit court ? Secouons le cocotier, un peu, voir ce qui tombe.
En se faisant manger par un taureau élevé dans le respect de l'animal
En plein air, avec de l’espace, nourri exclusivement au grain bio. Que l’on soit toréador amateur ou ranchero assumé, que l’on soit un ami des buffles ou tout simplement un promeneur malchanceux, il ne faut pas négliger de vérifier la provenance de l’animal qui nous piétine et nous dévore. Attention également aux régions où les vautours, rôdant à proximité des centrales nucléaires, pourraient saloper le travail en rompant la chaîne de l’éco-responsable. A quand des anneaux nasaux recyclables ? J’apporte ma modeste contribution au Schmilblick.
En faisant une grève de la faim bio
D’accord, on ne mange plus par principe et jusqu’à obtention d’un accord des parties adverses ou d’une place au caveau. Mais attention, il y a pas manger et pas manger ; à l’heure de ne plus s’alimenter, il ne faudrait pas se retrouver avec des sucs gastriques pleins d’OGM. Le mieux est donc de s’injecter du fertilisant naturel directement dans le tube digestif pour s’assurer que les bactéries, en interne, sont conformes à nos valeurs. A quand de l’air sans additif ? J’apporte ma pierre à l’édifice.
En prenant la bagnole électrique après avoir bu du vin bio
Bien pompette à la clairette bio, nous voilà partis sur la route à bord de notre véhicule électrique. Le tournant, la corniche et, dans l’air du soir, la Tesla s’envole après avoir traversé un champ de colza. Dernier pied de nez, dernière bravade. A quand des plaquettes de frein produites en local ? Soyons réalistes : demandons l’impossible.
En faisant une allergie aux gambas bio
Oh oui, on va gonfler. Oh oui, mon petit monsieur, on va gonfler, devenir tout rouge, étouffer, crier sans un cri, comme exploser de l’intérieur. Oh oui, mon petit monsieur, on va la regretter, cette gambas mayonnaise qui nous donnait envie. Oh oui. Mais le comble du mauvais goût serait encore de mourir d’une crevette élevée dans un bassin cradingue par des éleveurs filous à l’autre bout du monde. A quand du polystyrène bio pour les plateaux de fruits de mer ? Tant de questions sans réponse, tant de réponses sans question.
En mangeant un malade du SIDA élevé en plein air au grain bio près de chez toi
Chacun ses lubies, chacun ses passions. Vous, c’est le cannibalisme. Soit. Pourquoi juger ? La justice a-t-elle statué, que je sache ? L’éthique n’est-elle pas une science du mouvement ? Soit. Mais on peut être cannibale sans être un salaud. On peut être cannibale et penser global. Et c’est tout à votre honneur. Malheureusement, vous avez choisi le mauvais cheval. C’est qu’il ne portait pas sa séropositivité sur la tronche, le bougre. Vous voilà immunodéficient. La mort est au bout du chemin, oui, mais ce chemin est semé de tulipes équitables.
L’UE réfléchit à un label pour qualifier les morts éco-responsables, lequel donnerait droit à un abattement fiscal sur le deuxième cercueil.